Conseil 20183542 Séance du 25/10/2018
Caractère communicable, dans le cadre d'une enquête mettant en cause des agents communaux, à toute personne qui en ferait la demande, et plus particulièrement aux intéressés et à l'officier de police judiciaire qui instruit une procédure pénale pour harcèlement moral, des documents suivants :
1) la synthèse de l'enquête administrative ;
2) le rapport des auditions individuelles.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 25 octobre 2018, votre demande de conseil relative au caractère communicable, dans le cadre d'une enquête mettant en cause des agents communaux, à toute personne qui en ferait la demande, et plus particulièrement aux intéressés et à l'officier de police judiciaire qui instruit une procédure pénale pour harcèlement moral, des documents suivants :
1) la synthèse de l'enquête administrative ;
2) le rapport des auditions individuelles.
La commission relève, à titre liminaire, que l'enquête administrative qui a été réalisée était destinée à éclaircir les circonstances de faits allégués de harcèlement moral et à porter une appréciation sur l'opportunité ou non de poursuites disciplinaires. Elle vous rappelle, à cet égard, que lorsque les documents dont l'accès est demandé revêtent un caractère préparatoire au sens de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, il est loisible à l'autorité saisie d'une demande d'accès à ces documents d'en refuser temporairement la communication tant qu'une décision n'a pas été prise à la suite de la transmission des conclusions de l'enquête, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre.
La commission vous rappelle ensuite que l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : « ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : (...) 2° Portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; 3° Faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ».
A cet égard, la commission relève que le rapport d'enquête administrative, s’il procède à une évaluation critique du fonctionnement du service et des relations de travail, mentionne également le nom et la situation individuelle de nombreux agents qu'il met en cause à titre personnel. Dans ces conditions, la commission considère que le document ne peut être communiqué à toute personne qui en fait la demande qu'après occultation :
- du paragraphe commençant par « compte tenu à la fois des délais » et s'achevant par « Madame X et Monsieur X » figurant dans la section D de la partie I ;
- de l'identité des personnes à l’origine des signalements, à la section F de la partie I, voire d’une partie de leurs propos, si, eu égard à leur teneur, les personnes auxquels ils sont attribués deviendraient facilement identifiables ;
- de l'identité des personnes citées dans l’introduction et la section A de la partie II ;
- des noms des agents X, X et X figurant dans la section C de la partie I ;
- des noms et des mentions identifiantes figurant dans l’arbre des causes de la partie III ;
- de la section A de la partie IV ;
- des noms et des mentions identifiantes dans la section B de la partie IV ;
- de la section C de la partie IV ;
- des conclusions de la partie IV ;
- des parties V à VII ;
- des annexes, contenant le compte-rendu des auditions individuelles.
S'agissant de la communication du document aux agents concernés par l'enquête, la commission rappelle que les dispositions particulières, d'une part, de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 et, d'autre part, du décret n° 86-442 du 16 mars 1986 pris en application de l'article 35 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 font obstacle à la mise en œuvre du droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Ainsi, lorsque la commission de réforme est saisie, et tant qu'elle n'a pas rendu son avis, la commission est incompétente. Il en va de même lorsqu'une procédure disciplinaire a été engagée à l'encontre de l'agent dont les actes ont fait l'objet de l'enquête administrative. Dans l'hypothèse où ces procédures n'auraient pas été mises en œuvre ou seraient déjà achevées, la commission rappelle que les documents composant le dossier d’un agent public sont des documents administratifs en principe communicables à l’intéressé, en application de l’article L311-6 de ce code, dès lors qu’ils ne présentent plus de caractère préparatoire à une décision en cours d’élaboration, et sous réserve de l’occultation ou de la disjonction des mentions dont la communication porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par l'article L311-6 du même code. Par suite, l'agent public qui a fait l'objet de l'enquête administrative a droit à la communication, sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration, du document dans les mêmes conditions que celles mentionnées. Toutefois, il n'y a pas lieu, à son égard, d'occulter les parties le concernant.
La commission précise que les dispositions du livre III du code des relations entre le public et l'administration ne trouvent pas à s'appliquer à la communication de documents détenus par une administration et un officier de police judiciaire chargé d'instruire une procédure pénale, et qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur le droit d'accès que celui-ci est susceptible de tirer d'autres textes particuliers.
La commission vous indique enfin, à toutes fins utiles, que le Conseil d’État a jugé, dans sa décision du 21 octobre 2016 n° 380504, que la seule circonstance que la communication d’un document administratif soit de nature à affecter les intérêts d’une partie à une procédure juridictionnelle, ou qu’un document ait été transmis à une juridiction dans le cadre d’une instance engagée devant elle, ne fait pas obstacle à la communication de ces documents ou des documents qui leur sont préparatoires. Il résulte f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration que seule est exclue la communication des documents administratifs, sauf autorisation donnée par l’autorité judiciaire ou par la juridiction administrative compétente, qui risquerait d’empiéter sur les compétences et prérogatives de cette autorité ou de cette juridiction. Dès lors qu’un document administratif a été transmis au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale, il appartient à l’autorité saisie d’une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l’être, afin de déterminer, à moins que l’autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d’opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité.