Conseil 20202739 Séance du 29/10/2020

1) caractère communicable, au cabinet X, conseil du X des éléments et informations relatifs aux dossiers concernant les demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits biocides contenant la substance active Propan-1-ol, à savoir : a) des entreprises ont-elles introduit des demandes d'autorisation pour les produits biocides contenant la substance active Propan-1-ol, y compris un dossier d'une substance alternative ou bien une lettre d'accès liée à un tel dossier ? b) le dossier de la substance de remplacement comprenait-il une lettre d'accès à l'étude du Test de Comètes ? c) dans le cas où la lettre d'accès à l'étude du Test de Comètes n'aurait pas été incluse, possibilité de connaître les données qui ont été soumises à l’ANSES par les demandeurs afin de se conformer avec les points finaux de génotoxicité ; d) l'étape du processus d'évaluation ; 2) ces informations présentées par le demandeur comme relatives à l’environnement ne s'apparenteraient-elles pas davantage à des informations liées à la stratégie commerciale des entreprises du secteur ?
La Commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 8 octobre 2020 votre demande de conseil relative au caractère communicable, au cabinet X, conseil du X des éléments et informations relatifs aux dossiers concernant les demandes d’autorisation de mise sur le marché de produits biocides contenant la substance active Propan-1-ol, à savoir : 1) : a) des entreprises ont-elles introduit des demandes d'autorisation pour les produits biocides contenant la substance active Propan-1-ol, y compris un dossier d'une substance alternative ou bien une lettre d'accès liée à un tel dossier ? b) le dossier de la substance de remplacement comprenait-il une lettre d'accès à l'étude du Test de Comètes ? c) dans le cas où la lettre d'accès à l'étude du Test de Comètes n'aurait pas été incluse, possibilité de connaître les données qui ont été soumises à l’ANSES par les demandeurs afin de se conformer avec les points finaux de génotoxicité ; d) l'étape du processus d'évaluation ; 2) ces informations présentées par le demandeur comme relatives à l’environnement ne s'apparenteraient-elles pas davantage à des informations liées à la stratégie commerciale des entreprises du secteur ? I. Sur l'articulation entre l'accès du public aux informations relatives à l'environnement et aux émissions dans l'environnement et les obligations de confidentialité au regard des informations commerciales ou industrielles et du secret des affaires La commission souligne que, selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l'environnement, le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les établissements publics, ou par les personnes chargées d'une mission de service public en rapport avec l'environnement, dans la mesure où ces informations concernent l'exercice de leur mission, s'exerce dans les conditions définies par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. Aux termes de l’article L124-2 du même code, est considérée comme information relative à l'environnement « toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : / 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1° ; / 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; / 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; / 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement. » En vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code de l'environnement, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des émissions de substances dans l'environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle. La commission rappelle que les dispositions des articles L124-1 à L124-8 du code de l’environnement doivent être lues à la lumière des dispositions de la directive 2003/4/CE précitée, dont elles assurent la transposition. La directive prévoit au f) du paragraphe 2 de son article 4 que les États membres peuvent prévoir qu'une demande d'informations environnementales peut être rejetée lorsque la divulgation des informations porterait atteinte à la confidentialité des données à caractère personnel et/ou des dossiers concernant une personne physique si cette personne n'a pas consenti à la divulgation de ces informations au public, lorsque la confidentialité de ce type d'information est prévue par le droit national ou le droit de l'Union européenne. Le dixième alinéa de ce même paragraphe 2, prévoit toutefois que les motifs de refus visés au paragraphe 2 sont interprétés de manière restrictive, en tenant compte dans le cas d'espèce de l'intérêt que présenterait pour le public la divulgation de l'information. Dans chaque cas particulier, l'intérêt public servi par la divulgation est mis en balance avec l'intérêt servi par le refus de divulguer. Il