Conseil 20194467 Séance du 14/05/2020
Caractère communicable des marchés publics de la Centrale d'achats durables et innovants (CADI) constituée sous la forme associative (loi de 1901 à but non lucratif).
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 14 mai 2020 votre demande de conseil relative au caractère communicable des marchés publics de la Centrale d'achats durables et innovants (CADI) constituée sous la forme associative.
La commission rappelle qu'aux termes de l'article L2113-2 du code de la commande publique : « Une centrale d'achat est un acheteur qui a pour objet d'exercer de façon permanente, au bénéfice des acheteurs, l'une au moins des activités d'achat centralisées suivantes : / 1° L'acquisition de fournitures ou de services ; / 2° La passation des marchés de travaux, de fournitures ou de services. ». Elle constate ainsi que tout acheteur (pouvoir adjudicateur et entité adjudicatrice) peut recourir à une centrale d'achat, soit en tant que « grossiste » pour l'acquisition de fournitures et de biens qu'elle stocke puis cède aux acheteurs, soit en tant qu'« intermédiaire » pour la passation de marchés publics répondant aux besoins d’autres acheteurs pour le compte de ces derniers (directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE).
La commission rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code, « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ».
La commission relève que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission.
La commission rappelle également que le Conseil d'État, dans sa décision CE 27 juillet 2001, Coopérative de consommation des adhérents de la mutuelle assurance des instituteurs de France (CAMIF) a jugé que l'activité de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) consistant à centraliser les achats et commandes des personnes publiques et des personnes privées investies d'une mission de service public dans les meilleures conditions de coût et de qualité, à prodiguer à ces personnes et organismes l'assistance technique dont ils peuvent avoir besoin en matière d'équipement et d'approvisionnement et à apporter son concours à des exportations d'intérêt général, constituait une mission de service public.
En l'espèce, la commission relève que la Centrale d'achats durables et innovants (CADI) a été créée en décembre 2015 par cinq communes et une communauté d'agglomération, membres fondateurs, afin de permettre une mutualisation des moyens touchant aux procédures de marchés publics et de satisfaire les besoins de toutes collectivités locales ou assimilés et opérateurs économiques membres, en fournitures, services ou travaux. Toute personne publique ou privée peut y adhérer sous réserve d’avoir la qualité de pouvoir adjudicateur ou entité adjudicatrice au sens des articles L1211-1 et L1212-1 du code de la commande publique. La CADI est administrée par un conseil d'administration comprenant des représentants des membres fondateurs et, le cas échéant, des nouveaux adhérents versant les cotisations les plus élevées et un bureau composé d'un président et d'un trésorier, représentant des membres fondateurs. Les membres de l'association contribuent à la vie matérielle de celle-ci par le versement d'une cotisation dont le montant est fixé par le conseil d'administration et le cas échéant, la mise à disposition à titre gratuit de locaux ou de personnels ; les frais de fonctionnement de l'association sont couverts soit par un montant correspondant à un pourcentage appliqué sur le montant des marchés et accords-cadres passés par l'association, soit par des honoraires déterminés par le conseil d'administration. Enfin, l'association établit dans les quatre mois qui suivent la fin de chaque exercice social des comptes annuels selon les normes du plan comptable général, qui sont transmis aux membres, avec le rapport d'activité et le rapport financier, au moins quinze jours avant la date de l'assemblée générale ordinaire appelée à statuer sur les comptes de l'exercice clos.
La commission considère, au regard des conditions de création de l'association, des missions qui lui ont été confiées et de la composition de ses organes dirigeants, que la CADI, personne morale de droit privé, doit être regardée comme étant chargée, par les personnes publiques qui en sont membres, d'une mission de service public de centralisation des achats et commandes. La commission en déduit que les contrats qu'elle conclut dans le cadre de cette mission sont des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu aux articles L300-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration.
Elle rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, lequel s'exerce dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code.
Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires.
L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret des affaires conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.