Avis 20192168 Séance du 07/11/2019

Communication de toutes les lettres adressées par l’inspection du travail au magasin géré par son client, avant le changement de propriétaire en 2015, à la suite de l'assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Paris de son client par l'inspection du travail qui remet en cause ses horaires d’ouverture et de fermeture.
Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 avril 2019, à la suite du refus opposé par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France (unité territoriale de Paris) à sa demande de communication de toutes les lettres adressées par l’inspection du travail au magasin géré par son client, avant le changement de propriétaire en 2015, à la suite de l'assignation en référé devant le tribunal de grande instance de Paris de son client par l'inspection du travail qui remet en cause ses horaires d’ouverture et de fermeture. En l'absence de réponse du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France à la date de sa séance, la commission rappelle que les documents produits ou reçus par l'inspection du travail dans le cadre de sa mission de contrôle du respect de l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail constituent, à l'exception des procès-verbaux transmis à l'autorité judiciaire, sont des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission rappelle, par ailleurs que le Conseil d’État a jugé que les lettres d’observations adressées par les agents de contrôle de l’inspection du travail aux employeurs à la suite des contrôles effectués dans leurs établissements étaient des documents administratifs, entrant dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l'administration, communicables à toute personne qui en fait la demande, réserve faite du cas où elles feraient apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En pareille hypothèse, ces lettres d’observations ne sont, en principe, communicables qu’à leur destinataire. Elles peuvent également être communiquées à toute personne qui en fait la demande s’il apparaît que l’occultation ou la disjonction de certaines des mentions qu’elles comportent suffit à éviter que cette communication porte préjudice à la personne concernée (CE, 21 octobre 2016, Union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine, n° 392711, mentionnée aux tables du Recueil). La commission déduit de cette décision, d'une part, que, les lettres d’observations émises par l’inspection du travail ne correspondent pas, en principe, aux mises en demeure dont le code du travail prévoit l’envoi aux employeurs en vue de les informer des manquements constatés à la législation et à la réglementation du travail et de les inviter à les corriger, dans un délai déterminé qui ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers, et d'autre part, qu'il convient de procéder, systématiquement, à une appréciation in concreto pour l'application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration et d'envisager la divisibilité des parties des documents sollicités et la possibilité d’occultations partielles. La commission rappelle, enfin, que le f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration prévoit que ne sont pas communicables les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte « au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente ». Elle souligne, à cet égard, que le Conseil d’État a jugé, dans sa décision du 21 octobre 2016 n° 380504 (aux tables), que si la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents, cette communication est en revanche exclue, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, dans l’hypothèse où elle risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction. Le Conseil d'État a considéré, à cet égard, qu'il résulte des articles 40 et 41 du code de procédure pénale que, dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité. En application des principes qui viennent d'être rappelés, la commission, qui n'a pas pu prendre connaissance des documents sollicités, estime que ces derniers sont communicables au demandeur ou à son conseil en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration après occultation ou disjonction, le cas échéant, des mentions couvertes par le secret de la vie privée, de celles portant des appréciations ou des jugements de valeur sur des tiers nommément désignés ou facilement identifiables, ou faisant apparaître leur comportement dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice. Elle souligne, enfin, que dans l'hypothèse où l'inspection du travail aurait dressé des procès-verbaux d'infraction, ces derniers ne revêtiraient pas un caractère administratif au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en irait de même des documents qui auraient été élaborés à la demande de l'autorité judiciaire. La commission ne pourrait, ainsi, que se déclarer incompétente à l'égard de tels documents. La commission émet, sous ces réserves, un avis favorable à la demande.