Conseil 20143783 Séance du 30/10/2014
1) caractère communicable, au conseil d'une société candidate à différents marchés publics de la collectivité territoriale, des documents suivants concernant 26 marchés de travaux d'enrobés pour lesquels sa cliente s'est portée candidate, sachant que leur communication lui permettra d'obtenir une information complète sur les prix pratiqués localement dans ce domaine d'activité :
a) les actes d'engagement ;
b) les rapports d'analyse des offres établis par la commission d'appel d'offres ;
c) les lettres de notification aux attributaires ;
d) les offres de prix globales ou la décomposition des prix globaux forfaitaires ;
2) possibilité de déclarer cette demande comme abusive au regard du nombre de documents demandés ?
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 30 octobre 2014 votre demande de conseil relative :
1) au caractère communicable, au conseil d'une société candidate à différents marchés publics de la collectivité territoriale, des documents suivants concernant 26 marchés de travaux d'enrobés pour lesquels sa cliente s'est portée candidate, sachant que leur communication lui permettra d'obtenir une information complète sur les prix pratiqués localement dans ce domaine d'activité :
a) les actes d'engagement ;
b) les rapports d'analyse des offres établis par la commission d'appel d'offres ;
c) les lettres de notification aux attributaires ;
d) les offres de prix globales ou la décomposition des prix globaux forfaitaires ;
2) à la possibilité de déclarer cette demande abusive au regard du nombre de documents demandés.
1) La commission rappelle qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s'y rapportent sont considérés comme des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par la loi du 17 juillet 1978. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents.
Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret en matière industrielle et commerciale, protégé par les dispositions du II de l'article 6 de cette loi. Sont notamment visées par cette réserve les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics.
L'examen des offres des entreprises au regard du respect de ce secret conduit la commission à considérer que, sous réserve des particularités propres à chaque marché :
- l'offre de prix détaillée de l'entreprise retenue est en principe communicable dans la mesure où elle fait partie intégrante du marché ou du contrat.
- l'offre de prix globale des entreprises non retenues est, en principe, elle aussi communicable. En revanche, le détail technique et financier de leurs offres n'est pas communicable. De plus, doivent être occultées dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers de ces offres.
La commission précise que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables.
Au titre de la spécificité de certains marchés, la commission considère cependant qu'il y a lieu de tenir compte du mode de passation du marché ou contrat, de sa nature et de son mode d'exécution. Ainsi, doivent par exemple faire l'objet d'un examen particulier les demandes d'accès aux documents relatifs à des marchés qui s'inscrivent dans une suite répétitive de marchés portant sur une même catégorie de biens ou services et pour lesquels une communication du détail de l'offre de prix de l'entreprise attributaire à une entreprise concurrente serait susceptible de porter atteinte à la concurrence lors du renouvellement de ce marché, ou lors de la passation par la même collectivité publique, dans un délai rapproché, de marchés portant sur des prestations ou des biens analogues.
La commission rappelle à cet égard qu'aux termes de l'article 16 du code des marchés publics : « [...] la durée d'un marché ainsi que, le cas échéant, le nombre de ses reconductions, sont fixés en tenant compte de la nature des prestations et de la nécessité d'une remise en concurrence périodique./ Un marché peut prévoir une ou plusieurs reconductions à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte la durée totale du marché, périodes de reconduction comprises./ Le pouvoir adjudicateur prend par écrit la décision de reconduire ou non le marché. Le titulaire du marché ne peut refuser sa reconduction sauf stipulation contraire prévue dans le marché ». La reconduction du marché ne donne pas lieu à une nouvelle mise en concurrence.
La commission en déduit que, pour apprécier si un marché s'inscrit dans une suite répétitive de marchés et si, ce faisant, la communication des documents y afférents porterait atteinte au secret en matière industrielle et commerciale, il y a lieu de retenir, notamment, la durée totale du marché, périodes de reconduction comprises, en réservant toutefois le cas où l’autorité adjudicatrice envisagerait sérieusement de ne pas reconduire le marché en cause. La commission estime que cette réserve ne se limite pas au renouvellement du marché sur lequel porte la demande, mais s’étend à l’ensemble des marchés portant sur des prestations analogues passés ou susceptibles de l’être à brève échéance. Il convient toutefois d’apprécier le caractère « analogue » des prestations soumises à appel d’offres de manière restrictive, afin de ne pas priver les demandeurs du droit d’accès que leur garantit la loi du 17 juillet 1978.
En l'espèce, la commission ignore à quelles dates et pour quelle durée ont été conclus les marchés en cause. Elle observe en outre que, si ces marchés portent sur des prestations qui intéressent de nombreuses collectivités publiques, il ne ressort pas des informations transmises que votre collectivité, ni, a fortiori, qu'une autre collectivité de taille comparable envisagerait de passer un marché analogue de manière imminente en Corse. La commission considère par conséquent, en l'état des informations dont elle dispose, que les documents sollicités sont communicables après occultation des mentions couvertes par le secret en matière commerciale et industrielle.
S'il s'avérait que des marchés analogues sont susceptibles d'être conclus par votre collectivité ou une collectivité de taille comparable dans un délai modéré après la conclusion des marchés sollicités, le détail des prix de ces marchés devrait être retiré des documents communiqués.
2) La commission estime qu'une demande peut être considérée comme abusive lorsqu'elle vise, de façon délibérée, à perturber le fonctionnement d'une administration. Tel peut être le cas des demandes récurrentes, portant sur un volume important de documents traitant, le cas échéant, de la même affaire, des demandes que le service sollicité est manifestement dans l'incapacité matérielle de traiter, ou encore des demandes portant sur des documents auquel le demandeur a déjà eu accès. La commission fonde également son appréciation sur les éléments portés à sa connaissance par le demandeur et l'administration quant au contexte dans lequel s'inscrit la demande et aux motivations qui la sous-tendent.
En l'espèce, il ne lui est pas apparu, compte tenu de la nature des documents demandés, du destinataire de la demande et des éléments portés à sa connaissance, que cette demande présenterait un caractère abusif.
La commission précise que, lorsqu'une demande porte sur un nombre ou un volume important de documents, l'administration est fondée à étaler dans le temps la réalisation des photocopies afin que l’exercice du droit d’accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Les frais de reproduction et d’envoi peuvent être facturés dans le respect des textes en vigueur (décret du 30 décembre 2005 et arrêté du 1er octobre 2001), mais non le coût correspondant au surcroît de travail occasionné par la demande. Le paiement de ces frais, dont le demandeur doit être informé, peut être exigé préalablement à la remise des copies.