Avis 20221064 Séance du 31/03/2022
Communication, par courriel électronique sans frais, dans le cadre de l'enquête en cours relative au décès du frère de sa cliente, Monsieur X, du dossier individuel ce dernier.
Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 21 février 2022, à la suite du refus opposé par la ministre des Armées à sa demande de communication, par courriel électronique sans frais, dans le cadre de l'enquête en cours relative au décès du frère de sa cliente, Monsieur X, du dossier individuel ce dernier.
En l'absence, à la date de sa séance, de réponse de l'administration, la commission relève qu'aux termes de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée (...) ». Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, ministre de l'Immigration nationale et du Développement solidaire c/ M. X (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens de ces dispositions, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, ainsi que les conclusions du rapporteur public sur cette affaire permettent de le comprendre, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit ou d'un motif légitime dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication.
S'agissant d'une personne décédée, la commission estime que des documents peuvent être communiqués aux ayants droit du défunt, sous réserve que le défunt ne s'y soit pas opposé de son vivant et que l'ayant droit justifie d'un droit ou motif légitime pour y accéder. Tel peut être le cas lorsque les ayants droit cherchent à faire valoir leurs droits, à défendre la mémoire du défunt ou à connaître les causes du décès. La communication est alors possible dans la seule mesure où ces documents sont nécessaires à la poursuite de l'objectif évoqué.
En l'espèce, la commission ne dispose d'aucune information précise sur le droit dont souhaite se prévaloir la sœur du militaire décédé, auparavant employé par l'armée de terre. A supposer que Madame X souhaite, le cas échéant, demander la reconnaissance de l'imputabilité au service du décès de son frère ou engager la responsabilité du ministère des Armées en sa qualité d'employeur du défunt, la commission considèrerait que si le dossier administratif de l'agent décédé ne contient que des informations qui se rapportent à ce dernier, et non à sa sœur, celle-ci, en sa qualité d'ayant droit direct, serait susceptible de se prévaloir, à raison du contenu de ce dossier, de droits hérités du défunt, voire de droits propres nés du préjudice qu'elle pourrait subir directement.
La commission estimerait alors que les documents qui composent le dossier administratif du défunt seraient communicables à l'intéressée, après occultation, le cas échéant, des mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée de tiers ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique tierce, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d'un tiers, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émettrait sous les réserves précitées un avis favorable.
La commission ne peut dès lors qu’inviter Madame X à justifier les raisons pour lesquelles elle sollicite la consultation du document demandé. En l'état de ses connaissances, la commission ne peut qu’émettre un avis défavorable.
A toutes fins utiles, la commission rappelle que les dispositions du f) du 2° de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration ne font obstacle à la communication de documents, au cours d’une procédure juridictionnelle, que dans l'hypothèse où celle-ci serait de nature à porter atteinte au déroulement de l'instruction, à retarder le jugement de l'affaire, à compliquer l'office du juge ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives. En revanche, la seule circonstance que des documents administratifs aient été transmis au juge ou que la communication de tels documents serait de nature à affecter les intérêts d'une partie à la procédure, qu'il s'agisse d'une personne publique ou de tout autre personne, ne saurait légalement justifier un refus de communication sur ce fondement.