Avis 20221117 Séance du 31/03/2022

Communication, dans la cadre du marché interministériel piloté par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), des documents suivants : 1) les pièces du contrat‐cadre initial ; 2) le rapport du cabinet X sur l’évolution du métier d’enseignant ; 3) les factures afférentes.
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 février 2022, à la suite du refus opposé par le ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports à sa demande de communication, dans le cadre du marché interministériel piloté par la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), des documents suivants : 1) les pièces du contrat‐cadre initial ; 2) le rapport du cabinet X sur l’évolution du métier d’enseignant ; 3) les factures afférentes. La commission, qui a pris connaissance des observations du ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, rappelle qu’en application de l’article L300-1 du code des relations entre le public et l'administration, « Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par les dispositions des titres Ier, III et IV du présent livre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs », l’article L300-2 du même code précisant « (…) Les actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires sont régis par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ». Aux termes de l’article L342-1 du même code, « La Commission d'accès aux documents administratifs émet des avis lorsqu'elle est saisie par une personne à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif en application du titre Ier, un refus de consultation ou de communication des documents d'archives publiques, à l'exception des documents mentionnés au c de l'article L211-4 du code du patrimoine et des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires, ou une décision défavorable en matière de réutilisation d'informations publiques. (…) ». Enfin, l’article R342-4-1 du code des relations entre le public et l'administration dispose que « La commission peut être consultée par les autorités mentionnées à l'article L300-2 sur toutes questions relatives à l'application des titres Ier, II et III du présent livre et du titre Ier du livre II du code du patrimoine (…) ». La commission déduit de ces dispositions qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur le caractère communicable d'un document produit ou reçu par une assemblée parlementaire. Elle constate toutefois qu'en l'espèce, si les documents demandés ont été transmis à la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseils privés sur les politiques publiques, ils n'ont pas été élaborés à la demande d'une assemblée parlementaire, ni en vue de leur transmission à l'une d'elles. Elle en déduit que ces documents ne relèvent pas « des actes et documents produits ou reçus par les assemblées parlementaires » dont la communication est régie par l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et qu’elle est, par suite, compétente pour se prononcer sur le caractère communicable de ces document, qui présentent un caractère administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA). La commission rappelle également que les travaux des commissions d'enquête sont, en vertu des dispositions de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, couvertes par le secret, à l’exception des auditions, en principe publiques, et que le IV de cet article 6 dispose que « Sera punie des peines prévues à l'article 226-13 du code pénal toute personne qui (...) divulguera ou publiera une information relative aux travaux non publics d'une commission d'enquête, sauf si le rapport publié à la fin des travaux de la commission a fait état de cette information. » Elle en déduit que le secret des travaux non publics d'une commission d'enquête doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. La commission constate en l'espèce que les conclusions du rapport de la commission d'enquête sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, présidée par Monsieur Arnaud BAZIN, ont été présentées le 17 mars 2022 et que le rapport est librement accessible sur le site internet du Sénat. Elle relève également que ce rapport fait état en son point 2. du D. du I. du « marché de la DITP » et, en annexe, à titre « d'étude de cas », du document visé au point 2) de la demande. Elle en déduit que les documents demandés en application du CRPA n'ont, en l'espèce et en tout état de cause, pas pour effet de porter atteinte au secret susmentionné, en révélant « l'étendue des investigations réalisées par la commission » ainsi que le fait valoir le ministre. La commission rappelle, ensuite, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte, en effet, de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a, en outre, précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret commercial ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires. L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret en matière commerciale et industrielle conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le mode de passation, notamment répétitif, du marché ou du contrat, sa nature, sa durée ou son mode d’exécution. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres), les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises. Cette position doit toutefois être adaptée au caractère très particulier des accords-cadres, prévus par l'article 4 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et par les articles 78 et suivants du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, désormais régis par les articles R2162-1 et suivants du code de la commande publique. Ainsi, aux termes de l'article R2162-2 du code de la commande publique : « Lorsque l'accord-cadre ne fixe pas toutes les stipulations contractuelles, il donne lieu à la conclusion de marchés subséquents dans les conditions fixées aux articles R2162-7 à R2162-12 ». Selon les dispositions de l'article R2162-10 de ce code, lorsqu'un accord-cadre est conclu avec plusieurs opérateurs économiques, le pouvoir adjudicateur organise une mise en concurrence, consulte par écrit les titulaires de l'accord-cadre, fixe un délai suffisant pour la présentation des offres qui devront être proposées conformément aux caractéristiques fixées par l'accord-cadre et les documents de la consultation propres au marché subséquent. En outre, cet article précise que le marché subséquent est attribué à celui ou à ceux des titulaires de l'accord-cadre qui ont présenté les offres économiquement les plus avantageuses, sur la base des critères d'attribution énoncés dans l'accord-cadre. De plus, selon l'article R2162-12 : « Lorsqu'une remise en concurrence est prévue, l'entité adjudicatrice fixe un délai suffisant pour permettre la présentation des offres. Le marché subséquent est attribué à celui ou à ceux des titulaires de l'accord-cadre qui ont présenté les offres économiquement les plus avantageuses, sur la base des critères d'attribution définis dans l'accord-cadre. » Comme elle a déjà pu le préciser dans son avis n° 20154254, la commission estime qu'il ressort de ces dispositions que la signature d'un accord-cadre retenant plusieurs entreprises ne vaut pas attribution du marché et ne met pas fin à la mise en concurrence qui se poursuivra entre les entreprises retenues pendant toute la durée de l'accord. Le droit d'accès aux documents relatifs à ce dernier doit donc être défini de manière à ne pas porter atteinte à la concurrence entre ces entreprises ce qui conduit à en restreindre la portée par rapport aux contrats ou marchés publics habituels. De même, la portée du droit d'accès à un marché passé sur le fondement de l'accord-cadre est réduite, par rapport aux contrats ou marchés publics habituels, dans tous les cas où l'attribution du marché en cause n'épuise pas les possibilités de nouvelles mises en concurrence ouvertes pour l'attribution d'autres marchés sur le fondement du même accord-cadre. Il importe en effet de veiller à ce que la communication des informations sollicitées n'affecte pas la concurrence pour la passation des marchés sur le fondement de l'accord-cadre, tant que ce dernier reste applicable, ce qui porterait atteinte au secret des affaires protégé par l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Dans cette hypothèse, la commission estime que la communication à des tiers des caractéristiques de l'offre retenue au titre de marchés subséquents et, de manière générale, les informations qui se rapportent aux offres présentées, porterait atteinte au secret des affaires protégé par l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Seules les caractéristiques générales du marché subséquent sont communicables à toute personne qui en fait la demande. Compte tenu de ces éléments, la commission estime que les documents mentionnés au point 1) sont communicables au demandeur, sous la réserve tenant à l'occultation des mentions protégées par le secret des affaires. La commission précise également que les factures émises par l'entreprise titulaire du marché ne peuvent par elles-mêmes, à la différence du bordereau des prix unitaires, refléter la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité déterminé et qu'elles sont dès lors communicables en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. En conséquence, elle émet donc un avis favorable à la communication des documents mentionnés aux points 1) et 3) de la demande, sous les réserves susmentionnées s'agissant du point 1). S'agissant du document visé au point 2) de la demande, la commission estime que ce document administratif est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sous réserve qu'il ne soit plus préparatoire. Elle émet donc également, sous cette réserve, un avis favorable sur ce point. .