Avis 20215827 Séance du 25/11/2021
Copie des contrats de location de frigo pour les personnes détenues à la maison d'arrêt pour hommes du centre pénitentiaire de Perpignan pour les mois de janvier, février, mars et avril 2021.
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 septembre 2021, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice, à sa demande de communication d'une copie des contrats de location de réfrigérateurs pour les personnes détenues à la maison d'arrêt pour hommes du centre pénitentiaire de Perpignan pour les mois de janvier, février, mars et avril 2021.
La Commission rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit d’information que les représentants du personnel et les organisations syndicales peuvent tirer, en cette qualité, de textes particuliers. Ces derniers peuvent en revanche se prévaloir, comme tout administré, du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des régimes particuliers énumérés aux articles L342-1 et L342-2 de ce code pour obtenir la communication de documents.
Dans ses observations initiales du 16 novembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice, a relevé que les documents demandés, signés par des détenus, ne constituent pas des documents administratifs au sens du code des relations entre le public et l'administration. Invité à préciser le régime juridique des contrats de location sollicités, l’autorité ministérielle a indiqué qu’un marché a été conclu entre le ministère de la justice et des sociétés de locations de réfrigérateurs, et a précisé que le régime selon lequel ces équipements sont ensuite loués aux détenus est défini par chaque établissement pénitentiaire, sans harmonisation particulière.
En l’espèce, la Commission comprend des pièces du dossier que le centre pénitentiaire de Perpignan a acquis quatre-vingt réfrigérateurs destinés aux cellules du quartier « centre de détention », les cellules du quartier de la maison d’arrêt pour hommes étant déjà pourvues de ces équipements. Un contrat de location, conclu entre les détenus et l’établissement, fixe les modalités pratiques de cette mise à disposition : tarif de la location, modalités de paiement par prélèvement sur le compte nominatif, responsabilités en cas dégradation ou de perte de matériel.
La Commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. (….) »
Elle ajoute qu’en vertu de l’article 2 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire, « Le service public pénitentiaire participe à l'exécution des décisions pénales. Il contribue à l'insertion ou à la réinsertion des personnes qui lui sont confiées par l'autorité judiciaire, à la prévention de la récidive et à la sécurité publique dans le respect des intérêts de la société, des droits des victimes et des droits des personnes détenues. Il est organisé de manière à assurer l'individualisation et l'aménagement des peines des personnes condamnées. » Aux termes de l’article D189 du code de procédure pénale : « A l’égard de toutes les personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire, à quelque titre que ce soit, le service public pénitentiaire assure le respect de la dignité inhérente à la personne humaine et prend toutes les mesures destinées à faciliter leur réinsertion sociale ». Enfin, aux termes de l'article 25 du règlement intérieur type des établissements pénitentiaires, annexé à l'article R57-6-18 du code de procédure pénale : « Les personnes détenues ont la possibilité d'acquérir par l'intermédiaire de la cantine divers objets, denrées ou prestations de service en supplément de ceux qui leur sont fournis gratuitement. Cette faculté s'exerce sous le contrôle du chef d'établissement. Elle peut être limitée en cas d'abus. Les prix pratiqués à la cantine sont portés à la connaissance des personnes détenues (…) ».
La Commission déduit de ces éléments que dès lors que le centre pénitentiaire de Perpignan a conclu avec un opérateur économique un contrat pour équiper les cellules du quartier « centre de détention » de réfrigérateurs, les contrats de location conclus avec les détenus, qui s’inscrivent dans ce montage contractuel et qui sont en possession de cet établissement, sont nécessairement élaborés dans le cadre de ses missions de service public énumérées précédemment. Ces documents présentent, dès lors, un caractère administratif au sens de l’article L300-2 précité du code des relations entre le public et l’administration.
La Commission précise, à toutes fins utiles, qu’en supposant même que dans certains établissements, les contrats de location soient directement signés entre les détenus et l’opérateur économique chargé d’équiper l’établissement, cette circonstance est sans incidence sur la qualification de ces documents, au sens du code des relations entre le public et l’administration. En effet, ces contrats subséquents s’inscrivent nécessairement dans le cadre du contrat par lequel l’administration a décidé de confier à un prestataire le soin d’équiper puis de louer des réfrigérateurs aux détenus, lequel est conclu dans le cadre de la mission de service public pénitentiaire. Ils présentent, dès lors, indépendamment de leur qualification, le caractère de document administratif.
La Commission rappelle, par ailleurs, qu’aux termes de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration : « les documents administratifs dont la communication porte atteinte à la protection de la vie privée ne sont communicables qu’à la personne intéressée, tant que les délais prévus au I de l'article L213-2 du code du patrimoine ne sont pas expirés ».
La Commission estime que les contrats de location de réfrigérateurs demandés sont communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l’occultation des mentions couvertes par le secret de la vie privée. Doivent à ce titre être occultés les noms et prénoms des détenus, leurs numéros d’écrou et le numéro de leurs cellules. Elle émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.