précise en outre que les États membres ne peuvent prévoir qu'une demande soit rejetée en vertu du paragraphe 2, points a), d), f), g) et h), lorsqu’elle concerne des informations relatives à des émissions dans l'environnement. Les dispositions de droit national pertinentes au regard de cette directive sont fixées aux 1° et 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et à l'article L312-1-2 du même code, en tant qu'il prévoit le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Il s'ensuit qu'à la lumière de la directive, la commission estime que les dispositions du II de l’article L124-5 du code de l’environnement doivent être interprétées comme permettant la divulgation d’informations relatives à des émissions de substance dans l’environnement ayant trait à la vie privée des tiers et à la confidentialité des informations commerciales et industrielles. En revanche, les informations relatives à l'environnement qui n’ont pas trait à de telles émissions doivent faire l'objet d'un traitement permettant d'occulter les mentions relevant de la vie privée des personnes physiques ou morales ainsi que de la confidentialité au regard des informations commerciales ou industrielles et de rendre impossible l'identification des personnes physiques et des données à caractère personnel, à moins que, à l'issue d'une mise en balance, l'autorité administrative conclue à un intérêt public supérieur de l'accès du public à l'ensemble des informations. S'agissant de la notion d'« émissions dans l'environnement », la commission constate que, par deux arrêts C-673/13 et C-442/14 du 23 novembre 2016, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé que, pour l'application de la directive précitée, il y avait lieu d'interpréter ses dispositions à l'aune de sa finalité, qui est de garantir le droit d’accès aux informations concernant des facteurs, tels que les émissions, qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement, notamment sur l’air, l’eau et le sol et de permettre au public de vérifier si les émissions, rejets ou déversements ont été correctement évalués et de raisonnablement comprendre la manière dont l’environnement risque d’être affecté par lesdites émissions. Cette notion vise ainsi les informations qui « ont trait à des émissions dans l’environnement », c’est-à-dire celles qui concernent ou qui sont relatives à de telles émissions, et non les informations présentant un lien, même direct, avec les émissions dans l’environnement. Par son arrêt C-442/14 du 23 novembre 2016, la même Cour a précisé que les indications concernant la nature, la composition, la quantité, la date et le lieu effectif ou prévisible, des émissions dans l'environnement ainsi que les données relatives aux incidences, à plus ou moins long terme, de ces émissions sur l'environnement, en particulier les informations relatives aux résidus présents dans l'environnement après l'application du produit en cause et les études portant sur le mesurage de la dérive de la substance lors de cette application, que ces données soient issues d'études réalisées en tout ou partie sur le terrain, d'études en laboratoire ou d'études de translocation relèvent de cette même notion. II. Sur la portée de l'obligation de confidentialité des informations commerciales et industrielles La commission constate que la notion de confidentialité des informations commerciales et industrielles au sens du d) du paragraphe 2 de l'article 4 de la directive renvoie au droit national et estime que sont pertinentes, en l'espèce, les dispositions du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Depuis l'entrée en vigueur de l'article 4 de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires, le 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration a substitué la notion de « secret des affaires », inspirée, d'après les travaux parlementaires dont ces dispositions sont issues, de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d'affaires) contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites, à celle de secret commercial et industriel. Comme déjà relevé au I, l'interprétation de l'exception tirée de la confidentialité des informations commerciales et industrielles doit demeurer stricte et s’apprécier au regard des éléments définis au 1° de l’article L311-6, qui dispose que le secret des affaires comprend le secret des procédés, le secret des informations économiques et financières et le secret des stratégies commerciales ou industrielles. Relèvent notamment de la deuxième catégorie le niveau d’activité d'une entreprise, ses coûts et sa prise de risque (volume de production ou chiffre d’affaires, prix, marges bénéficiaires, coûts, charges de personnel, rémunération des dirigeants non affectés à une mission de service public, niveau