Avis 20164904 Séance du 24/05/2017

Communication des pièces suivantes relatives à Monsieur X, décédé à l'EHPAD, concubin et père de ses clients : 1) l'intégralité du dossier médical ; 2) les pièces et résultats de l'enquête de l'ARS, et de tous autres organismes ; 3) la déclaration de sinistre ; 4) les coordonnées complètes de l'assureur.
Maître X, conseil de Madame X et de Messieurs X et X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 18 octobre 2016, à la suite du refus opposé par le directeur du centre hospitalier Andrée Rosemon à sa demande de communication des pièces suivantes relatives à Monsieur X, décédé à l'EHPAD, concubin et père de ses clients : 1) l'intégralité du dossier médical ; 2) les pièces et résultats de l'enquête de l'ARS, et de tous autres organismes ; 3) la déclaration de sinistre ; 4) les coordonnées complètes de l'assureur. Après avoir pris connaissance de la réponse de l’administration, la commission rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Mme X). En l’absence de précision sur ce point, la commission estime que les documents sollicités ne revêtent pas un caractère juridictionnel. En ce qui concerne les documents sollicités au point 1), la commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué. La commission estime que, par cette disposition, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille ou les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans le cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille ou les proches peuvent obtenir communication du dossier médical. S’agissant de l’objectif poursuivi : La commission observe, alors même que l’objectif de la demande n’est pas expressément mentionné par les demandeurs, que celle-ci s’inscrit dans le cadre d’une procédure pénale consécutive au décès de Monsieur X à l’EHPAD Andrée Rosemon suite à un incendie. La commission considère dès lors que l’objectif poursuivi par les demandeurs doit être regardé comme tendant à ce qu’ils puissent faire valoir leurs droits et par voie de conséquence, que cet objectif est conforme aux dispositions de l’article L. 1110-4 du code de la santé public. S’agissant de la qualité d’ayant droit : Aux termes du V de l’article L1110-4 du code de la santé publique, dans sa version issue de l’article 96 de la loi du 26 janvier 2016 : « (…) Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès (…) ». La commission, qui invite les demandeurs à justifier de leur qualité d'ayant droit au sens de ces dispositions, émet dans l’hypothèse où cette qualité serait justifiée, un avis favorable à la communication du document sollicité au point 1). S’agissant des autres documents sollicités aux points 2) à 4), la commission rappelle qu’ils ne peuvent être communiqués qu'aux personnes qui peuvent se prévaloir d’une qualité conduisant à les regarder comme directement concernées par le document sollicité. Il ressort de la décision du Conseil d'État du 17 avril 2013, Ministre de l'immigration nationale et du développement solidaire c/ M. X (n° 337194, mentionnée aux tables du recueil Lebon), que l'intéressé, au sens des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, est la personne directement concernée par le document, c'est-à-dire, s'agissant d'un document contenant des informations qui se rapportent à une personne, soit cette personne elle-même, soit un ayant droit direct de cette personne, titulaire d'un droit dont il peut se prévaloir à raison du document dont il demande la communication. En ce qui concerne plus particulièrement le document sollicité au point 2), la commission comprend qu’un rapport d’enquête a été réalisé par les services de l’agence régionale de santé suite au décès de Monsieur X, à l’EHPAD Andrée Rosemon consécutif à un incendie. En l’absence de précision de l’administration sur ce point, la commission considère que le rapport sollicité, s’il existe, a été réalisé dans le cadre d'une enquête administrative diligentée par l’agence régionale de santé et estime, dès lors, que ce document ne relève pas du régime du dossier médical défini par le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique et l'article L1111-7 du même code, mais du seul régime d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission précise que si le document en cause comporte des mentions portant une appréciation ou un jugement de valeur sur des personnes physiques nommément désignées ou aisément identifiables, ou révélant le comportement de telles personnes alors que la divulgation de ce comportement pourrait leur porter préjudice, il n’est communicable qu'à la personne intéressée, conformément aux dispositions de l’article L311-6. En l’espèce, ce document, dès lors qu’il n’aurait pas été produit pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, est communicable, sous les réserves précitées, aux demandeurs qui devront justifier de leur qualité d’ayant droit, compte tenu de l'objectif poursuivi par ces derniers. S’agissant des documents sollicités aux points 3) et 4), la commission estime là encore que ces documents administratifs, dès lors qu’ils n’auraient pas été produits pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, sont communicables au demandeurs, eu égard à l’objectif poursuivi par ces derniers, sous réserve, le cas échéant, de l’occultation des mentions protégées par les articles L311-5 et L311-6 du même code. Elle émet dès lors un avis favorable.