Conseil 20182986 Séance du 25/10/2018
Caractère opposable du secret des affaires à la communication de pièces de marchés publics au Trésor public.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 25 octobre 2018, votre demande de conseil relative au caractère opposable du secret des affaires à la communication de pièces de marchés publics au Trésor public.
La commission vous rappelle qu’aux termes de l’article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique : « Sous réserve des articles L311-5 et L311-6 du code des relations entre le public et l'administration (…) les administrations mentionnées au premier alinéa de l'article L300-2 dudit code sont tenues de communiquer, (…) les documents administratifs qu'elles détiennent aux autres administrations mentionnées au même premier alinéa de l'article L300-2 qui en font la demande pour l'accomplissement de leurs missions de service public ».
Elle considère en outre que la communication des pièces d'un marché public aux services du Trésor public entre dans le champ des missions de service public de l’Etat en matière de contrôle des dépenses des collectivités territoriales. Par conséquent, il convient d’examiner leur caractère communicable au regard des dispositions combinées de l’article 1er de la loi pour une République numérique et du livre III du code des relations entre le public et l’administration.
A cet égard, la commission vous rappelle que les dispositions du 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration disposent que : « Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte (...) au secret des affaires, lequel comprend le secret des procédés, des informations économiques et financières et des stratégies commerciales ou industrielles et est apprécié en tenant compte, le cas échéant, du fait que la mission de service public de l'administration mentionnée au premier alinéa de l'article L300-2 est soumise à la concurrence ».
La commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code.
Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication.
Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires.
L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret des affaires conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le mode de passation, notamment répétitif, du marché ou du contrat, sa nature, sa durée ou son mode d’exécution.
L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas.
En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants :
- les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ;
- dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises.
La commission précise enfin que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
La commission en déduit de la combinaison de ces dispositions que la communication au Trésor public des pièces d'un marché public, sur le fondement de l’article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, ne peut intervenir que sous réserve de l'occultation préalable des mentions couvertes par le secret des affaires, selon les principes rappelés ci-dessus.
La commission souligne néanmoins que l'application de l’article 1er de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 ne préjuge pas d'un droit d'accès plus étendu que le Trésor public pourrait tirer, en raison de ses missions de contrôle, de textes particuliers.