Conseil 20174995 Séance du 14/12/2017

Caractère communicable des informations de santé du majeur protégé à son curateur, et conditions du droit d'accès, notamment depuis la loi du 26 janvier 2016, tant de la part des personnes en charge des mesures de protection que des titulaires des dossiers médicaux et des professionnels, sollicités par les curateurs ou autre titulaire d'une mesure de protection pour l'obtention du dossier de leur protégé ; Par ailleurs, caractère communicable, et étendue du droit d'accès, des informations de santé de leur protégé par les titulaires d'une mesure d'habilitation familiale, dispositif nouvellement mis en place par une ordonnance du 15 octobre 2015.
La commission d’accès aux documents administratifs a examiné votre demande de conseil relative à la possibilité pour le curateur ou la personne bénéficiant d’une habilitation familiale d’accéder aux informations médicales d’un majeur protégé. Sur le droit d’accès du curateur : Ainsi qu’elle l’a déjà considéré dans son conseil n° 20163641 du 15 septembre 2016, la commission vous rappelle que l’article L1111-7 du code de la santé publique reconnaît le droit à toute personne d’accéder aux informations concernant sa santé détenues par des professionnels ou des établissements de santé, « directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne ». Dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l’ordre des médecins, le Conseil d’Etat a interprété ces dispositions comme n’excluant pas la possibilité pour le patient de recourir à un mandataire pour accéder à ces informations dès lors que ce dernier peut justifier de son identité et dispose d’un mandat exprès, c’est-à-dire dûment justifié. La commission vous rappelle également que l’article L1111-2 du même code permet que le droit à l’information médicale garanti au patient sous tutelle soit exercé par le tuteur. Dans son conseil n° 20053559 du 6 octobre 2005, la CADA en a déduit que ces dispositions devaient être regardées comme autorisant également le tuteur à accéder au dossier médical de la personne sous tutelle. Elle a en revanche estimé que, dès lors que le code de la santé publique ne comportait aucun droit d’accès à l’information médicale ou au dossier médical au profit du curateur, ce dernier ne pouvait pas prétendre exercer de plein droit le droit d’accès de son pupille à son dossier médical, sauf si cette dernière lui a délivré un mandat exprès en ce sens. La commission constate ensuite que, dans sa version résultant de l’article 189 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, le deuxième alinéa de l’article L1111-7 du code de la santé publique a été complété par une disposition ainsi rédigée : « Lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique, la personne en charge de l’exercice de la mesure, lorsqu’elle est habilitée à représenter ou à assister l’intéressé dans les conditions prévues à l’article 459 du code civil, a accès à ces informations dans les mêmes conditions. ». Si les dispositions de l’article 459 du code civil visent à la fois des mesures de tutelle et de curatelle, la commission constate toutefois que l’article 459-1 du code civil dispose que l’application des dispositions de cette sous-section du code civil relative aux effets de la curatelle et de la tutelle quant à la protection de la personne « ne peut avoir pour effet de déroger aux dispositions particulières prévues par le code de la santé publique (…) prévoyant l'intervention d'un représentant légal », parmi lesquelles figure l’article L1111-2 du code de la santé publique. Or la commission relève que la loi du 26 janvier 2016 n’est pas venue modifier les dispositions de l’article L1111-2 du code de la santé publique afin que le droit d’accès garanti au patient sous curatelle soit exercé par le curateur, dans les mêmes conditions que pour les tuteurs concernant les personnes sous tutelle. De plus, si les travaux parlementaires qui ont précédé l’adoption de la loi du 26 janvier 2016, indiquent que cette modification de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique doit permettre de mieux prendre en compte la situation des majeurs faisant l’objet d’une protection juridique, ils ne font néanmoins référence expressément qu’à l’assistance et à la représentation d’un majeur protégé assurée par un tuteur. La commission constate, enfin, que l’article 211 de la loi 26 janvier 2016 a habilité le gouvernement à adopter, par voie d'ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la loi, les mesures législatives permettant de mieux articuler les dispositions du code civil et du code de la santé publique relatives aux conditions dans lesquelles peut s'exprimer la volonté des personnes faisant l'objet d'une mesure de protection juridique pour toute décision relative à un acte médical. Elle relève cependant qu’un tel texte n’a pas encore été adopté. La commission considère qu’il résulte de tout ce qui précède et compte tenu des différences existant entre la tutelle et la curatelle, que les nouvelles dispositions de l’article L1111-7 du code de la santé publique résultant de la loi du 26 janvier 2016 n’instaurent pas au profit du curateur du majeur protégé un nouveau droit d’accès au dossier médical de son pupille, sauf mandat exprès, le dossier médical n’étant communicable qu’au seul majeur protégé sous curatelle en application du II de l’article 311-6 du code des relations entre le public et l’administration et de l’article L1111-7 du code de la santé publique. Sur le droit d’accès d’une personne bénéficiant d’une habilitation familiale : La commission rappelle que les articles 494-1 à 494-12 du code civil, créés par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015, ont institué une procédure d’habilitation familiale qui permet aux proches d'une personne incapable de manifester sa volonté (en raison d'une altération, médicalement constatée, soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles) de la représenter ou de passer tous ou certains actes en son nom. Saisi d’une demande d’autorisation, le juge des tutelles peut habiliter une ou plusieurs personnes choisies parmi les ascendants ou descendants de la personne concernée, frères et sœurs ou, à moins que la communauté de vie ait cessé entre eux, le conjoint, le partenaire auquel elle est liée par un pacte civil de solidarité ou le concubin. L’article 494-6 du code civil prévoit que l’habilitation peut porter sur un ou plusieurs actes relatifs à la personne à protéger et que, dans ce cas, l'habilitation s'exerce dans le respect des dispositions des articles 457-1 à 459-2 du code civil. La commission en déduit qu’à l’instar de ce qu’elle a considéré pour la curatelle, les nouvelles dispositions de l’article L1111-7 du code de la santé publique résultant de la loi du 26 janvier 2016 ne peuvent être regardées comme autorisant une personne bénéficiant d’une habilitation familiale à accéder au dossier médical de la personne à l'égard de qui l'habilitation a été délivrée, sauf mandat exprès de celle-ci.