Avis 20220381 Séance du 10/03/2022
Copie du courrier de dénonciation, apparemment daté du 2 juillet 2016, transmis par son ex-compagne, Madame X, au bâtonnier de l'ordre pour une prétendue fraude à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).
Maître X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 janvier 2022, à la suite du refus opposé par le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Quimper à sa demande de communication d'une copie du courrier de dénonciation, apparemment daté du 2 juillet 2016, transmis par son ex-compagne, Madame X, au bâtonnier de l'ordre pour une « prétendue » fraude à la caisse des règlements pécuniaires des avocats (CARPA).
La Commission, qui a pris connaissance de la réponse du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Quimper, rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ».
Elle relève ensuite qu'il résulte de l'article 17 de la loi n° 71-1130 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que « le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits » et qu'il a notamment pour tâche « de traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ». En particulier, les conseils de l’ordre doivent notamment, édicter leur règlement intérieur, prendre les décisions individuelles d’inscription des avocats au tableau de l’ordre, selon des procédures qui distinguent le cas des ressortissants des États membres de l’Union européenne et celui des ressortissants des autres États, les décisions d’omission à ce tableau, d’autorisation d’ouverture de bureau secondaire ou de retrait de cette autorisation. Ils participent aux procédures disciplinaires en désignant leurs représentants au conseil de discipline et, dans le cas du barreau de Paris, en se constituant en conseil de discipline, ainsi qu’en pouvant prendre la décision de suspension provisoire d’un avocat qui fait l’objet de poursuites pénales ou disciplinaires ; ils créent les caisses des règlements pécuniaires des avocats, associations dont ils approuvent les statuts et le règlement intérieur, et dont la gestion est placée sous leur responsabilité. Les bâtonniers ont des pouvoirs propres d’arbitrage des conflits entre avocats ou entre les avocats et leurs collaborateurs et salariés, de désignation ou commission d’office d’avocats au titre de l’aide juridictionnelle, et de saisine du conseil de discipline et de recours contre ses décisions.
L'Assemblée générale du Conseil d’État a estimé, dans un avis n° 390397 du 22 octobre 2015, qu'au sein de ces différentes missions se rattachent à l'organisation du service public de la justice et relèvent d'un service public administratif les catégories d’activités ou d’actes suivantes, en ce qu’elles n’en sont pas détachables : les activités normatives des conseils de l’ordre (les règlements intérieurs) et de l’ordre des avocats aux conseils (en matière de formation), les décisions à caractère financier concernant les CARPA, l'aide juridictionnelle ou la formation, que prennent les barreaux ainsi que l'ensemble des décisions individuelles (ou collectives) des barreaux liées à l'accès et à l’exercice de la profession.
Par suite, seuls les documents produits et reçus par le conseil de l'ordre dans le cadre de ces missions revêtent un caractère administratif et sont, comme tels, soumis au droit d’accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration.
En l’espèce, la Commission constate que le courrier faisant l’objet de la demande, se rattache à une mission de service public assurée par l’ordre et constitue donc un document administratif en principe communicable au demandeur. Toutefois, elle rappelle que les documents faisant apparaître le comportement d'une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, n'est communicable qu'à cette personne, conformément aux dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre l’administration et le public. Elle considère que, sur ce fondement, les documents tels que les lettres de plainte ou de dénonciation ainsi que les témoignages, dès lors que leur auteur est identifiable, adressés à une administration, ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par la plainte ou la dénonciation en question.
La Commission estime ainsi que le courrier sollicité n’est pas communicable, pour ce motif, à Maître X. Elle émet donc un avis défavorable.