Avis 20192568 Séance du 28/11/2019
Publication en ligne, de l'intégralité du rapport « impact cycle 2016 » piloté par EDF, en lieu et place de la version tronquée consultable sur le site internet de l'IRSN.
Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 mai 2019, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire à sa demande de publication en ligne, de l'intégralité du rapport « impact cycle 2016 » piloté par EDF, en lieu et place de la version tronquée consultable sur le site internet de l'IRSN.
La commission rappelle, en premier lieu, que l'article L124-2 du code de l'environnement qualifie d'informations relatives à l'environnement toutes les informations disponibles, quel qu'en soit le support, qui ont notamment pour objet : « 1º L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; 2º Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1º ; 3º L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus (….) ».
Selon les articles L124-1 et L124-3 du même code, le droit de toute personne d'accéder à des informations lorsqu'elles sont détenues, reçues ou établies par les autorités publiques ou pour leur compte, s'exerce dans les conditions définies par le titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement.
Elle souligne qu'en vertu des dispositions du II de l'article L124-5 du code de l’environnement, interprétées conformément aux dispositions de la directive du 28 janvier 2003 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement, l'autorité publique ne peut rejeter une demande portant sur une information relative à des émissions dans l'environnement que dans le cas où sa consultation ou sa communication porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, ou encore au déroulement des procédures juridictionnelles, à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou enfin à des droits de propriété intellectuelle.
La commission rappelle que, si les dispositions des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, auxquelles renvoie l’article L124-4 du code de l’environnement, ne permettent pas la communication de documents lorsque celle-ci porterait notamment atteinte au secret des affaires, il en va autrement lorsque les documents sollicités comportent des informations relatives à des émissions dans l’environnement. Dans ce cas, une demande de communication ne peut être rejetée que pour les motifs suivants : atteinte aux relations internationales, à la sécurité publique ou à la défense nationale, atteinte au déroulement des procédures juridictionnelles et à la recherche des infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales et atteinte à des droits de propriété intellectuelle.
La commission souligne, en second lieu, qu'en application des dispositions de l’article 19 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, désormais codifié à l'article L125-10 du code de l'environnement, qu’elle est compétente pour interpréter conformément au B de l’article L342-2 du code des relations entre le public et l’administration, toute personne a le droit d'obtenir, auprès de l'exploitant d'une installation nucléaire de base, les informations détenues sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants pouvant résulter de cette activité et sur les mesures de sûreté et de radioprotection prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions, dans les conditions définies aux articles L124-1 à L124-6 du code de l'environnement.
Elle estime que, eu égard à l’objet de ces dispositions, qui visent à assurer un degré élevé de transparence et à permettre au public d’apprécier si et dans quelle mesure il est ou pourrait être exposé à des rayonnements ionisants, elles doivent être interprétées comme incluant non seulement les informations sur la nature, la quantité, la composition et le caractère nocif des émissions, mais également sur les risques d’émissions ainsi que sur les mesures prises pour les prévenir ou en limiter les effets.
La commission a ainsi estimé, dans un conseil n° 20093465 du 5 novembre 2009, que les rayonnements ionisants, de même que les déchets et rejets d’effluents issus des installations nucléaires, constituent des émissions au sens de l'article L124-5 du code de l'environnement qui prévoient que la communication des informations relatives à des émissions dans l’environnement ne peut être refusée que si elle porte atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou à des droits de propriété intellectuelle. Ainsi, le secret en matière commerciale et industrielle ne saurait-il faire obstacle à la communication de telles informations..
La commission en déduit que les occultations auxquelles a procédé l'IRSN au titre de la préservation du secret des affaires sur le rapport objet de la demande d'avis, qui présente les conséquences, sur chaque étape du cycle du combustible nucléaire, de la stratégie d’EDF d’utilisation des différents types de combustibles dans ses réacteurs, n'apparaissent légalement justifiées qu'en tant qu'elles ne porteraient pas sur la nature, la quantité, la composition, le caractère nocif des émissions, les risques d’émissions ainsi que sur les mesures prises pour les prévenir ou en limiter les effets.
Elle observe que le rapport sollicité énonce qu'il a pour objet (p10) de répondre à une lettre de l'Agence de Sûreté Nucléaire (ASN) demandant que les groupes permanents d'experts pour les déchets nucléaires, les réacteurs et les transports s’attachent « à :
- statuer sur la maîtrise dans la durée des flux et stocks de matières, de combustibles et de déchets, notamment en examinant l'étude des inflexions majeures et des effets falaise pouvant apparaître d'ici 2040,
- se prononcer sur les éventuelles difficultés ou contraintes liées aux évolutions présentées qui pourraient avoir des conséquences, d'une part, pour la sûreté ou la radioprotection des installations, des transports et de la gestion des déchets, d'autre part, pour le fonctionnement du cycle, et ce pour la période allant de janvier 2016 à décembre 2030. »
Après avoir pris connaissance de la réponse du directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire et avoir pu consulter les deux versions du rapport, avec et sans occultations, la commission estime, en application des principes qui viennent d'être rappelés que, n'ont pas à être occultés :
- la liste des références du rapport en p. 9 ;
- le tableau 5 récapitulant les actions du programme 2007 de surveillance (p24) qui renseigne sur les actions entreprises par EDF en 2007 pour surveiller les sites d'entreposage des combustibles ;
- les données relatives aux « matières mises en œuvre dans le cycle de combustible » présentées dans le tableau 6 (p. 26) ;
- les données chiffrées entre les isotopes d'uranium pp. 31, 32 et 37 et 39 ;
- l'étude des aléas pp. 93 à 100.
En conséquence, la commission émet un avis favorable à la publication du rapport sans ces occultations, sur le fondement des articles L311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration et L125-10 du code de l'environnement.