Avis 20215218 Séance du 04/11/2021

Communication, au lieu de la consultation à la maison de l'avocat proposée, des documents suivants, pour les exercices 2019 et 2020 : 1) les comptes de résultat comptables de l'ordre ; 2) le rapport de présentation des comptes de l'ordre ; 3) les pièces comptables relatives aux dépenses de l'ordre.
Maître X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 11 août 2021, à la suite du refus opposé par le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice à sa demande de communication, au lieu de la consultation à la maison de l'avocat proposée, des documents suivants, pour les exercices 2019 et 2020 : 1) les comptes de résultat comptables de l'ordre ; 2) le rapport de présentation des comptes de l'ordre ; 3) les pièces comptables relatives aux dépenses de l'ordre. I. Principe de communication : Après avoir pris connaissance des observations du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nice, la commission rappelle, d'une part, qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs, (…), quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». Elle relève ensuite qu'il résulte de l'article 17 de la loi n° 71-1130 modifiée portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques que « le conseil de l'ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l'exercice de la profession et de veiller à l'observation des devoirs des avocats ainsi qu'à la protection de leurs droits » et qu'il a notamment pour tâche « de traiter toute question intéressant l'exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ». En particulier, les conseils de l’ordre doivent notamment, édicter leur règlement intérieur, prendre les décisions individuelles d’inscription des avocats au tableau de l’ordre, selon des procédures qui distinguent le cas des ressortissants des États membres de l’Union européenne et celui des ressortissants des autres États, les décisions d’omission à ce tableau, d’autorisation d’ouverture de bureau secondaire ou de retrait de cette autorisation. Ils participent aux procédures disciplinaires en désignant leurs représentants au conseil de discipline et, dans le cas du barreau de Paris, en se constituant en conseil de discipline, ainsi qu’en pouvant prendre la décision de suspension provisoire d’un avocat qui fait l’objet de poursuites pénales ou disciplinaires ; ils créent les caisses des règlements pécuniaires des avocats (CARPA), associations dont ils approuvent les statuts et le règlement intérieur, et dont la gestion est placée sous leur responsabilité. Les bâtonniers ont des pouvoirs propres d’arbitrage des conflits entre avocats ou entre les avocats et leurs collaborateurs et salariés, de désignation ou commission d’office d’avocats au titre de l’aide juridictionnelle, et de saisine du conseil de discipline et de recours contre ses décisions. L'assemblée générale du Conseil d’État a estimé, dans un avis n° 390397 du 22 octobre 2015, qu'au sein de ces différentes missions, se rattachent à l'organisation du service public de la justice et relèvent d'un service public administratif les catégories d’activités ou d’actes suivantes, en ce qu’elles n’en sont pas détachables : les activités normatives des conseils de l’ordre (les règlements intérieurs) et de l’ordre des avocats aux conseils (en matière de formation), les décisions à caractère financier concernant les CARPA, l'aide juridictionnelle ou la formation, que prennent les barreaux ainsi que l'ensemble des décisions individuelles (ou collectives) des barreaux liées à l'accès et à l’exercice de la profession. La commission précise, d'autre part, que s’agissant des documents détenus par un organisme privé chargé d'une mission de service public, seuls ceux qui présentent un lien suffisamment direct avec la mission de service public constituent des documents administratifs communicables en vertu de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve des dispositions de l'article L311-6 de ce code. Ainsi que l’a jugé le Conseil d’État (CE, n° 289389, 6 octobre 2008 ; CE, n° 435595, 440320, Fédération française de karaté et disciplines associées, 13 avril 2021), les comptes de ces organismes qui retracent les conditions dans lesquelles ceux-ci exercent les missions de service public qui sont les leurs, présentent dans leur ensemble, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs. Au nombre de ces documents comptables figurent des livres journaux, balances comptables, bilans et comptes de résultats. Les pièces comptables qui se rapportent aux dépenses de l'organisme ne constituent quant à elles des documents administratifs que si et dans la mesure où les opérations qu'elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public. En application de ces principes, la commission estime que les documents mentionnés aux points 1) et 2) de la demande, qui permettent de retracer les conditions dans lesquelles l’ordre exerce la mission de service public qui lui a été confiée, présentent, par leur nature et leur objet, le caractère de documents administratifs communicables à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission émet un avis favorable à la demande sur ces points. Les pièces comptables mentionnées au point 3) de la demandent ne sont, quant à elles, communicables au demandeur que si et dans la mesure où les opérations qu'elles retracent présentent elles-mêmes un lien suffisamment direct avec la mission de service public. La commission émet, dans cette mesure et sous cette réserve, un avis favorable sur ce point. II. Modalités de communication : La commission rappelle qu'en vertu de l'article L311-9 du code des relations entre le public et l’administration, l'accès aux documents administratifs s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique, soit, sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document, par la délivrance d'une copie sur un support identique à celui utilisé par l'administration ou compatible avec celui-ci et aux frais du demandeur. La commission souligne également qu'en application de l'article R311-11 du code des relations entre le public et l’administration, les frais correspondant au coût de reproduction des documents et, le cas échéant, d'envoi de ceux-ci peuvent être mis à la charge du demandeur. Ces frais sont calculés conformément aux articles 2 et 3 de l'arrêté conjoint du Premier ministre et du ministre du budget du 1er octobre 2001. L'intéressé doit être avisé du montant total des frais à acquitter, dont le paiement préalable peut être exigé. Par ailleurs, si l’administration ne dispose pas des moyens de reproduction nécessaires pour satisfaire une demande de communication portant sur un volume important de documents, elle peut faire établir un devis auprès d’un prestataire de service extérieur. Il lui appartiendra alors d'adresser le devis de ce dernier au demandeur pour qu'il y donne suite, s'il y a lieu. Elle souligne, enfin, que si le volume des documents demandés ne peut, par lui-même, justifier légalement un refus de communication, l’administration est en revanche fondée, dans ce cas, à aménager les modalités de communication afin que l'exercice du droit d'accès reste compatible avec le bon fonctionnement de ses services. Si la demande porte sur une copie de documents volumineux qu’elle n’est pas en mesure de reproduire aisément compte tenu de ses contraintes matérielles, l'administration peut notamment convenir avec le demandeur d’un échéancier de communication compatible avec le bon fonctionnement des services. En l'espèce, la commission émet donc un avis favorable à la communication d'une copie des documents sollicités au demandeur, selon les modalités précédemment rappelées.