Conseil 20220677 Séance du 31/03/2022

Caractère communicable, dans le cadre d'un dossier contentieux d'urbanisme en cours de régularisation, à l'avocat d'un administré auteur d'un signalement de non respect d'un permis de construire, d'un relevé de géomètre transmis par le pétitionnaire.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 31 mars 2022 votre demande de conseil relative au caractère communicable, dans le cadre d'un dossier contentieux d'urbanisme en cours de régularisation, à l'avocat d'un administré auteur d'un signalement de non respect d'un permis de construire, d'un relevé de géomètre transmis par le pétitionnaire. La commission comprend des éléments d'information portés à sa connaissance que le document sollicité a été élaboré dans le cadre d'une visite prévue par les dispositions du code de l'urbanisme. Elle rappelle, à cet égard, qu'en application de l'article L480-1 du code de l'urbanisme, les infractions aux règles d'urbanisme sont constatées par tout officier ou agent de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Ce même article prévoit en outre que ces procès-verbaux, qui font foi jusqu'à preuve du contraire, sont transmis sans délai au ministère public. Elle estime, dans ces conditions, que les procès-verbaux d'infraction aux règles d'urbanisme, de même que les lettres par lesquelles les autorités administratives les transmettent au procureur de la République, revêtent un caractère judiciaire et sont, comme tels, exclus du champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration alors même qu'il n'a pas été procédé à leur transmission. Il en va de même à l'égard d'un procès-verbal qui constaterait un trouble de voisinage caractérisant une infraction. En revanche, les constats de visite dressés sur le fondement des dispositions de l'article L461-1 du code de l'urbanisme, qui n’ont en principe pas vocation à relever une infraction et qui n’ont, dès lors, pas vocation à être transmis à l'autorité judiciaire, revêtent le caractère de document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve, le cas échéant, de l'occultation des éventuelles mentions intéressant la vie privée de tiers ou faisant apparaître son comportement dans des conditions susceptibles de lui porter préjudice, conformément à l'article L311-6 de ce code. (conseil n° 20073161 du 13 septembre 2007 ; avis n° 20110501 du 3 février 2011). Comme elle l'a fait dans son avis de partie II, n° 20213807, du 22 juillet 2021, la commission observe que la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, a procédé à une refonte du régime du droit de visite en matière d’urbanisme. Cette loi distingue désormais la visite dite répressive, réalisée en application de l'article L480-17 du code de l'urbanisme, dans la perspective de dresser un procès-verbal de constat d’infraction pénale, de la visite de contrôle administratif, effectuée en application des articles L461-1 et suivants de ce code. La visite effectuée sur le fondement de ces dernières dispositions n’est pas mise en œuvre spécifiquement pour constater une infraction, mais permet d’abord à l’administration de vérifier la conformité des opérations en cours ou réalisées aux règles d’urbanisme. En outre, afin d’assurer une protection plus effective du droit au respect de la vie privée et familiale, l'article L461-2 du code de l’urbanisme précise, désormais, que les domiciles et les locaux comportant des parties à usage d'habitation ne peuvent en principe être visités qu'en présence de leur occupant et avec son assentiment. L’article L461-3 de ce code, en vigueur depuis le 1er janvier 2020, prévoit par ailleurs que « lorsque l'accès à un domicile ou à un local comprenant des parties à usage d'habitation est refusé ou que la personne ayant qualité pour autoriser l'accès à un tel domicile ou à un tel local ne peut être atteinte, les visites peuvent être autorisées par ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés les lieux ou les locaux à visiter ». Le IV de cet article ajoute « qu'un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents qui ont procédé à la visite. (…). L'original du procès-verbal est, dès que celui-ci a été établi, adressé au juge qui a autorisé la visite. Une copie du procès-verbal est remise ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'occupant des lieux ou à son représentant ». La commission déduit de ces dispositions qu’il convient désormais, pour apprécier le régime de communication des pièces produites dans le cadre du droit de visite dite « administrative », de distinguer deux situations. Lorsque la visite des lieux est réalisée en présence de l’occupant et avec son assentiment, le constat de visite éventuellement dressé à la suite d'un déplacement des autorités compétentes revêt le caractère d'un document administratif, au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, lorsque la visite est réalisée sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention qui l'a autorisée, le procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées, qui est obligatoirement dressé à l'issue de cette visite et adressé au juge qui a autorisé la visite, constitue un document judiciaire et se trouve, dès lors, exclu du droit d'accès prévu au titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration. En l'espèce, la commission estime que le relevé de géomètre sollicité, en supposant qu'il soit annexé à un procès-verbal d'infraction, revêtirait au nom du principe de l'unité du dossier, un caractère judiciaire. Dans le cas contraire, en supposant qu'il ait été rédigé à l'occasion d'une visite administrative réalisée en présence de l’occupant et avec son assentiment, il s'agirait d'un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ce dernier cas, ce document serait communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de ne pas présenter un caractère préparatoire. La commission rappelle, en effet, qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. Enfin, la commission rappelle, à toutes fins utiles, que le f) de l'article L311-5 ne peut être valablement opposé que lorsque la communication serait de nature à compliquer la conduite des opérations préliminaires, comme une enquête, ou l'office du juge en empiétant sur ses compétences et prérogatives dans la conduite de la procédure, ou à retarder de manière excessive le jugement de l'affaire. Ainsi, la seule circonstance qu’une communication de document administratif serait de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure, qu’il s’agisse d’une personne publique ou de toute autre personne, ne constitue pas une telle atteinte et celle qu’un document administratif se rapporte de près ou de loin à une procédure en cours devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou administratif ne saurait ainsi par elle-même faire obstacle à sa communication sur ce fondement.