Avis 20201758 Séance du 10/09/2020

Communication des rapports de l'inspection des installations classées relatifs aux entreprises LUBRIZOL et NORMANDIE LOGISTIQUE à Rouen : 1) les rapports des inspections menées dans l'installation NORMANDIE LOGISTIQUE en 2011 et en 2017 ; 2) le rapport post‐accident portant sur l'installation NORMANDIE LOGISTIQUE, transmis par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) au préfet, le 22 octobre 2019 ; 3) les rapports d'inspection, en date des 19 avril 2018 et 28 octobre 2019, portant sur l'établissement LUBRIZOL, visés dans l'arrêté du préfet du 8 novembre 2019 mettant en demeure la société LUBRIZOL.
Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 10 mars 2020, à la suite du refus opposé par le préfet de la Seine-Maritime à sa demande de communication des rapports de l'inspection des installations classées relatifs aux entreprises LUBRIZOL et NORMANDIE LOGISTIQUE à Rouen : 1) les rapports des inspections menées dans l'installation NORMANDIE LOGISTIQUE en 2011 et en 2017 ; 2) le rapport post‐accident portant sur l'installation NORMANDIE LOGISTIQUE, transmis par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) au préfet, le 22 octobre 2019 ; 3) les rapports d'inspection, en date des 19 avril 2018 et 28 octobre 2019, portant sur l'établissement LUBRIZOL, visés dans l'arrêté du préfet du 8 novembre 2019 mettant en demeure la société LUBRIZOL. En l’absence, à la date de sa séance, de réponse du préfet de la Seine-Maritime, la commission rappelle que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (…) ». La commission estime que les informations demandées relatives à une installation classée pour la protection de l’environnement sont relatives à l'environnement, au sens de l'article L124-2 du code de l'environnement, notamment sur le fondement du 2° de cet article. La commission relève qu'en vertu des articles L124-1 et L124-3 du code de l’environnement, le droit de toute personne d'accéder à des informations relatives à l’environnement, lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre Ier du code de l'environnement. En vertu de l'article L124-4 de ce code, l’administration peut, après avoir apprécié l’intérêt d’une communication, rejeter une demande tendant à obtenir une information environnementale, au motif, notamment, que sa communication porterait atteinte au secret de la vie privée, au secret des affaires ou ferait apparaître le comportement d’une personne physique dont la divulgation pourrait lui porter préjudice (avis n° 20132830 du 24 octobre 2013). La communication des informations relatives à des émissions dans l'environnement fait l'objet de dispositions particulières, figurant au II de l'article L124-5 du même code, qui ne permettent à l'autorité publique de rejeter la demande que dans le cas où la consultation ou la communication de l'information porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou bien au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou encore à des droits de propriété intellectuelle. La commission souligne que seul le cadre juridique ainsi rappelé est applicable à une demande de communication d'informations environnementales formée sur le fondement du code de l'environnement ou du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime que, contrairement à ce qu'indique l'instruction du Gouvernement du 6 novembre 2017 relative à la mise à disposition et aux conditions d’accès des informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d’actes de malveillance dans les installations classées pour la protection de l’environnement dans son annexe II A, l'identité des dirigeants de l'installation classée, la nature précise des substances dangereuses manipulées ou stockées sur le site, les quantités maximales de substances dangereuses susceptibles d’être présentes ou celles effectivement présentes sur le site, les cartes ou plans des zones d’effet par phénomènes dangereux ou par installation, ne relèvent pas nécessairement d’un secret protégé, notamment au titre de la protection de la sécurité publique, et que leur communication revêt un intérêt pour l'information du public sur l'environnement. Ces informations sont donc, sauf circonstances particulières, librement communicables à toute personne qui en fait la demande, sous la forme choisie par le demandeur sous réserve de leur existence sous cette forme et des possibilités techniques de l'administration, et non pas seulement consultables par un cercle restreint de personnes justifiant d'un intérêt. Relèvent en revanche, selon la commission, de ce secret, la description précise de scenarii d’accidents majeurs et des effets associés, la description précise et technique de barrière de maîtrise des risques, la description de l’organisation et des moyens internes du site et de la chaîne de secours ainsi que l’organisation des moyens externes de secours, en tant qu’ils sont susceptibles de présenter des points de vulnérabilité ou de faiblesse ou des informations susceptibles d’être utilisées pour porter atteinte à leur intégrité ou à leur efficacité. Ces mentions ne sont donc pas communicables sur le fondement du code de l'environnement et du code des relations entre le public et l'administration, sans préjudice de l'information que le préfet estime utile de porter à la connaissance du public. En l’espèce, la commission estime que les rapports sollicités comportent des informations relatives à l’environnement ainsi que des informations relatives à des émissions de substance dans l'environnement. Elle en déduit que les informations de ces documents relatives à des émissions de substance sont communicables à toute personne qui en fait la demande en application des articles L311-1 et L124-5 du code de l'environnement, sans que puisse être opposé le secret de la vie privée ou le secret des affaires. Les autres informations des documents demandés qui ne sont pas relatives à des émissions de substance dans l'environnement sont pour leur part communicables à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, après occultation des mentions protégées par les articles L311-5 et L311-6 du même code. La commission relève que dans son avis n° 20200022 du 20 février 2020, le préfet de la Seine-Maritime avait indiqué que certains rapports d’inspection, établis après 2013, avaient été transmis au juge judiciaire et que le procureur de la République lui avait indiqué que les documents antérieurs au sinistre du 26 septembre 2019 remis aux enquêteurs sont couverts par le secret de l'instruction. La commission rappelle que les documents sollicités sont des documents administratifs, dès lors ils n’ont pas été établis en vue de la saisine de l’autorité judiciaire. Ils ne sont, par ailleurs, en eux-mêmes pas couverts par le secret de l’instruction. Elle précise que la seule circonstance qu'un document administratif se rapporte de près ou de loin a une procédure en cours devant une juridiction de l'ordre judiciaire ou administratif ne saurait par elle-même faire obstacle à sa communication sur le fondement du droit d'accès aux documents administratifs, et ce même s’il a été transmis à l’autorité judiciaire (CE 20 avr. 2005, Comité d'information et de défense des sociétaires de la mutuelle retraite de la fonction publique, req. no 265308 , inédit. – CE5 mai 2008, SA Baudin Chateauneuf, req. no 309518 , Lebon 177). Ce n’est, en effet, que dans l’hypothèse où cette communication risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de l'autorité judiciaire ou de la juridiction (CE, 21 octobre 2016 n° 380504) que la communication d'un document administratif peut être refusée en application du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration. Il appartient en outre à l'administration saisie d'apprécier la réalité de l'atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures, le cas échéant après avoir pris l'attache de l'autorité judiciaire. En l'espèce, la commission, comme elle l’a déjà fait dans son avis précité, invite le préfet de la Seine-Maritime à se livrer à cette appréciation pour les rapports sollicités aux points 1) et 3) et émet un avis favorable à leur communication, sous réserve des dispositions du f) du 2° de l'article L311-5. S’agissant enfin du rapport mentionné au point 2), la commission réitère la position adoptée dans son avis du 20 février 2020, selon laquelle la communication de ce document, eu égard à son objet portant précisément sur l'incendie déclaré le 26 septembre 2019 peut laisser craindre une atteinte au déroulement de la procédure juridictionnelle en cours dans les conditions rappelées précédemment. Elle émet donc un avis défavorable à sa communication.