de charges ayant un impact direct sur son positionnement concurrentiel, niveau d’investissement, niveau de capacités et degré d’utilisation de celles-ci, volumes de matières premières utilisés, moyens logistiques et commerciaux, prix d’acquisition ou de cession d’actifs ou coût d’un investissement, enjeux de litiges en cours, sanctions ou pénalités contractuelles encourues, etc.), sauf à ce que les informations en cause fassent déjà l’objet d’une diffusion publique obligatoire en vertu du code de commerce ou du code monétaire et financier, et de la troisième catégorie les données laissant deviner la stratégie commerciale de l’entreprise ou son positionnement concurrentiel actuel ou futur (tarification et études marketing ; comptabilité analytique ; marge bénéficiaire ou part de marché par produit, activité ou point de vente ; prévisions de vente ou de réorganisations internes ; évolution du niveau des ventes ou de la fréquentation ; rôle, rentabilité et activité des distributeurs ; politique de remises et rabais, générale ou par client ou catégories de clients ; candidatures non retenues à un marché public, détail d’une offre ; rapport d’audit ; politique de recrutement ou projets de licenciement avant mise en œuvre des obligations légales prévues par le code du travail, notamment en cas d’obligation d’établissement d’un plan de sauvegarde de l’emploi ; organisation spécifique du travail, etc.). III. Application de ces principes en l'espèce En premier lieu, la commission estime que les questions de savoir si des entreprises ont introduit des demandes d'autorisation pour les produits biocides contenant la substance active Propan-1-ol, en application du règlement (UE) n° 582/2012 du 22 mai 2012 concernant la mise à dispositions sur le marché et l’utilisation des produits biocides, si le dossier de la substance de remplacement comprenait-il une lettre d'accès à l'étude du Test de Comètes, et à quelle étape du processus d’évaluation la demande se situe, ne constituent pas des informations relatives à l’environnement au sens des dispositions précitées. Leur communication n’est ainsi soumise qu’aux seules dispositions du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle sur ce point que le livre III du code des relations entre le public et l'administration garantit à toute personne un droit d’accès aux documents administratifs existants ou susceptibles d’être obtenus par un traitement automatisé d’usage courant, mais ne fait pas obligation aux autorités administratives de répondre aux demandes de renseignements qui leur sont adressées. Par suite, elle ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur ces points de la demande, qui portent en réalité sur des renseignements. En second lieu, la commission estime que les données soumises à l’ANSES par les demandeurs afin de se conformer avec les points finaux de génotoxicité constituent des informations relatives à l’environnement. La communication de ces informations peut être refusée dans les conditions prévues à l’article L124-4 du code de l’environnement, notamment lorsqu’elle porterait atteinte au secret de la vie privée, à la protection des personnes physiques ayant fourni l’information sans y être légalement contraintes, ainsi qu’au secret des affaires. En revanche, la circonstance qu’elle s’inscrirait dans un processus de décision en cours est sans incidence sur le droit d’accès de toute personne à ces informations. La commission relève que l’article 66 du règlement (UE) n° 582/2012 précité fixe une liste positive des informations dont la divulgation serait en principe considérée comme portant atteinte à la protection des intérêts commerciaux ou de la vie privée et de la sécurité des personnes, à savoir : a) les données concernant la composition intégrale d’un produit biocide ; b) la quantité exacte de substance active ou de produit biocide fabriquée ou mise à disposition sur le marché ; c) les liens entre le fabricant d’une substance active et la personne responsable de la mise sur le marché d’un produit biocide, ou entre la personne responsable de la mise sur le marché d’un produit biocide et les distributeurs de ce produit ; d) les nom et adresse des personnes pratiquant des essais sur les vertébrés. Par ailleurs, en vertu de l’article L124-4 du code de l’environnement, l’administration ne pourrait refuser la communication de ces informations, en dépit de leur « confidentialité », qu’après en avoir apprécié l’intérêt, notamment pour l’information du public et pour le demandeur. En application de ces principes, la commission estime que les données en cause constituent des informations couvertes par le secret des affaires. Il vous appartient toutefois d’apprécier, à la lumière de ce qui précède, l’intérêt de leur communication au demandeur.