Avis 20215298 Séance du 04/11/2021

Communication, par courriel de préférence, ou à défaut par voie postale, à la suite de son accord donné et signé le 15 juin 2021 pour bénéficier d'une mesure d'assistance éducative d'intervention éducative à domicile (IEAD) renforcée, des trois fiches de transmission des informations préoccupantes concernant sa fille, X.
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 19 août 2021, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental du Nord à sa demande de communication, par courriel de préférence, ou à défaut par voie postale, à la suite de son accord donné et signé le 15 juin 2021 pour bénéficier d'une mesure d'assistance éducative d'intervention éducative à domicile (IEAD) renforcée, des trois fiches de transmission des informations préoccupantes concernant sa fille, X. La commission relève que les services d’aide sociale à l’enfance sont chargés de trois grandes catégories de missions (article L221-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF), en partie en lien avec le service de la protection maternelle et infantile (PMI) et le service départemental d’action sociale (article L226-1 du CASF)) : - Ils ont un rôle de sensibilisation et d’information des personnes pouvant être concernées par des mineurs en danger ou en risque de l’être. Le président du conseil départemental est chargé de la centralisation de toutes les informations préoccupantes relatives à la situation d’un mineur au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). L’information transmise doit permettre l’évaluation de la situation du mineur, la mise en œuvre d’éventuelles actions de protection dont lui et sa famille pourraient bénéficier, voire le signalement à l’autorité judiciaire ; - Ils développent des missions préventives auprès des mineurs et de leurs familles, soit individuelles, soit collectives (prévention spécialisée) ; - Ils pourvoient aux besoins des mineurs qui leur sont confiés, sur décision administrative ou judiciaire ou en tant que pupilles de l’État. À des fins de prévention individuelle et de protection, différentes prestations d’aide sociale à l’enfance sont précisément définies aux articles L222-1 à L222-7 du CASF. Elle rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société X, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société X, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. Elle précise sur ce point que les documents tels que les lettres de plainte ou de dénonciation ainsi que les témoignages adressés à une administration ne sont pas communicables à des tiers, y compris lorsque ceux-ci sont visés par la plainte ou la dénonciation en question, dès lors que leur auteur est identifiable. L’identification de l’auteur d’un signalement fait, en effet, apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. La commission rappelle que si les autorités judiciaires ont été saisies, il appartient dès lors à l’administration de vérifier si la communication des documents sollicités est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité. Après avoir pris connaissance de la réponse du président du conseil départemental du Nord, la commission observe que le rapport d’information préoccupante a été transmis à Madame X avec occultations conformément à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration et dans l’intérêt supérieur de l’enfant. La commission, qui n’a pu prendre connaissance du document transmis, ne peut dès lors que déclarer sans objet la demande d’avis sur ce point. L’administration a indiqué, par ailleurs, à la commission que le dossier de la fille de Madame X contenait également un document judiciaire et le recueil d’information préoccupante. La commission ne peut que se déclarer incompétente pour la communication du document judiciaire. En ce qui concerne le recueil d’information, la commission émet un avis favorable, sous les réserves précitées, en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration.