Conseil 20093465 Séance du 05/11/2009

- modalités pratiques de mise à disposition du public du rapport définitif de sûreté relatif à la centrale nucléaire du Blayais, dans le cadre d'une enquête publique liée à une procédure d'autorisation de modification notable de cette installation.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 5 novembre 2009 votre demande de conseil relative au caractère communicable du rapport définitif de sûreté relatif à la centrale nucléaire du Blayais et aux modalités pratiques de mise à disposition du public de ce rapport dans le cadre d'une enquête publique liée à une procédure d'autorisation de modification notable de cette installation. I.Analyse de l’objet de la demande La commission constate que le rapport qui fait l’objet de votre demande de conseil s’inscrit dans le cadre d’une procédure d’autorisation que vous avez sollicitée auprès des ministres chargés de la sûreté nucléaire en vue d’introduire du combustible enrichi en oxyde de plutonium (« MOX ») au sein des réacteurs 3 et 4 du Centre nucléaire de production d’électricité du Blayais. Cette procédure, régie par le décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives, prévoit la fourniture, par l’exploitant, d’un dossier, comprenant un rapport de sûreté (rapport préliminaire de sûreté mentionné à l’article 10 du décret ou – pendant la période transitoire prévue à l’article 70 de ce décret - rapport définitif de sûreté prévu au III de l’article 4 du décret du 11 décembre 1963), qui expose les dangers que peut présenter l’installation en cas d’accident d’origine interne ou externe (y compris s’il s’agit d’un acte de malveillance), l’impact de tels accidents et les dispositions envisagées pour les prévenir. Le dernier alinéa du I de l’article 8 du décret du 2 novembre 2007 permet toutefois à l’exploitant de fournir « sous la forme d'un dossier séparé les éléments dont il estime que la divulgation serait de nature à porter atteinte à des intérêts visés au I de l'article L. 124-4 du code de l'environnement ». L’article 12 du même décret prévoit en outre que les ministres chargés de la sûreté nucléaire peuvent, avant de transmettre le dossier au préfet compétent en vue de l’organisation de l’enquête publique, exclure du dossier à transmettre les éléments dont ils considèrent que la divulgation serait de nature à porter atteinte à ces mêmes intérêts. Enfin, l’article 13 du même décret prévoit que le dossier ainsi transmis est soumis à enquête publique, à l’exclusion du rapport de sûreté. Toutefois, le rapport de sûreté « peut être consulté par le public pendant toute la durée de l'enquête publique selon les modalités fixées par l'arrêté organisant l'enquête ». II.Sur la compétence de la commission La commission relève qu’EDF, en tant qu’exploitant d’installations nucléaires de base, est soumis aux dispositions des articles L. 124-1 et suivants du code de l’environnement, en vertu de l’article 19 de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, pour ce qui concerne les informations sur les risques liés à l’exposition aux rayonnements ionisants pouvant résulter de cette activité et sur les mesures de sûreté et de radioprotection prises pour prévenir ou réduire ces risques ou expositions. Elle estime que tel est le cas du rapport de sûreté en cause. Par suite, EDF peut régulièrement adresser à la commission une demande de conseil portant sur le caractère communicable de ce rapport au regard de ces dispositions. La commission constate en revanche qu’elle n’a pas reçu compétence pour interpréter les dispositions du décret du 2 novembre 2007, notamment pour porter une appréciation sur le contenu du document, sa régularité au regard des prescriptions de ce décret, ou encore l’articulation entre les occultations prévues aux articles 8 et 12 avec les modalités de consultation du rapport de sûreté fixées par l’arrêté organisant l’enquête publique en vertu de l’article 13. Le présent conseil sera donc limité à l’application des articles L. 124-1 et suivants du code de l’environnement au rapport de sûreté. III.Sur le cadre juridique applicable La commission constate que le rapport de sûreté en cause est un document administratif comportant des informations relatives à l’environnement au sens de l’article L. 124-2 du code de l’environnement. La commission rappelle qu’en vertu