Avis 20180419 Séance du 31/05/2018

Communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'un doctorat sur la Compagnie spéciale des troupes métropolitaines à Aiton entre 1962 et 1972, des 14 dossiers suivants conservés par la division Guerre et armée de Terre du département des fonds d'archives du service historique de la Défense : - GR 2 T 79, GR 2 T 80, GR 2 T 81, GR 2 T 82, GR 2 T 157, GR 2 T 158 (dossier 2 et 3), et GR 13 T 183.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 janvier 2018, à la suite du refus opposé par la ministre des armées à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'un doctorat sur la Compagnie spéciale des troupes métropolitaines à Aiton entre 1962 et 1972, des 14 dossiers suivants conservés par la division Guerre et armée de Terre du département des fonds d'archives du service historique de la Défense : -1) GR 13 T 183, -2) GR 2 T 79, GR 2 T 80, GR 2 T 81, -3) GR 2 T 82, -4) GR 2 T 157, -5) GR 2 T 158 (dossier 2 et 3). A titre liminaire et après avoir pris connaissance des observations de l'administration, la commission rappelle la grille d'analyse qu'elle applique lors de l'examen des refus de dérogation en matière de communication des archives publiques : elle s'assure d'abord que les documents demandés ne sont effectivement pas librement accessibles. Ensuite, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. L'examen conduit ainsi la commission à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations auxquelles il souhaite avoir accès. La commission souligne, qu'en l'espèce, elle a eu accès aux documents. Les recherches de Monsieur X portent sur le « bagne militaire » installé au fort d'Aiton, en Savoie. A travers l'histoire de cette unité militaire, il souhaite éclairer un pan de l'histoire politique de la France aux lendemains de la Guerre d'Algérie. Il est à la recherche de toute information sur le fonctionnement de l'institution, sur ceux qui, bagnards ou surveillants, y furent affectés, sur la connaissance que pouvait en avoir l'opinion. Il recherche également tous les éléments qui lui permettraient de contextualiser les résultats de ces recherches : conception qu'avait l'armée de la discipline, moyens mis en oeuvre pour l'assurer, état d'esprit des militaires, etc. La commission constate que les documents sollicités, à l'exception du dossier 2 contenu dans le carton coté GR 2 T 158 cité au point 5, sont des documents d'archives publiques produits par la direction de la sécurité militaire et, qu'à ce titre et conformément aux dispositions du 3° du I) de l'article L213-2 du code du patrimoine, ils ne seront communicables qu'à l'expiration d'un délai de 50 ans à compter du dernier document inclus dans le dossier. Conformément aux dispositions du b) du 4° du I) de l'article précité, ce délai est de 75 ans dans le cas du dossier 2 mentionné au point 5, car il contient des procès-verbaux de gendarmerie. La commission relève que parmi les documents sollicités, certains ne concernent pas les recherches de Monsieur X : il s'agit des dossiers 2 et 3 du carton coté 2T 157 cité au point 4 et du dossier 3 du carton coté 2T 158 cité au point 5. S'agissant des documents cités au point 1), dont le plus récent date d'avril 1968 et qui sont aujourd'hui librement communicables, la commission prend note de l'intention de la ministre des armées de les communiquer au demandeur sur simple demande. Elle constate par ailleurs que les documents suivants, qui permettraient au demandeur de contextualiser les informations relatives au fort d'Aiton, ne présentent aujourd'hui que très peu, voire plus aucun, caractère sensible : - les documents cités au point 2) consistent en synthèses mensuelles produites par la direction de la sûreté militaire de 1967 à 1972. Ces documents compilent pour toute la France les faits importants survenus durant le mois écoulé et relatifs à la protection du secret, à l'action des partis politiques ou des associations au sein des armées, à la pénétration des points sensibles, au contre-espionnage. Les informations sont présentées très succinctement et de manière à illustrer le tableau d'ensemble qu'elles permettent de dessiner. Le tout est complété de tableaux statistiques, portant notamment sur les suicides et les désertions. Les noms propres ne sont livrés que de façon accidentelle (une note volante faisant mention de quelques noms, pouvant être aisément occultée au moment de la consultation). Une partie des documents réunis sous la cote GR 2 T 79 sont d'ores et déjà librement communicables (synthèses antérieures à mai 1968) et le seront entièrement dès la fin de l'année en cours. Les documents les plus récents, contenus dans le carton GR 2 T 81, le deviendront dès 2023. - Quatre des dossiers (les dossiers 1, 2, 4 et 5) contenus dans le carton cité au point 3) consistent en rapports synthétiques portant sur les enjeux, les thématiques et les consignes en matière de sécurité militaire (dossiers 1 et 2), l'influence des évènements de mai 1968 sur les forces armées (dossier 4), l'évolution de la santé morale des armées de 1968 à 1973 (dossier 5). Ils ne comprennent pas d'informations nominatives. Certains de ces documents seront librement communicables dès 2019, les autres au plus tard en 2023. - Le dossier 1 contenu dans le carton 2T 157 cité au point 4 consiste en statistiques sur des incidents divers (subversion, disparitions d'armes, suicides, brimades...) arrivés aux armées entre 1971 et 1972. Ils ne comprennent pas d'informations nominatives. Ils seront librement communicables en 2022. Les autres documents sollicités comprennent des informations nominatives : - Les dossier 3-1971 et 3-1972 du carton cité au point 3 se composent de fiches de synthèse dressées en 1970-1972 par la direction de la sécurité militaire sur des points tels que les activités antimilitaristes de certains partis politiques et de notes express rendant compte d'évènements précis tels que vols, manifestations, diffusions de tracts. Les informations nominatives y sont rares. Ils seront librement communicables en 2022. - Le dossier 2 contenu dans le carton coté 2T 158 cité au point 5 est tout entier consacré à des évènements relatifs au fort d'Aiton, l'objet même des recherches de Monsieur X. Les documents datent des années 1969 à 1971. Parce qu'il contient des procès-verbaux de gendarmerie datés de 1970 et relatifs à la découverte d'explosifs, il ne sera librement communicable qu'en 2045. Les autres documents (notes, rapports, correspondance) contiennent des informations relatives à des soldats disciplinaires au sujet desquels sont souvent mentionnées des sanctions, des condamnations ou des appréciations portées par leur hiérarchie. La commission estime que la consultation anticipée des documents sollicités ne conduirait pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. Elle émet donc un avis favorable à leur consultation, à l'exception des dossiers 2 et 3 du carton coté 2T 157 cité au point 4, et du dossier 3 du carton coté 2T 158 cité au point 5 , lesquels n'intéressent pas la recherche de Monsieur X.