Conseil 20180284 Séance du 03/05/2018

Caractère communicable, aux représentants du personnel, de la lettre d'observations adressée à leur employeur, la banque HSBC, dans le cadre d'une réorganisation importante de son activité banque de détail (agences bancaires) sans plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, lors de sa séance du 3 mai 2018, votre demande de conseil relative au caractère communicable aux institutions représentatives du personnel du courrier que vous avez adressé le 23 janvier 2018 à la société HSBC France, dans le cadre de la réorganisation de son activité de services bancaires aux particuliers et de gestion de patrimoine, dit RBWM. La commission rappelle, en premier lieu, que le droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration est ouvert à toute personne, indépendamment des fonctions qu'elle exerce ou des mandats qu'elle détient. Il s'applique sans préjudice des droits d'information que les institutions représentatives du personnel tirent, en cette qualité, de textes particuliers, notamment du code du travail. Toutefois, les procès-verbaux d'infraction aux dispositions légales sur le régime du travail ou aux stipulations des conventions et accords collectifs, établis en application des articles L8112-1 et L8113-7 du code du travail, ainsi que les mises en demeure qui, le cas échéant, les précèdent, qui ne revêtent pas le caractère de documents administratifs au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration, ne sont pas soumis au droit d'accès que ce dernier prévoit. La commission considère, en l'espèce, que le courrier que vous avez adressé le 23 janvier 2018 à la société HSBC France est soumis au droit d'accès prévu par l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, sous les réserves définies par l'article L311-6 de ce code. La commission souligne, en deuxième lieu, que Le Conseil d’État a jugé que les lettres d’observations adressées par l’inspection du travail aux employeurs à l’issue de contrôles effectués dans leurs établissements, après avoir relevé qu'elles résultaient de la seule pratique administrative et que ni leur objet, ni leur contenu n’est défini par aucun texte, étaient des documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande, réserve faite du cas où elles feraient apparaître le comportement d'une personne physique ou morale, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. En pareille hypothèse, ces lettres d’observations ne sont, en principe, communicables qu’à leur destinataire. Elles peuvent également être communiquées à toute personne qui en fait la demande s’il apparaît que l’occultation ou la disjonction de certaines des mentions qu’elles comportent suffit à éviter que cette communication porte préjudice à la personne concernée (CE, 21 octobre 2016, Union départementale CGT d'Ille-et-Vilaine, n° 392711, mentionnée aux tables du Recueil). La commission déduit de cette décision, d'une part, que, les lettres d’observations émises par l’inspection du travail ne correspondent pas, en principe, aux mises en demeure dont le code du travail prévoit l’envoi aux employeurs en vue de les informer des manquements constatés à la législation et à la réglementation du travail et de les inviter à les corriger, dans un délai déterminé qui ne sont, dès lors, pas communicables aux tiers, et d'autre part, qu'il convient de procéder, systématiquement, à une appréciation in concreto pour l'application des articles L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l'administration et d'envisager la divisibilité des parties des documents sollicités et la possibilité d’occultations partielles. En l'espèce, le document que vous avez communiqué à la commission s'inscrit dans le cadre de l'engagement d'une procédure de contrôle sur la base d'informations qui vous ont été communiquées par les institutions représentatives du personnel et que vous avez recueillies dans le cadre de votre participation à une réunion du comité d'hygiène, de santé et de sécurité au travail. La commission estime que le régime applicable à sa communication, sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration, doit, eu égard à sa nature et son objet, être assimilé à celui relatif aux lettres d'observations défini par la jurisprudence précitée. La commission constate que la lettre, objet de la demande, comporte dix pages construites autour d’autant de remarques et consiste en une mise en garde et un rappel de la législation applicable et des risques associés à sa méconnaissance au regard des informations dont l’inspecteur du travail a eu connaissance et demande la communication d’un certain nombre de documents et de précisions. La commission estime que la lettre en cause ne procède pas à une pré-qualification d'infractions. La commission rappelle que la communication à un tiers des mesures de réorganisation d’une entreprise ou d'accompagnement d'un projet de licenciement économique, qui divulguerait des précisions sur la situation économique de l'entreprise, ses moyens, son organisation et sa stratégie commerciale ou économique, porterait ainsi atteinte au secret en matière commerciale et industrielle. Un tel document n'est donc communicable qu'aux personnes directement concernées, qualité qu'ont les représentants légaux de l'entreprise, les institutions représentatives du personnel compétentes, ainsi que tous les salariés de l'entreprise (avis n° 20153354 du 22 octobre 2015). Si le secret en matière industrielle et commerciale ne peut donc être opposé au demandeur, la lettre d’observations est en revanche susceptible de révéler de la part de la société un comportement, dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, protégé par le 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. Relèvent ainsi de cette exception : a) l’appréciation portée par l’inspecteur du travail sur la réponse que la société a adressée aux représentants du personnel, qui a estimé qu'elle : - apportait des informations contradictoires sur les modalités de mise en œuvre de la réorganisation ; - ne précisait pas les conséquences d'un refus de changement de poste et de fonctions ; - restait équivoque quant aux évolutions de fonctions sans modification de contrat ; - annonçait des évolutions de fonctions procédant d'une adaptation des conditions de travail ; - et comportait des propos dénigrants vis-à-vis des représentants du personnel ; b) l'invitation à éviter tout propos dénigrant à l'égard des représentants du personnel et de tenir compte, à cet égard, de l'interdiction de discrimination résultant de l'article L1131-2 du code du travail ; c) les interrogations soulevées par une note de l'expert mandaté par le comité central d'entreprise en ce qui concerne les mobilités fonctionnelles et l'insuffisance des reclassements envisagés ainsi que les propres interrogations de l’inspecteur du travail sur le projet ; d) l’appréciation de l’inspecteur laissant entendre que le fonctionnement actuel du CHSCT n’est pas « normal ». Ne sont, en revanche, pas de nature à porter préjudice à l’entreprise : a) le rappel à la société HSBC du cadre juridique applicable en cas de suppression, modification d'emploi ou modification essentielle d'un contrat de travail, tels qu'ils paraissent résulter de la réorganisation du service dit RBWM, et des risques d'irrégularité ; b) le rappel sur les obligations de notification à l'autorité administrative, aux termes de l'article L123-46 du code du travail, des projets de licenciement économique de plus de dix salariés intervenant sur une période de trente jours, de consultation du comité social et économique prévue par l'article L1233-28 du code du travail, ainsi que sur les sanctions civiles et pénales applicables en cas de méconnaissance de ces obligations ; c) les divers renseignements sollicités sur la réorganisation du RBWM. La commission précise, enfin, qu'elle considère que les instances représentatives du personnel ne peuvent pas être regardées comme des personnes intéressées au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration au regard de la préservation de la divulgation d'un comportement dont la divulgation est susceptible de lui porter préjudice, à la différence du secret en matière industrielle et commerciale. La doctrine de la commission est, en effet, orientée en ce sens qu’en matière de comportement, la personne intéressée est l’auteur de ce comportement à l'exclusion de ses éventuelles victimes. En application des principes qui viennent d'être rappelés, la commission vous conseille donc de communiquer la lettre d'observations que vous avez adressée le 23 janvier 2018 à direction la société HSBC France après occultation des mentions relevant du 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ces occultations préalables ne privant pas la communication du document ainsi occulté de tout intérêt.