Avis 20194703 Séance du 23/04/2020
Communication des documents suivants relatifs à l'accord-cadre ayant pour objet des prestations de services professionnels en matière de propriété intellectuelle :
1) les motifs détaillés du rejet de l'offre du demandeur concernant notamment les éléments de notation pour les moyens humains, la méthodologie et les moyens matériels ;
2) le rapport d'analyse des offres.
Madame X, pour la SARL X & X SARL, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 juillet 2019, à la suite du refus opposé par le directeur de la société d'accélération du transfert de technologie Nord (SATT Nord) à sa demande de communication des documents suivants relatifs à l'accord-cadre ayant pour objet des prestations de services professionnels en matière de propriété intellectuelle :
1) les motifs détaillés du rejet de l'offre du demandeur concernant notamment les éléments de notation pour les moyens humains, la méthodologie et les moyens matériels ;
2) le rapport d'analyse des offres.
La commission rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ».
La commission relève que le Conseil d'État, dans sa décision CE n° 264541, Sect., du 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.
En l'espèce, la commission constate que les sociétés d'accélération du transfert de technologies (SATT) ont été créées dans le cadre du lancement du programme d'investissements d'avenir (PIA) de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 et de son Fonds national de valorisation faisant l'objet de la convention du 29 juillet 2010 entre l'État et l'Agence nationale de recherche (ANR), laquelle a la qualité d'opérateur retenu pour sa mise en œuvre. Cette convention prévoit que les SATT, qui regroupent les établissements et organismes de recherche ont pour vocation de porter le financement de la maturation et le transfert de technologies en vue de développer la valorisation de la recherche publique. Si elles ont le statut de sociétés privées par actions simplifiées (SAS), leur capital social et les droits de vote sont répartis entre les établissements et organismes de recherche ou leurs structures porteuses (67 %) et l'État (33 %). Ainsi la SATT Nord (Lille), créée en juillet 2012 a pour actionnaires l'université de Reims Champagne-Ardennes, l'université de Picardie Jules-Verne, l'université de Lille, l'université Littoral Côte d'Opale, l'université d'Artois, l'université polytechnique Hauts-de-France, Centrale Lille, BPI France et le CNRS. Le financement comme la gouvernance de ces sociétés sont ainsi entièrement publics. Elles sont suivies par un comité de gestion comprenant notamment des représentants du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, du ministère chargé de l'industrie, de l'ANR, de la Caisse des dépôts et consignations et de Bpifrance. Elles doivent également transmettre chaque trimestre les chiffres sur leur activité à l'ANR et rendre compte à la caisse des dépôts de leur situation financière.
La commission déduit de l'ensemble de ces éléments que les SATT assurent, sous le contrôle de l'État, une mission d'intérêt général visant à la mise en œuvre de l’objectif de valorisation des résultats de la recherche, défini à l’article L112-1 du code de la recherche. Elles doivent ainsi être regardés comme chargées d'une mission de service public au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Les documents que la SATT Nord détient ou produit dans le cadre de cette mission de service public, revêtent donc le caractère de documents administratifs. Les documents sollicités, relatifs à la procédure de conclusion de l'accord-cadre portant sur des prestations de services professionnels en matière de propriété intellectuelle, apparaissent, en l'état des éléments portés à la connaissance de la commission, détenus ou établis par la SATT Nord dans le cadre de cette mission.
A ce titre, la commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code.
Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires.
L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret des affaires conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le mode de passation, notamment répétitif, du marché ou du contrat, sa nature, sa durée ou son mode d’exécution.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
En application de ces principes, la commission émet donc un avis favorable sans réserve à la communication du document mentionné au 1) et un avis favorable sous les réserves précitées pour le document mentionné au 2).