Avis 20164539 Séance du 06/10/2016

Copie de l'intégralité du rapport d'audit commandé par X à un organisme indépendant X, concernant l'usine d'X X, celui-ci ayant été transmis à l'association « X » le 7 juin 2016 et à X le 12 septembre 2016 avec nombre de parties occultées, ainsi que tous documents y afférents.
Madame X, X, ont saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 23 septembre 2016, à la suite du refus opposé par le directeur général de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN) à leur demande de copie de l'intégralité du rapport d'audit commandé par X à un organisme indépendant X, concernant l'usine d'X X, celui-ci ayant été transmis à l'association « X » le 7 juin 2016 et à X le 12 septembre 2016 avec nombre de parties occultées, ainsi que tous documents y afférents. La commission rappelle, à titre liminaire, qu’il ne lui appartient pas d’indiquer, précisément et de manière exhaustive, les mentions des documents administratifs qui, en application des dispositions du livre III du titre I du code des relations entre le public et l’administration, doivent être occultées préalablement à leur communication, cette opération incombant à l'administration. La commission peut, en revanche, éclairer cette dernière sur le caractère communicable ou non de passages ou informations soulevant des difficultés particulières d’appréciation et sur lesquels la commission attire son attention. En l’espèce, la commission, également saisie par l'ASN d'une demande de conseil ayant le même objet, a pris connaissance du document sollicité dans sa version intégrale, en langue anglaise, des propositions d’occultations de la société X sollicitée par l’ASN aux fins d’indiquer les parties du rapport qui, selon la société, relevaient du secret en matière industrielle et commerciale, et des mentions que l’ASN estime avoir été occultées à tort par la société X au regard de ce secret. La commission rappelle, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L592-1 du code de l’environnement, l’ASN est une autorité administrative indépendante qui participe au contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants. Elle participe, également, à l'information du public et à la transparence dans ses domaines de compétence. Elle est, notamment, chargée du contrôle des installations nucléaires de base et des équipements sous pression nucléaire en application de l'article L592-19 du code de l'environnement. La commission considère en conséquence que le rapport d'audit portant sur le système de management de la qualité de l'usine d'X X, qui fabrique des équipements sous pression nucléaire, que lui a transmis la société X, l’a été dans le cadre des missions de service public dévolues à l’agence et qu’il revêt par suite un caractère administratif au sens de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration. La commission précise, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L124-1 du code de l’environnement, « Le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par les autorités publiques mentionnées à l'article L124-3 ou pour leur compte s'exerce dans les conditions définies par les dispositions du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions du présent chapitre ». Selon l’article L124-2 de ce code, est considérée comme information relative à l'environnement toute information disponible, quel qu'en soit le support, qui a pour objet : « 1° L'état des éléments de l'environnement, notamment l'air, l'atmosphère, l'eau, le sol, les terres, les paysages, les sites naturels, les zones côtières ou marines et la diversité biologique, ainsi que les interactions entre ces éléments ; / 2° Les décisions, les activités et les facteurs, notamment les substances, l'énergie, le bruit, les rayonnements, les déchets, les émissions, les déversements et autres rejets, susceptibles d'avoir des incidences sur l'état des éléments visés au 1° ; / 3° L'état de la santé humaine, la sécurité et les conditions de vie des personnes, les constructions et le patrimoine culturel, dans la mesure où ils sont ou peuvent être altérés par des éléments de l'environnement, des décisions, des activités ou des facteurs mentionnés ci-dessus ; / 4° Les analyses des coûts et avantages ainsi que les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des décisions et activités visées au 2° ; / 5° Les rapports établis par les autorités publiques ou pour leur compte sur l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'environnement. ». La commission relève que le rapport, eu égard à son objet, contient des informations relatives à l’environnement mentionnées au 2°, dont le régime de communication est défini à l’article L124-4 du code de l’environnement, qui renvoie à la préservation des intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration. En revanche, elle estime que la demande ne porte pas sur des émissions de substances dans l'environnement que l'autorité publique ne peut rejeter que dans le cas où sa consultation