Conseil 20190505 Séance du 21/03/2019

Caractère communicable, à un tiers, des documents relatifs à une procédure de sanction ayant conduit à l'adoption d'une amende administrative rendue publique, à savoir : 1) le rapport établi par le rapporteur proposant le prononcé d'une amende administrative ; 2) les observations écrites et échanges qui ont suivi entre l'organisme poursuivi et le rapporteur.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 21 mars 2019 votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un tiers, des documents relatifs à une procédure de sanction ayant conduit à l'adoption d'une amende administrative rendue publique, à savoir : 1) le rapport établi par le rapporteur proposant le prononcé d'une amende administrative ; 2) les observations écrites et échanges qui ont suivi entre l'organisme poursuivi et le rapporteur. La commission rappelle, d'une part, qu'aux termes de l'article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la Commission nationale de l'informatique et des libertés est une autorité administrative indépendante. Elle est, selon cet article, l'autorité de contrôle nationale au sens et pour l'application du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/ CE. Aux fins de faire respecter ce règlement, et conformément aux dispositions de celui-ci, elle est dotée d'un pouvoir de sanction défini, notamment au III de l'article 45 de la même loi, qui inclut la possibilité de prononcer une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Les sanctions qu'elle peut, le cas échéant, prononcer sont, selon l'article 47 de cette même loi, décidées sur la base d'un rapport établi par l'un des membres de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, désigné par le président de celle-ci parmi les membres n'appartenant pas à la formation restreinte. Ce rapport est notifié au responsable de traitement ou à son sous-traitant, qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. La commission rappelle, d'autre part, que constituent des documents administratifs, en vertu des dispositions de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Il résulte de ces dispositions que la CNIL, lorsqu’elle exerce son pouvoir de sanction, agit en qualité d’autorité administrative. Dès lors, les documents qu’elle produit ou reçoit en cette qualité constituent des documents administratifs, la circonstance qu’elle soit tenue au respect des garanties prévues par le 1. de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, et soit assimilée au sens et pour l'application de ces stipulations à un « tribunal », étant sans incidence sur sa qualification en droit national au regard du droit d’accès aux documents administratifs. Les documents sollicités sont donc communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le titre III du code des relations entre le public et l'administration. A ce titre, aux termes de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas communicables, les documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait, notamment, atteinte : « (...) f) Au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente (...) ». Par ailleurs, ne sont communicables qu'à la personne intéressée, en application des dispositions de l'article L311-6 du même code, les documents dont la communication porterait atteinte au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles, ainsi que les documents faisant apparaître apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Enfin, aux termes de l'article L311-7 du même code, lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions. La commission précise, d'une part, que le f) de l'article L311-5 ne peut être valablement opposé que lorsque la communication serait de nature à compliquer la conduite des opérations préliminaires, comme une enquête, ou l'office du juge en empiétant sur ses compétences et prérogatives dans la conduite de la procédure, ou à retarder de manière excessive le jugement de l'affaire. Ainsi, la seule circonstance qu’une communication de document administratif serait de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure, qu’il s’agisse d’une personne publique ou de toute autre personne, ne constitue pas une telle atteinte et celle qu’un document administratif se rapporte de près ou de loin à une procédure en cours devant une juridiction de l’ordre judiciaire ou administratif ne saurait ainsi par elle-même faire obstacle à sa communication sur ce fondement. En l'espèce, il ne lui apparaît pas que la seule circonstance que la sanction prononcée par la CNIL fasse l’objet d’un recours contentieux devant le juge compétent soit de nature à justifier un refus de communication sur ce fondement. D'autre part, après en avoir pris connaissance, la commission constate que le rapport sur lequel se fonde la décision de sanction prononcée par le collège restreint de la CNIL, ainsi que les éléments de réponse apportés par l'organisme poursuivi, eu égard à leur objet et à la procédure dans laquelle ils interviennent, comportent de très nombreuses mentions faisant apparaître le comportement de l'organisme poursuivi alors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice, ainsi que de nombreuses mentions dont la communication porterait atteinte au secret des affaires. Elle estime que ces informations, qui ne sont communicables qu'à la personne intéressée en vertu de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas dissociables des autres éléments du rapport et des documents produits en réponse eux-mêmes dont l’intelligibilité serait affectée par les nombreuses occultations devant être opérées en application des dispositions de l'article L311-7. Elle précise que la publicité de la sanction prononcée par la CNIL qui comporte certains de ces éléments, est sans incidence sur l'appréciation par l'autorité saisie des mentions relevant d'un secret protégé dans le cadre et au titre du droit d'accès aux documents administratifs régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission considère, en conséquence, que le rapport établi par le rapporteur proposant le prononcé d'une amende administrative et les observations écrites et échanges qui ont suivi entre l'organisme poursuivi et le rapporteur, lorsqu’ils ont perdu leur caractère préparatoire comme en l’espèce, ne sont pas communicables à un tiers et que la CNIL est fondée à en refuser la communication.