Avis 20215915 Séance du 25/11/2021
Communication, par voie électronique, des documents justifiant la mise en place d'une mesure d'intermédiation par l'agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (ARIPA) à son encontre.
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 20 septembre 2021, à la suite du refus opposé par le directeur de la caisse d'allocations familiales du Gard à sa demande de communication, par voie électronique, des documents justifiant la mise en place d'une mesure d'intermédiation financière par l'agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires à son encontre.
La commission précise, à titre liminaire, que le dispositif d’intermédiation financière des pensions alimentaires prévoit que le parent débiteur d’une pension alimentaire en numéraire verse le montant dû à l’organisme débiteur des prestations familiales, qui le reversera directement au parent créancier. En cas d’impayé, l’organisme débiteur des prestations familiales est subrogé dans les droits du parent créancier et peut engager, en cas d’échec d’une phase amiable préalable, une procédure de recouvrement forcé.
En l’absence de réponse du directeur de la caisse d'allocations familiales du Gard à la date de sa séance, la commission rappelle, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (…) »
Ne revêtent toutefois pas un caractère administratif, et ne relèvent donc pas du droit d’accès aux documents administratifs régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, les documents juridictionnels, c’est-à-dire les documents émanant des juridictions en lien avec la fonction de juger (CE 27 juillet 1984 n° 30590, p. 284 ; CE 26 janvier 1990, n° 104236, T. 780) ainsi que ceux qui, établis par les autorités administratives, ne sont pas détachables d’une procédure juridictionnelle (CE, 2 octobre 1994, n° 123584, T. p. 951 ; CE, 31 mars 2017, n° 408348).
La commission constate, en second lieu, que l’article 72 de la loi n° 2019-1446 de financement de la sécurité sociale pour 2020 a créé un nouveau service public d’intermédiation financière des pensions alimentaires, porté par l'agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires (ARIPA), structure dédiée aux pensions alimentaires au sein des organismes débiteurs des prestations familiales (caisse d’allocations familiales et caisse de la mutualité sociale agricole). L’ARIPA a notamment pour mission de jouer un rôle d’intermédiaire entre les parents séparés dans la collecte et le versement des pensions alimentaires, de récupérer les pensions impayées au bénéfice du parent dont la pension alimentaire n’est pas payée et, enfin, de verser en cas d’impayé, sous certaines conditions, l’allocation de soutien familial aux parents en situation d’isolement.
La commission relève qu’une demande d’intermédiation financière peut porter soit sur une pension alimentaire antérieurement fixée, soit accompagner une demande de fixation ou de révision de pension alimentaire. La mise en œuvre du dispositif est, dans tous les cas, subordonnée à l’émission d’un titre exécutoire fixant le montant de la pension alimentaire.
Le titre exécutoire peut prendre l’une des formes suivantes :
- une décision du juge aux affaires familiales (décision de divorce ou de séparation de corps) ou une convention homologuée par ce même juge ;
- une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel, établie par les avocats des époux et déposée chez un notaire, ou un acte reçu en la forme authentique par un notaire ;
- sur demande conjointe des parents, une convention parentale à laquelle l'organisme débiteur des prestations familiales a donné force exécutoire.
La commission précise que l’intermédiation financière peut être mentionnée dans une décision du juge aux affaires familiales, lorsque les parents séparés ne sont pas encore détenteurs d’un titre exécutoire, dans les cas suivants :
- le cas échéant d’office, quand le parent débiteur a fait l’objet d’une plainte ou d’une condamnation pour des faits de menaces ou de violences volontaires sur le parent créancier ou l’enfant, ou quand de telles menaces ou violences sont mentionnées dans une décision de justice concernant le parent débiteur (article 373-2-2, II 1° du code civil) ;
- à la demande d’au moins un parent ou en cas d’accord des deux parents, dans le cadre d’une convention parentale homologuée par le juge (article 373-2-2, II 2° du code civil).
La commission observe, enfin, que l'instruction et la mise en œuvre de l'intermédiation financière des pensions alimentaires par l’ARIPA sont subordonnées à la transmission, à cet organisme, d’un certain nombre de pièces et d’informations. Ces éléments sont énumérés au II de l’article 1074-4 du code de procédure civile, lorsque l’intermédiation financière est mentionnée dans une décision du juge aux affaires familiales.
Il résulte de ces éléments, d’une part, que le titre exécutoire peut, selon les cas, revêtir un caractère juridictionnel ou administratif et, d’autre part, que l’intermédiation financière des pensions alimentaires peut, selon les cas, être décidée par le juge aux affaires familiales ou être mise en place en dehors de toute procédure juridictionnelle.
La commission relève que lorsqu’ils constituent des éléments de la procédure juridictionnelle initiée devant le juge aux affaires familiales (1° et 2° du II de l’article 373-2-2 du code civil), ces documents n’entrent pas dans le champ du code des relations entre le public et l’administration.
Elle observe, toutefois, que ces actes, quelle que soit leur nature, sont transmis à l’ARIPA en vue de l’accomplissement de sa mission de service public. Ils sont en effet nécessaires à l’instruction et à la mise en œuvre de l’intermédiation financière des pensions alimentaires. A compter de leur transmission, ces actes ne se rattachent dès lors plus à la fonction de juger mais constituent, au nom du principe d’unité du dossier administratif, des éléments à part entière de la procédure administrative initiée par l’ARIPA. La commission estime, dès lors, que les documents justifiant la mise en place d'une mesure d'intermédiation par l’ARIPA, détenus par cet organisme, revêtent un caractère de document administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration et sont, par suite, communicables sur le fondement du livre III de ce code.
La commission considère en l’espèce que ces documents sont communicables à la demanderesse, qui a la qualité de personne intéressée en qualité de parent débiteur d’une pension alimentaire, sous réserve de l’occultation des mentions qui mettraient en cause la vie privée ou le comportement de l’autre parent. La commission émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.