Conseil 20134309 Séance du 05/12/2013

Caractère communicable à un membre de la famille du rapport de contrôle définitif établi à la suite d’un accident de chirurgie digestive ayant conduit au décès d’une patiente sachant que ce rapport relève des défaillances importantes de comportements professionnels et d'organisation de service.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 07 novembre 2013 votre demande de conseil relative au caractère communicable à un membre de la famille du rapport de contrôle définitif sur les conditions d'organisation et de fonctionnement d'un établissement de santé privé, établi à la suite d’un accident de chirurgie digestive ayant conduit au décès d’une patiente. La commission, qui a pu prendre connaissance du rapport en cause, rappelle qu'un document préparatoire est exclu du droit d'accès prévu par la loi du 17 juillet 1978 aussi longtemps que la décision administrative qu'il prépare n'est pas intervenue ou que l'administration n'y a pas manifestement renoncé, à l'expiration d'un délai raisonnable. La commission précise qu'un rapport de contrôle ne peut revêtir un caractère préparatoire au sens de l'article 2 de cette loi que s'il est destiné à éclairer l'autorité administrative en vue de prendre une décision administrative déterminée et que cette décision n’est pas encore intervenue, ou que l’autorité administrative n’a pas manifestement renoncé à la prendre. Au cas présent, vous ne précisez pas s'il est prévu de prendre des mesures sur la base de ce rapport qui révèle des dysfonctionnements au sein de l'établissement de santé privé ayant fait l'objet du contrôle. Si tel est le cas, ce document présente un caractère préparatoire qui fait obstacle à sa communication, jusqu'à ce que ces mesures soient prises ou jusqu'à ce qu'un délai raisonnable se soit écoulé, que la commission estime en l'espèce ne pas devoir excéder une année à compter de la remise du rapport à son commanditaire. Si ce rapport ne présente pas un caractère préparatoire, il constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande sur le fondement de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, après occultation des mentions couvertes par le secret médical et le secret de la vie privée et des mentions portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique identifiable ou faisant apparaître le comportement d'une personne dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, par application du II de l'article 6 de la même loi. En particulier, les parties du rapport qui imputent des erreurs ou dysfonctionnements à des professionnels nommément désignés ou aisément identifiables doivent être occultées. Il s'agit notamment des parties du rapport intitulées "b) Une coopération inorganisée entre les opérateurs et les acteurs de soins" (p. 13), "les comportements professionnels en cause" (p. 20 à 23), "la collégialité de la décision médicale en question" (p. 24), "des transmissions inopérantes venant aggraver l'absence de concertation formalisée "chirurgien-anesthésiste" (p. 24), l"exemple de l'information du 01/01/2012 sur la pose de la sonde gastrique" (p. 26), "une faible implication des médecins dans la politique de gestion des risques" (p. 27). Il convient en outre de biffer les noms et prénoms des professionnels auditionnés (p. 7) ainsi que ceux du chirurgien qui a opéré la défunte, qui apparaissent à plusieurs reprises dans le document et notamment dans les observations de l'établissement de santé (par ex. observations sur la page 14 du rapport et courrier du 4 janvier 2013 de l'établissement, en fin de rapport). En ce qui concerne les informations médicales relatives à la patiente décédée contenues dans le rapport, notamment dans la partie "chronologie de l'accident" et dans les annexes n° 3, n° 4 et n° 7 (p. 69, notamment), la commission rappelle que le dernier alinéa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L. 1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, défendre la mémoire du défunt ou faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué. La commission estime que, par cette disposition, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille ou les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans le cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille ou les proches peuvent obtenir communication des informations médicales. Doivent, à cet égard, être regardés comme des ayants droit au sens de ces dispositions, les successeurs légaux et testamentaires du défunt. En ce qui concerne la notion d’ayant droit, la commission considère que sont ainsi visés, en premier lieu, les successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du Code civil, comme l’a rappelé l’arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l’arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l’accès aux informations concernant la santé d’une personne. La commission rappelle que l’article 734 de ce code prévoit qu’en l’absence de conjoint successible, " les parents sont appelés à succéder ainsi qu’il suit :/ 1° Les enfants et leurs descendants ;/ 2° Les père et mère ; les frères et soeurs et les descendants de ces derniers ;/ 3° Les ascendants autres que les père et mère ;/ 4° Les collatéraux autres que les frères et soeurs et les descendants de ces derniers./ Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d’héritiers qui exclut les suivants ". En application des articles 756 à 757-3, le conjoint successible est lui-même appelé à la succession, soit seul, en l'absence de descendants du défunt et de ses père et mère ainsi que de biens reçus de ses ascendants et subsistant en nature dans la succession, soit en concours avec les enfants et descendants du défunt, son père, sa mère ou ses frères et soeurs et leurs descendants. La commission considère que doivent être regardés en second lieu comme des ayants droit au sens et pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, les successeurs testamentaires du défunt. La commission estime par conséquent que les informations médicales en cause ne seront pas communicables à la soeur de la défunte aussi longtemps que cette dernière n’aura pas établi sa qualité d’ayant droit et ne justifiera pas du motif de sa demande, et sous réserve que la défunte n'ait pas manifesté de son vivant son opposition à une telle communication.