Avis 20211057 Séance du 25/03/2021
Communication des documents suivants :
1) la copie intégrale des constats de dommage ayant donné lieu à indemnisation en 2020 pour l'ours brun ;
2) la synthèse du nombre de bêtes indemnisées pour chaque estive, en précisant celles considérées « imputables » à l’ours et celles indemnisées au « bénéfice du doute ».
Monsieur X, X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 16 février 2021, à la suite du refus opposé par la préfète de l'Ariège à sa demande de communication des documents suivants :
1) la copie intégrale des constats de dommage ayant donné lieu à indemnisation en 2020 pour l'ours brun ;
2) la synthèse du nombre de bêtes indemnisées pour chaque estive, en précisant celles considérées « imputables » à l’ours et celles indemnisées au « bénéfice du doute ».
La commission rappelle, d'une part, qu’en vertu des 1°) et 3°) de l’article L124-2 du code de l’environnement, sont notamment considérées comme étant relatives à l’environnement, les informations qui ont pour objet l’état de la diversité biologique ainsi que celles se rapportant aux conditions de vie des personnes lorsqu’elles sont ou peuvent être altérées par les éléments de l’environnement. Elle relève, par ailleurs, que l'ours brun fait partie de la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire national, qui a été établie par arrêté du 23 avril 2007, pris en application des dispositions des articles L411-1 et suivants du code de l’environnement.
Elle rappelle, d'autre part, que la liste des bénéficiaires d'aides versées par une personne publique et comportant le montant de ces aides, dès lors qu'elle existe ou peut être établie par un traitement automatisé d'usage courant, constitue un document administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Pour les aides versées en considération de la situation d'une personne physique ou dont le calcul est fonction de celle-ci, par exemple une bourse ou un secours, la commission estime que le secret de la vie privée fait obstacle à la communication de la liste des bénéficiaires de telles aides et du montant des aides perçues par chacun. En revanche, lorsqu'il s'agit d'aides versées pour l'exercice d'une activité économique ou culturelle ou encore pour améliorer l'état de l'environnement, indépendamment de la situation personnelle d'une personne physique, la commission estime que le nom des bénéficiaires de ces aides, que ce soient des personnes physiques ou des personnes morales, n'est pas couvert par le secret de la vie privée ni par le secret des affaires. Il en va de même du montant de l'aide perçue, sous réserve que la révélation de ce montant ne permette pas d'en déduire une information couverte par le secret des affaires telle que le montant du chiffre d'affaires ou celui d'un investissement. (avis n° 20055081).
S'agissant du caractère communicable de l'intégralité d'un dossier d'indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par l’ours, la commission relève qu’il résulte de l’article 1er du décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019, qu’un régime d’aide d’État spécifique a été mis en place pour remédier aux dommages causés par des animaux protégés en France. Dans ce cadre, les personnes physiques ou morales exerçant une activité agricole au sens de l'article L311-1 du code rural et de la pêche maritime peuvent déposer auprès du préfet de département du lieu de survenance du dommage une demande d'indemnisation. Cette demande est instruite sur la base d’un constat dressé par un agent de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) à partir d’un formulaire-type permettant de relever l'ensemble des éléments factuels nécessaires à l'appréciation de la responsabilité du prédateur dans le dommage et à l'indemnisation. Enfin, le préfet décide de l’indemnisation d’une attaque en fonction des éléments techniques figurant dans ce constat, l’évaluation de l’indemnité étant déterminée selon des montants forfaitaires fixés par l’arrêté du 9 juillet 2019 pris pour l’application du décret du même jour.
La commission déduit de ce dispositif d’aide publique que le dossier de demande d’indemnisation déposé par une personne physique ou morale constitue un document administratif soumis au droit d'accès prévu par l’article L124-1 du code de l’environnement, sous réserve de la protection des intérêts énoncés au I de l’article L124-4 du même code.
A ce titre, la commission estime que les constatations opérées par l’ONCFS (notamment les causes des dommages et le nombre d’animaux ouvrant droit à indemnisation), alors même que celles-ci figureraient dans des dossiers individuels constitués pour chaque éleveur victime, le décompte de l’indemnité notifié aux éleveurs comme les ordres de paiement, sont communicables, sous réserve toutefois de l’occultation, en application du 1°) du I de l’article L124-4 du code de l’environnement, des mentions dont la communication porterait atteinte à la vie privée des éleveurs concernés ou au secret en matière commerciale et industrielle devenu secret des affaires (adresse, numéro de téléphone de l’éleveur, taille du troupeau, relevé d’identité bancaire).
En revanche, la commission, revenant partiellement sur sa position antérieure (avis n° 20134403), estime que ces dispositions ne font pas obstacle à la communication des mentions relatives au numéro du cheptel ou des boucles des animaux concernés par l’attaque.
Elle précise également que dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, les informations à communiquer sont susceptibles de permettre la localisation précise d’une espèce protégée dont la réintroduction récente est intervenue dans un contexte particulièrement conflictuel, il appartient à l'autorité administrative saisie de mettre en balance l'intérêt de cette communication au regard de la protection de l'environnement, et notamment la sauvegarde de la diversité biologique et la protection d'une espèce protégée.
La commission rappelle, enfin, qu’en vertu de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, « des frais correspondant au coût de reproduction et, le cas échéant, d'envoi de celui-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Pour le calcul de ces frais sont pris en compte, à l'exclusion des charges de personnel résultant du temps consacré à la recherche, à la reproduction et à l'envoi du document, le coût du support fourni au demandeur, le coût d'amortissement et de fonctionnement du matériel utilisé pour la reproduction du document ainsi que le coût d'affranchissement selon les modalités d'envoi postal choisies par le demandeur ». Les frais autres que le coût de l'envoi postal ne peuvent excéder des montants définis par l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001, à savoir 0,18 euro la page en format A4, 1,83 euro pour une disquette et 2,75 euros pour un cédérom. L'intéressé est avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, la préfète de l'Ariège a indiqué à la commission que, préalablement à la communication des documents mentionnés aux points 1) et 2), le traitement de la demande impliquait une opération d'anonymisation et qu'eu égard au nombre de dossiers concernés, cette opération était très lourde, il avait été envisagé de faire appel à un prestataire de service extérieur aux fins de réaliser cette tâche mais que le demandeur n'a pas donné suite au devis qui lui avait été adressé.
La commission en prend acte mais considère d'une part, que la communication des documents sollicités n'implique pas leur anonymisation et d'autre part, que seuls les frais de reproduction et le cas échéant d'envoi peuvent être mis à la charge du demandeur en application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, ce qui exclut les charges de personnel résultant du temps consacré au traitement de la demande.
Par suite, la commission émet un avis favorable à la demande, dans les conditions qui viennent rappelés, le cas échéant en sous-traitant la reproduction à un prestataire, le devis de reproduction devant alors être soumis au demandeur.