Avis 20154172 Séance du 19/11/2015
Communication du dossier n° 2014-256P correspondant à une réclamation déontologique formée par son client.
Maître X, X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 25 août 2015, à la suite du refus opposé par le secrétaire général du conseil supérieur de la magistrature (CSM) à sa demande de communication du dossier n° 2014-256P correspondant à une réclamation déontologique formée par son client.
En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président de la commission d'admission des requêtes compétente à l'égard des magistrats du parquet a informé la commission que le dossier sollicité correspondait à une plainte dont Monsieur X avait saisi le Conseil supérieur de la magistrature le 18 novembre 2014 à l'encontre d'un avocat général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence et que la commission d'admission des requêtes avait rejetée par décision du 1er avril 2015.
La commission d'accès aux documents administratifs rappelle qu'en vertu de l'article 65 de la Constitution et de l'article 48 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut des magistrats, le pouvoir disciplinaire est exercé à l'égard des magistrats du siège par la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, siégeant comme conseil de discipline, tandis qu'il est exercé à l'égard des magistrats du parquet par le garde des sceaux, ministre de la justice, après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet.
Lorsque le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, est appelé à connaître de l'éventualité d'infliger une sanction disciplinaire, il ne dispose d'aucun pouvoir de décision et se borne à émettre un avis à l'autorité compétente sur le principe du prononcé d'une sanction disciplinaire et, s'il y a lieu, sur son quantum, et ne revêt donc pas, dans ce cadre, le caractère d'une juridiction, même au sens de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Conseil d'État, 18 octobre 2000, Terrail, n° 208168, p. 430 ; 27 mai 2009, Hontang, n° 310493, p. 207).
La commission en déduit que les documents produits ou reçus par le Conseil supérieur de la magistrature à propos d'une plainte disciplinaire dirigée contre un magistrat du parquet, qui ne se rattachent pas à une procédure juridictionnelle, revêtent un caractère administratif au sens de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978. Ainsi en va-t-il notamment du dossier constitué pour l'examen de la plainte dont un justiciable peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature à l'encontre d'un magistrat du parquet, sur le fondement de l'avant-dernier alinéa de l'article 65 de la Constitution et du troisième alinéa de l'article 63 de l'ordonnance du 22 décembre 1958.
Ce dernier article prévoit que la commission d'admission des requêtes recueille les observations du procureur général près la cour d'appel ou du procureur de la République près le tribunal supérieur d'appel dont dépend le magistrat, ainsi que, par son intermédiaire, celles de ce magistrat, et peut entendre le magistrat et le justiciable qui a saisi le Conseil supérieur de la magistrature. Elle décide ensuite soit de renvoyer la plainte à la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet, soit de la rejeter. Selon le seizième alinéa de l'article 63 de l'ordonnance du 22 décembre 1958, le magistrat visé par la plainte, le justiciable, le chef de cour et le garde des sceaux, ministre de la justice, sont avisés du rejet de la plainte ou de l'engagement de la procédure disciplinaire.
Le président de la commission d'admission des requêtes a fait valoir qu'en l'absence de toute autre communication prévue par ces dispositions organiques, ce dossier n'était pas communicable.
La commission considère toutefois que s'il résulte de l'article 65 de la Constitution que le pouvoir constituant a réservé au législateur organique la détermination des conditions dans lesquelles un justiciable peut saisir le Conseil supérieur de la magistrature d'une demande de sanction à l'égard d'un magistrat, ne relève pas des modalités d'application de cet article, ni, par conséquent, de la loi organique, la détermination du régime de communication des documents produits ou reçus par le Conseil supérieur de la magistrature dans le cadre de l'examen de la plainte dirigée contre un magistrat du parquet (rappr. Conseil d'État, Assemblée, 27 mars 2015, Commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques c/ Mme Mathieu et société éditrice de Mediapart, n° 382083).
Cependant, la commission estime que le dossier établi pour l'examen d'une plainte dirigée contre un magistrat, qui fait nécessairement apparaître, à tout le moins, des appréciations portées sur ce magistrat et son comportement dans les circonstances en cause, n'est, sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978, communicable qu'à celui-ci, en application du II de l'article 6 de cette loi.
La commission émet donc un avis défavorable à sa communication à Monsieur X et à son conseil.