Avis 20213158 Séance du 17/06/2021

Copie, par voie numérique, de l'intégralité des enregistrements « audio » réalisés lors des séances de la « commission copie privée » du 11 décembre 2020, du 12 janvier 2021, du 2 février 2021.
Monsieur X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 mai 2021, à la suite du refus opposé par la ministre de la culture à sa demande de copie, par voie numérique, de l'intégralité des enregistrements « audio » réalisés lors des séances de la « commission copie privée » du 11 décembre 2020, du 12 janvier 2021, du 2 février 2021. La commission rappelle, à titre liminaire, que la copie privée est l’une des exceptions au droit d’auteur prévue par le 2° de l’article L122-5 du code de propriété intellectuelle, prévoyant que l'auteur ne peut interdire les copies ou reproductions réalisées à partir d'une source licite, strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective. La rémunération pour copie privée, prévue par l’article L311-1 de ce code, est une redevance ponctionnée sur les supports d’enregistrements au profit des titulaires de droits d’auteurs ou de droits voisins au titre des copies d'œuvres réalisées sans leur autorisation préalable. La commission pour la rémunération de la copie privée, aussi appelée commission copie privée, est chargée, en application de l'article L311-5 du même code, de déterminer les types de support d’enregistrements éligibles, les taux de rémunération et les modalités de versement de la redevance. La commission rappelle, par ailleurs, qu’aux termes de l’article L311-5 du code de la propriété intellectuelle, les comptes rendus des réunions de la commission copie privée sont rendus publics. Ils sont, en effet, publiés sur le site internet du ministère de la culture, en application de l’article D311-8 de ce code. L’article D311-7 du même code précise que ces comptes rendus comportent « un relevé synthétique des travaux mentionnant les positions exprimées par les membres, incluant les propositions de rémunérations soumises au vote de la commission et les éléments utilisés pour le calcul desdites rémunérations » et « le relevé des délibérations exécutoires ». L’article R311-7 du même code prévoit par ailleurs que les séances de la commission ne sont pas publiques. La commission estime que les dispositions réglementaires du code de la propriété intellectuelle, qui prévoient l’absence de publicité des débats de la commission copie privée et l’établissement d’un compte rendu de séance synthétique, ne font pas obstacle à l'application des dispositions législatives des articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, qui garantissent à tout administré le principe de la liberté d'accès aux documents administratifs. Elle en déduit que les enregistrements sonores sollicités, produits par la commission copie privée dans le cadre de sa mission de service public pour les besoins de l’établissement des comptes rendus de réunions, constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. En l’espèce, en réponse à la demande qui lui a été adressée, la ministre de la culture a informé la commission que les enregistrements sollicités avaient été détruits après l’adoption des comptes rendus de séance auxquels ils se rapportent. La commission en prend note et déclare, en conséquence, la demande d’avis sans objet. La ministre de la culture ayant attiré l’attention de la commission sur le risque d’atteinte à la protection de la vie privée et au secret des affaires que comporterait la communication des enregistrements sonores des réunions de la commission copie privée, s’ils étaient conservés, des précisions seront toutefois apportées sur ces deux points, à titre subsidiaire. En premier lieu, la commission précise que les enregistrements sonores des réunions de la commission copie privée, effectués pour les seuls besoins de l’établissement des comptes rendus de réunions, revêtent le caractère de documents administratifs librement communicables à toute personne qui en fait la demande en vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve, d’une part, qu’ils ne présentent plus un caractère préparatoire, c'est-à-dire au plus tard à compter de l'approbation définitive du compte rendu de réunion réalisé à partir de ces documents et, d’autre part, de l'occultation des éventuelles mentions couvertes par les secrets protégés par la loi. La commission rappelle que les membres des commissions administratives ont le droit au respect de leur vie privée et doivent bénéficier, de manière générale, de la même protection que celle des autres citoyens. Elle précise qu’ils bénéficient, comme toute autre personne, du respect de leur droit sur l'utilisation de leur image et de leur voix, composantes de la personnalité, qui ne sont pas détachables de la protection de la vie privée. La commission souligne que si, à l’occasion de la demande de conseil n° 20203092 du 8 octobre 2020, elle a estimé que la communication d’un enregistrement vidéo sur lequel apparaissent des agents publics implique de recueillir le consentement des personnes concernées, elle a entendu circonscrire cette procédure de consentement préalable aux enregistrements d’images, à l’exclusion des captations sonores, ainsi qu’il ressort des termes de ce conseil. Elle estime que ce raisonnement doit être transposé, en l’espèce, pour les enregistrements sonores des réunions de la commission copie privée. La commission rappelle que la Cour de cassation retient trois critères cumulatifs pour caractériser l’atteinte à la vie privée des personne faisant l’objet d’un enregistrement sonore, à savoir le caractère clandestin de l’enregistrement, sa localisation et sa durée (Cour de cassation, Chambre civile 1, 3 septembre 2014, n° 14-12.200). En l’espèce, la commission relève, d’une part, que les propos tenus par les membres de la commission copie privée ne le sont pas dans un cadre privé, mais à l’occasion de débats menés au sein de l’instance collégiale administrative à laquelle ils appartiennent et, d’autre part, que les enregistrements sonores des réunions n’ont pas été réalisés à leur insu. Compte tenu des circonstances de leur prononciation et de la qualité de leurs auteurs, elle estime que ces propos ne sont pas couverts par le secret de la vie privée. Elle en déduit que les enregistrements sonores des réunions de la commission copie privée, qui retranscrivent ces propos, peuvent être communiqués à un tiers sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration, sans qu’il soit nécessaire de recueillir le consentement des personnes qui en ont fait l’objet. La commission précise, en dernier lieu, que le droit de communication des enregistrements sonores des réunions de la commission copie privée doit cependant s’exercer dans le respect du secret des affaires, mentionné au 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles. La commission relève, à cet égard, que des informations relatives à l’attribution de marchés publics ainsi que des données dévoilant la situation économique et financière d’entreprises intervenant dans un cadre concurrentiel sont régulièrement échangées aux cours des réunions de la commission copie privée. Elle estime que les enregistrements sonores, s’ils étaient conservés, ne pourraient être communiqués à des tiers, qu’après suppression de ces éléments et à la condition que l’administration soit techniquement et matériellement en mesure de procéder à de telles occultations.