ou sa communication porte atteinte, à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou à des droits de propriété intellectuelle, en application du II de l’article L124-5 du code de l’environnement. Il résulte des échanges entre les représentants de l’autorité, de la société X et les membres de la commission que les divergences d’appréciation sur l’étendue des mentions devant être occultées au titre des secrets protégés par les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration posent deux questions : les modalités d’organisation interne d’une entreprise pour satisfaire à un système de management de la qualité relèvent-elles du secret en matière industrielle et commerciale ? Les défauts relevés dans le cadre d’un audit du système de management de la qualité d’une entreprise constituent-ils un comportement dont la divulgation est de nature à lui porter préjudice au sens du 3° de cet article ? En ce qui concerne le secret en matière industrielle et commerciale, la commission rappelle qu’elle considère traditionnellement que ce secret comprend trois composantes : les mentions protégées par le secret des procédés, les mentions protégées par le secret des informations économiques et financières et les mentions protégées par le secret des stratégies commerciales. La commission considère que relèvent du secret des procédés, les informations qui permettent de connaître le savoir-faire, les techniques de fabrication telles que la description des matériels ou logiciels utilisés et du personnel employé ou le contenu des activités de recherche-développement des entreprises, ainsi que la certification de système qualité et les certificats de qualification, les modalités de prise en compte des contraintes environnementales autres que celles qui sont relatives à des émissions dans l’environnement et les informations relatives au dimensionnement ou au choix technologiques. En l’espèce, l’ASN a considéré que ne relevait pas du secret en matière industrielle et commerciale, l’organisation interne de l’entreprise destinée à satisfaire aux exigences relatives au système de management de la qualité à laquelle elle se soumet, cette norme constituant par ailleurs un standard dans le secteur du nucléaire. La commission considère toutefois que l’organisation mise en place par une entreprise ne peut, en elle-même au motif qu’elle répond à une norme à laquelle se soumet l’entreprise, échapper au secret des procédés voire au secret de la stratégie industrielle et commerciale de l’entreprise et qu’il appartient à l’ASN d’identifier et d’apprécier les éléments du rapport d’audit qui révéleraient une stratégie originale ou des moyens particuliers mis en œuvre par X pour satisfaire aux exigences relatives au système de management de la qualité. En ce qui concerne la divulgation d’un comportement susceptible de porter préjudice à son auteur, la commission relève que l’ASN n’a pas examiné la demande de communication dont elle a été saisie au regard des dispositions du 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. La commission rappelle qu’elle considère depuis un conseil n° 20131874 du 25 avril 2013 et un avis n° 20131530 du 4 juillet 2013 que le troisième tiret du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, désormais codifié au 3° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, vise les personnes morales aussi bien que les personnes physiques. La commission considère que la divulgation des mentions d’un rapport d’audit émanant d’un expert mondialement reconnu, sur le système de management de la qualité faisant suite à des dysfonctionnements, qui révèle des défauts de ce processus, et qui exprime des appréciations critiques au sujet du fonctionnement de l’entreprise auditée, est susceptible de porter préjudice à celle-ci, en particulier dans le mesure où de telles mentions peuvent être exploitées par ses concurrents au plan international. Elle invite en conséquence l’ASN à s’interroger sur la nécessité d’occulter certaines mentions du rapport d’audit qui seraient de nature à porter préjudice à X dans le contexte de concurrence internationale dans lequel l’entreprise évolue, après avoir apprécié l’intérêt de leur communication au regard de la mission de transparence à laquelle elle participe dans son domaine de compétence en application des dispositions de l’article L592-1 du code de l’environnement, ainsi que le prévoit le I de l’article L124-4 du code de l’environnement. La commission émet dès lors un avis favorable à la communication du rapport sollicité, dans le respect des principes et sous les réserves qui viennent d’être énoncés, et précise que les mentions d’ores et déjà rendues publiques par X n’ont pas à être occultées, non plus que celles qui en elle-même ne relèvent d’aucun secret protégé par les dispositions du code des relations entre le public et l’administration comme, par exemple, le sommaire du rapport, la liste des points ayant fait l’objet de l’audit et les personnes entendues dans ce cadre.