Avis 20180358 Séance du 12/07/2018

Copie du rapport de l'inspection du travail évoqué lors du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 5 juillet 2017.
Monsieur X, pour le syndicat CGT des personnels du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de Maine-et-Loire, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par un courrier enregistré à son secrétariat le 12 janvier 2018, à la suite du refus opposé par ce service départemental à sa demande de communication d'une copie du rapport ou des observations de l'inspection du travail évoqués lors de la réunion du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) du 5 juillet 2017, qui ont été communiqués à ce service à la suite d'un rendez-vous avec l'inspecteur du travail en date du 9 mars 2017 dans les locaux du service. I. Sur la compétence de la commission La commission souligne, à titre liminaire, qu'elle n'est pas compétente pour se prononcer sur le droit d'information que les représentants du personnel et les organisations syndicales tirent, en cette qualité, de textes particuliers. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que ces derniers puissent disposer par ailleurs du droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, qui est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions exercées ou des mandats détenus. Ayant pris connaissance de la réponse du service départemental d'incendie et de secours de Maine-et-Loire à la demande qui lui a été adressée et de son complément ainsi que du courrier adressé le 29 mars 2017 par l'inspecteur du travail, Madame X et le responsable de l'unité de contrôle, Monsieur X, au directeur départemental du SDIS de Maine-et-Loire, le colonel X, la commission constate qu'il n'a ni la nature d'un procès-verbal d'infraction aux dispositions légales sur le régime du travail ou aux stipulations des conventions et accords collectifs, établi en application des articles L8112-1 et L8113-7 du code du travail, ni celui d'une mise en demeure qui, le cas échéant, précède l'établissement d'un procès-verbal. La lettre en cause ne relève donc pas de ces catégories de documents dépourvus de caractère administratif au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle que le Conseil d’État a jugé que les lettres d’observations adressées par les agents de contrôle de l’inspection du travail aux employeurs à la suite des contrôles effectués dans leurs établissements étaient des documents administratifs, entrant dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l'administration, communicables à toute personne qui en fait la demande, réserve faite du cas où elles feraient apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En pareille hypothèse, ces lettres d’observations ne sont, en principe, communicables qu’à leur destinataire. Elles peuvent également être communiquées à toute personne qui en fait la demande s’il apparaît que l’occultation ou la disjonction de certaines des mentions qu’elles comportent suffit à éviter que cette communication porte préjudice à la personne concernée (CE, 21 octobre 2016, Union départementale CGT d'Ille et Villaine, n° 392711, mentionnée aux tables du Recueil). La commission déduit de cette décision, d'une part, que, les lettres d’observations émises par l’inspection du travail ne correspondent pas, en principe, aux mises en demeure dont le code du travail prévoit l’envoi aux employeurs en vue de les informer des manquements constatés à la législation et à la réglementation du travail et de les inviter à les corriger, dans un délai déterminé qui ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers, et d'autre part, qu'il convient de procéder, systématiquement, à une appréciation in concreto pour l'application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration et d'envisager la divisibilité des parties des documents sollicités et la possibilité d’occultations partielles. En l'espèce, la commission constate que le document sollicité s'inscrit dans le prolongement d'une réunion dont l'initiative revient au préfet de Maine-et-Loire, afin d'améliorer le fonctionnement du CHSCT du SDIS. Il résume la nature des échanges qui ont eu lieu à l'occasion de cette réunion, qui s'est tenue le 9 mars 2017, évoque notamment les circonstances qui ont précédé le suicide d'un sapeur-pompier stagiaire dans le cadre de sa formation et le fonctionnement, de manière plus générale du CHSCT, rappelle la législation applicable et l'interprétation qu'en retient l'inspection du travail, et formule des questions et des recommandations à l'attention de l'autorité territoriale. La commission estime dès lors que ce document ne revêt pas, comme le soutient le SDIS, le caractère d'une correspondance privée, et que le régime applicable à sa communication, sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration, doit, eu égard à sa nature et son objet, être assimilé à celui relatif aux lettres d'observations défini par la jurisprudence précitée. II. Sur les conditions de communication du document sollicité En premier lieu, la commission constate que la lettre, objet de la demande, comporte sept pages, concernant, d'une part, le respect des attributions du CHSCT à la suite de l'acte suicidaire de Madame X et les règles applicables en cas d'interruption du stage, d'autre part, le fonctionnement courant de l'instance (composition, secrétariat, votes et politique de prévention des risques). Abordant ces deux sujets, le document résume les constats factuels dressés lors de la réunion du 9 mars 2017, analyse la législation et la réglementation applicables et formule des remarques, des interrogations et des recommandations. Au regard de ce contenu, la commission considère que la lettre en cause ne procède pas à une pré-qualification d'infractions. Si elle est susceptible de révéler des appréciations de l'inspection du travail relevant de l'exception résultant du 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, la commission rappelle que ces dispositions ne peuvent trouver à s'appliquer aux dysfonctionnements relevés dans les conditions dans lesquelles une personne publique exerce les missions de service public qui lui ont été confiées. Elle considère, en conséquence, en l'espèce, que l'exception du 3° de l'article L311-6 ne peut trouver à s'appliquer au SDIS, établissement public administratif, dans ses relations avec ses agents et leurs instances représentatives. En revanche, les dispositions du 2° du même article font obstacle à ce que soient communiquées à des tiers, des mentions portant une appréciation sur Madame X. En second lieu, d'une part, si le SDIS fait valoir qu'un recours pour excès de pouvoir contre les décisions de refus de l'autorité territoriale du SDIS de Maine-et-Loire de réunir une commission d'enquête paritaire assistée d'un expert dans les conditions prévues par les articles 41 et 42 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale a été formé, la commission rappelle que les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration ne font obstacle à la communication de documents, au cours d’une procédure juridictionnelle, que dans l'hypothèse où celle-ci serait de nature à porter atteinte au déroulement de l'instruction, à retarder le jugement de l'affaire, à compliquer l'office du juge ou à empiéter sur ses compétences et prérogatives. Le Conseil d’État a ainsi jugé que la seule circonstance que la communication d'un document serait de nature à altérer l'égalité des armes entre les parties à un litige ne peut être utilement invoquée pour fonder une décision de refus (CE, 16 avril 2012, Ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique c. Mme A, n° 320571, mentionné aux Tables). D'autre part, la commission relève que la plainte pour homicide involontaire et harcèlement déposée par les parents de l'agent décédé a été classée sans suite par le procureur de la République en juin 2017. Dès lors, la commission considère que les dispositions du f) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration ne font pas obstacle à la communication du document sollicité. Compte tenu de ce qui précède, la commission considère que le courrier sollicité est communicable à toute personne qui le demande, sous réserve de l'occultation préalable des mentions portant une appréciation sur Madame X en application des dispositions du 2° de l'article L311-6 et de L311-7 du code des relations entre le public et l'administration. Elle émet, dès lors, un avis favorable à la demande, sous cette réserve.