Conseil 20152199 Séance du 18/06/2015

Caractère communicable des pièces médicales aux ayants droits, dans le cadre du droit à obtenir des informations concernant la santé de patients décédés, dans les situations suivantes : 1) la cousine d'une patiente décédée a fourni tous les justificatifs relatifs à sa filiation ; possède-elle la qualité d'ayant droit ; la qualité d'ayant droit se définit-elle strictement au même titre que celle d'héritier, légal ou testamentaire, et l'existence d'ayant droit direct, fait-il perdre aux héritiers indirects la qualité d'ayant droit ; en effet, l'arrêté du 3 janvier 2007 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives aux informations concernant la santé d'une personne, semble prêter à confusion, en ce qu'il dispose uniquement en son article 1 qu' "en ce qui concerne la portée de la qualité d'ayant droit, il s'agit de tous les cas des successeurs légaux, conformément au code civil" ; 2) dans le cadre d’une double demande, à la fois par la petite fille, et par le fils d’une patiente décédée (et père de la demanderesse précitée), le fils possède-t-il bien seul, la qualité d'ayant droit ; 3) dans le cadre d’une autre double demande, la première en date du 7 mai 2015 en attente du règlement, au nom de la fille d’une patiente décédée, et 10 jours plus tard par une de ses sœurs cadettes; les deux sœurs disposent-elles bien toutes deux de la qualité d'ayant droit ; par ailleurs, ce dossier médical contient des documents médicaux originaux : laquelle des deux dispose du droit de se faire remettre les originaux ; une copie de ces examens pour l'autre ayant droit doit-elle être reproduite.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 18 juin 2015 votre demande de conseil relative au caractère communicable des pièces médicales aux ayants droit, dans le cadre du droit à obtenir des informations concernant la santé de patients décédés, dans les situations suivantes : 1) la cousine d'une patiente décédée a fourni tous les justificatifs relatifs à sa filiation ; possède-elle la qualité d'ayant droit ; la qualité d'ayant droit se définit-elle strictement au même titre que celle d'héritier, légal ou testamentaire, et l'existence d'ayant droit direct, fait-il perdre aux héritiers indirects la qualité d'ayant droit ; en effet, l'arrêté du 3 janvier 2007 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives aux informations concernant la santé d'une personne, semble prêter à confusion, en ce qu'il dispose uniquement en son article 1 qu' « en ce qui concerne la portée de la qualité d'ayant droit, il s'agit de tous les cas des successeurs légaux, conformément au code civil » ; 2) dans le cadre d’une double demande, à la fois par la petite-fille, et par le fils d’une patiente décédée (et père de la demanderesse précitée), le fils possède-t-il bien seul, la qualité d'ayant droit ; 3) dans le cadre d’une autre double demande, la première en date du 7 mai 2015 en attente du règlement, au nom de la fille d’une patiente décédée, et 10 jours plus tard par une de ses sœurs cadettes ; les deux sœurs disposent-elles bien toutes deux de la qualité d'ayant droit ; par ailleurs, ce dossier médical contient des documents médicaux originaux : laquelle des deux dispose du droit de se faire remettre les originaux ; une copie de ces examens pour l'autre ayant droit doit-elle être reproduite. La commission relève que le dernier alinéa de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. La commission précise que le Conseil d’État, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins, n° 270234, a interprété les dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser l'accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l'objectif qu'ils poursuivent. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué. En outre, la commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. La commission considère que les personnes bénéficiant de la qualité d’ayants droit du défunt au sens de ces dispositions sont les mêmes que celles qui présentent la qualité d’héritier ayant, par application des règles générales du code civil en matière de successions et de libéralités, une vocation universelle ou à titre universel à la succession du patient décédé. 1. Il s’agit, dès lors, en premier lieu, des successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. A cet égard, la commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ». En vertu de l’article 744, à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré, au sein d’une même ligne, exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose enfin qu’en l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession. En application de ces règles, la commission estime que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt ou leurs descendants, ou, en l’absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d’ayant droit pour l’application de l’article L1110-4 du code de la santé publique. La présence du conjoint successible prive en revanche de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers. 2. Il s’agit également, en second lieu, des légataires universels ou à titre universel du patient décédé, désignés par testament. En effet, l’existence d’héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d’héritiers testamentaires, de même que l’institution de ces derniers n’exclut pas par principe les héritiers légaux de la succession. En outre, dès lors que les articles 913 et 913-1 du code civil confèrent à l’enfant du défunt ou, s’il est décédé avant celui-ci, à ses propres descendants, la qualité d’héritiers réservataires, l’enfant ou, en cas de prédécès de ce dernier, ses descendants, ont toujours la qualité d’ayant droit du patient décédé pour l’application de l’article L1110-4 du code de la santé publique, quelles que soient les dispositions successorales prises par ailleurs par le défunt. Pour les successions ouvertes conformément à l’état actuel des règles du code civil, c’est le conjoint survivant non divorcé qui, à défaut de descendants du défunt, bénéficie de la qualité d’héritier réservataire, en vertu de l’article 914-1 du code civil. Par conséquent, le conjoint survivant non divorcé présente lui aussi toujours la qualité d’ayant droit, sauf s’il en a été privé par testament (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2008, n° 07-13438 bull. 2008, I, n° 186), ce que la loi ne permet qu’en présence de descendants du défunt. La commission rappelle enfin que l’article 730 du code civil dispose que la qualité d’héritier s’établit par tous moyens. Par suite, elle estime que la qualité d’ayant droit peut elle-même s’établir par tous moyens pour l’application de l’article L1110-4 du code de la santé publique. S’agissant des enfants du patient décédé, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ont toujours cette qualité, la production d’une copie d’acte de naissance ou du livret de famille est suffisante. En ce qui concerne les autres ayants droit, il revient à l’autorité qui détient le dossier du patient d’apprécier la nécessité de pièces complémentaires. Dans les situations les plus complexes ou les plus incertaines, un acte de notoriété établi par notaire conformément aux articles 730-1 à 730-5 du code civil lui permettra de s’assurer de la qualité du demandeur. La commission déduit de l’ensemble de ces considérations : - que la cousine d'une patiente ne peut obtenir communication du dossier d'une personne décédée, dans les conditions prévues à l’article L1110-4 du code de la santé publique, que si elle établit sa qualité d'ayant droit, ce qui ne saurait être le cas qu’en présence de dispositions testamentaires qui l’ait instituée héritière, ou, à défaut, en l'absence de conjoint successible du défunt et d'ayant droit mentionnés aux alinéas 1, 2 et 3 de l'article 734 du code civil ; - que dans le cas de deux demandes émanant du fils et de la petite-fille d'une personne décédée - celle-ci étant la fille du premier demandeur -, seul le fils peut se prévaloir de la qualité d'ayant droit de la défunte, dès lors que sa fille ne disposera le cas échéant de cette qualité qu'au décès de son père, en vertu de l’article 744 du code civil ; - qu'enfin, dans le cas de demandes émanant de la fille d'une patiente décédée et de l'une de ses sœurs, seule la première dispose de la qualité d'ayant droit, en application du principe d'exclusion prévu par l'article 734 du code civil. Les sœurs de la défunte ne disposent donc pas, compte tenu de l'existence d'au moins un héritier direct, de cette qualité, sauf à justifier de la qualité de légataire universelle testamentaire. La commission indique enfin qu’elle n’est pas compétente pour se prononcer sur le droit à restitution de documents originaux.