Avis 20191349 Séance du 07/11/2019
Communication des documents suivants :
1) les bulletins de salaire de tous les agents de la collectivité pour le mois de janvier 2019 ;
2) l'ensemble des arrêtés relatifs au RIFSEEP des agents de la collectivité.
Monsieur X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 2 avril 2019, à la suite du refus opposé par le maire de Bon-Encontre à sa demande de communication des documents suivants :
1) les bulletins de salaire de tous les agents de la collectivité pour le mois de janvier 2019 ;
2) l'ensemble des arrêtés relatifs au RIFSEEP des agents de la collectivité.
La commission rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit d’information que les représentants du personnel et les organisations syndicales peuvent tirer, en cette qualité, de textes particuliers. Ces derniers peuvent en revanche se prévaloir, comme tout administré, du livre III du code des relations entre le public et l'administration et des régimes particuliers énumérés aux articles L342-1 et L342-2 de ce code pour obtenir la communication de documents.
La commission rappelle ensuite sa position constante selon laquelle les bulletins de paie des agents publics sont des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, en application de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve toutefois de l’occultation préalable de toutes les mentions dont la communication porterait atteinte au secret de la vie privée de l’agent concerné (par exemple la date et le lieu de naissance, l’adresse personnelle, la situation familiale) ainsi que celles révélant une appréciation ou un jugement de valeur concernant celui-ci, par exemple les éléments de rémunération liés à la façon de servir de l’agent (notamment les primes de rendement, les primes pour travaux supplémentaires ou le montant total des rémunérations si la communication de ce montant permet de déduire celui des primes liées à la manière de servir).
S'agissant des mentions supplémentaires présentes sur le bulletin de paye des agents publics depuis l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, la commission estime ensuite que la mention du taux d'imposition, qui apparaît soit comme un taux personnalisé soit comme un taux « neutre », est susceptible, d'une part, de permettre la révélation d'informations liées à la situation personnelle et familiale de l'agent concerné, notamment par le biais de croisement de ces informations avec d'autres éléments disponibles. D'autre part, le taux d'imposition constitue une information propre à la situation fiscale de l'agent qui relève du champ d'application de l'article L103 du livre des procédures fiscales, dispositions particulières dérogeant au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, et de la vie privée.
S'agissant des documents mentionnés au point 2), la commission rappelle que le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel, créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 et dont les modalités de mise en œuvre ont été précisées par une circulaire du 5 décembre 2014 de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et du secrétaire d'État chargé du budget, est composé de deux primes distinctes :
- l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), d’une part, versée mensuellement aux agents ;
- le complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, d’autre part, versé en une ou deux fois au cours d’une année.
La commission souligne, en premier lieu, que ce complément indemnitaire est une composante facultative du RIFSEEP qui permet de rémunérer la valeur professionnelle de l'agent, son investissement personnel, son sens du service public, sa capacité à travailler en équipe et sa contribution au travail collectif. Elle considère donc que son montant, en ce qu'il révèle l’appréciation ou le jugement de valeur porté sur la manière de servir, doit être occulté lors de la communication du bulletin de paie d'un agent public.
La commission constate, en second lieu, que le montant de l’IFSE est calculé en tenant compte de la nature des fonctions exercées par l'agent, ce qui la distingue donc d'une prime variable qui ne dépendrait que de l’appréciation de la valeur et de l'engagement professionnels de l'agent. Toutefois, elle souligne que le montant de cette indemnité intègre une part relative à l'expérience professionnelle acquise par l'agent, qui est susceptible de varier en fonction de l'élargissement des compétences professionnelles, de l'approfondissement des savoirs et de la consolidation des connaissances pratiques. Ainsi, comme le précise la circulaire du 5 décembre 2014, le réexamen périodique de l'IFSE n'implique pas une revalorisation automatique de celle-ci. La commission considère que les modalités de calcul de l’IFSE, en tant qu’elles intègrent cette appréciation sur l’évolution des compétences d’un agent public, sont susceptibles de révéler un jugement de valeur concernant cet agent. Elle estime donc que le montant de l’IFSE doit également être occulté lors de la communication du bulletin de paie d'un agent public.
La commission en déduit que les arrêtés individuels pris au titre de l'IFSE, en tant qu'ils ont pour objet de fixer le montant de cette dernière, ne sont communicables qu'aux agents concernés.
En application de ces principes, la commission émet donc un avis favorable à la communication des documents visés au point 1) de la demande, sous réserve de l'occultation des mentions qui ne sont communicables qu'à l'agent concerné. Elle émet, en revanche, un avis défavorable sur le second point de la demande.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le maire de Bon-Encontre a informé la commission qu’en l’absence de logiciel spécifique, les occultations des quatre-vingt-quinze bulletins de salaire des agents de la commune engendrerait une surcharge de travail déraisonnable pour la collectivité.
En l'espèce, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, il n'est pas apparu à la commission que la demande révèle de la part de l’auteur une volonté de perturber le fonctionnement de la mairie de Bon-Encontre, ni que son traitement appelle de la part de l’administration des efforts manifestement disproportionnés.
La commission rappelle toutefois que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est fondée, dans une telle situation, à étaler dans le temps la communication des documents, afin que l’exercice du droit d’accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services.