du I de l’article L. 124-4 de ce code, la communication d’informations relatives à l’environnement peut être refusée par l’autorité qui les détient, après avoir apprécié l’intérêt que présenterait la divulgation, lorsque celle-ci porterait atteinte aux intérêts mentionnés à l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, à l’exclusion de ceux visés aux sixième et dernier alinéas du 2° du I de cet article, à la protection de l'environnement auquel elles se rapportent, aux intérêts de la personne physique ayant fourni, sans y être contrainte par une disposition législative ou réglementaire ou par un acte d'une autorité administrative ou juridictionnelle, ces informations sans consentir à sa divulgation ou à la protection des renseignements prévue par l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. La commission estime toutefois, nonobstant d’ailleurs les termes du décret du 2 novembre 2007, qui n’évoquent que le I de cet article L. 124-4, que les occultations susceptibles d’être opérées au sein du rapport de sûreté ne doivent pas méconnaître les dispositions du II de l’article L. 124-5 du même code, interprétées à la lumière de la directive 2003/4/CE du 28 janvier 2003. Celles-ci prévoient que la communication des informations relatives à des émissions dans l’environnement ne peut être refusée que si elle porterait atteinte à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d'infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales, ou à des droits de propriété intellectuelle. En revanche, le secret en matière commerciale et industrielle ne saurait faire obstacle à la communication de telles informations. La commission considère que les rayonnements ionisants, de même que les déchets et rejets d’effluents issus des installations, constituent des émissions au sens de cet article. Elle estime par ailleurs que, eu égard à l’objet de ces dispositions, qui visent à assurer un degré élevé de transparence et à permettre au public d’apprécier si et dans quelle mesure il est ou pourrait être exposé à des émissions, la notion d’ « informations relatives à des émissions dans l’environnement » doit s’interpréter comme incluant non seulement les informations sur la nature, la quantité, la composition et le caractère nocif des émissions, mais aussi sur les risques d’émissions ainsi que sur les mesures prises pour les prévenir ou en limiter les effets. Dans la mesure où le rapport de sûreté nucléaire a précisément pour objet de présenter l’ensemble des dispositifs et mesures prises pour prévenir la survenance d’accidents dont résulteraient des émissions dans l’environnement, y compris l’environnement immédiat dans lequel travaillent les salariés, ou pour remédier aux accidents lorsqu’ils se sont produits, la commission considère que l’ensemble de ce document entre dans le champ d’application du II de l’article L. 124-5 du code de l’environnement. A ce titre, ne peuvent être occultées, au sein de ce rapport, que les informations dont la divulgation serait de nature à « faciliter les actes de malveillance », ainsi que vous l’indiquez, c’est-à-dire à porter atteinte à la sécurité publique (tels que les plans d’installation, la localisation des matériels, les repères de matériels…), ainsi que, le cas échéant, les informations couvertes par des droits de propriété intellectuelle. IV.Application au cas d’espèce Après avoir pris connaissance des extraits du rapport de sûreté que vous lui avez transmis, comportant les occultations que vous proposez d’opérer, la commission rappelle qu’il ne lui appartient pas d’indiquer précisément, au sein de documents volumineux, celles des mentions devant être occultées, mais seulement d’éclairer les autorités administratives sur les règles applicables et de se prononcer sur un nombre réduit de mentions qui soulèvent des difficultés particulières d’appréciation. En l’espèce, la commission estime que le chapitre I-4 de l’annexe 1 est intégralement communicable à toute personne qui en fait la demande. Le chapitre II-8.4 de l’annexe 2 et l’annexe 3 doivent être communiqués à toute personne sous réserve de l’occultation des mentions intéressant la sécurité publique, bien que la commission n’en ait pas identifiées, et de celles qui sont couvertes par des droits de propriété intellectuelle, ce que la commission n’est pas en mesure d’apprécier.