Conseil 20213454 Séance du 08/07/2021

Caractère communicable des enregistrements de demandes de secours reçues par les sapeurs-pompiers pour l'extinction d'un incendie, notamment : 1) à un expert judiciaire ; 2) au regard de l'avis 20192761, lorsque l’établissement est en mesure de procéder à des occultations sur les bandes d'enregistrement, en particulier l'identité de l'appelant et la modification de sa voix, conformément aux dispositions des articles L311-6 et L311-7 du CRPA, la question de recueillir l’accord écrit de la personne intéressée, préalablement à la communication dudit document déjà occulté se pose ; 3) sur un plan strictement juridique, est-ce que les occultations à opérer doivent diverger selon que le requérant est concerné au titre de sa vie privée ou professionnelle (hors service départemental d'incendie et de secours) ? 4) sur la définition de la personne intéressée par l'enregistrement, peut-elle varier, selon que la demande relève d'autres dispositions que celles prévues à l'article L300-1 du CRPA (art. L342-2 du CRPA) sachant que dans un des conseils du 5 octobre 2017 (n°20174234) relatif à un accident s'inscrivant dans le champ d'application du code de la santé publique, il est mentionné que la personne intéressée pouvait être l'appelant témoin ou la victime ?
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, lors de sa séance du 8 juillet 2021, votre demande de conseil relative au caractère communicable, à un expert judiciaire, des enregistrements de demandes de secours reçues par les sapeurs-pompiers pour l'extinction d'un incendie. Vous vous demandez par ailleurs si ces enregistrements doivent faire l’objet d’occultations, en particulier de l'identité de l'appelant, ainsi que de modifications de sa voix, et s’il est nécessaire au préalable de recueillir l’accord écrit de la personne intéressée. Vous vous interrogez aussi sur la question de savoir si les occultations à opérer sont les mêmes selon qu’il s’agit d’un « appelant sollicitant l’intervention des secours avec son téléphone professionnel » ou un tiers au service et enfin, si la qualité de personne intéressée peut concerner tant le témoin que la victime. Sur la communication à l’expert judiciaire : Aux termes de l’article 156 du code de procédure pénale : « Toute juridiction d'instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d'ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d'office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise. Le ministère public ou la partie qui demande une expertise peut préciser dans sa demande les questions qu'il voudrait voir poser à l'expert.(… ) ». Aux termes de l’article 158 du même code : « La mission des experts qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre technique est précisée dans la décision qui ordonne l'expertise. » Aux termes de l’article 165 de ce code : « Au cours de l'expertise, les parties peuvent demander à la juridiction qui l'a ordonnée qu'il soit prescrit aux experts d'effectuer certaines recherches ou d'entendre toute personne nommément désignée qui serait susceptible de leur fournir des renseignements d'ordre technique. ». La commission vous précise que la communication de documents à un expert dans le cadre d'une procédure engagée devant une juridiction s'effectue sur le fondement de dispositions particulières, résultant du code de procédure civile, du code de procédure pénale ou du code de justice administrative, avec lesquelles le livre III du code des relations entre le public et l'administration ne saurait interférer. La commission n'a pas reçu compétence pour interpréter ces textes particuliers et elle ne peut donc se prononcer sur la communicabilité des enregistrements sonores à l’expert judiciaire. La commission ne peut, donc, que vous rappeler que les dispositions de ce code, qui permettent de déterminer si un document administratif est ou non communicable, ne sont pas applicables en l'espèce. En ce qui concerne la communication des enregistrements sonores sur le fondement du code des relations entre le public et l’administration : La commission vous rappelle, tout d'abord, que les enregistrements sonores des communications téléphoniques passées entre un service de secours et un appelant et au sein d’un service de secours dans le cadre de la mission de lutte contre l’incendie et de secours constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, soumis au droit d'accès garanti par l'article L311-1 de ce code. Ont notamment la qualité de personne intéressée, la personne ayant signalé le fait à l'origine de l'intervention, les personnes secourues et leurs ayants-droits, les propriétaires et occupants de l'immeuble dans lequel l'intervention a eu lieu, ainsi que l'employeur de la personne secourue, s'il s'agit d'un accident du travail. Ainsi, un simple témoin qui ne relèverait pas des catégories précédentes n’a pas la qualité de personne intéressée au sens du titre III du code des relations entre le public et l’administration. Lorsque la communication est sollicitée par la personne qui a elle-même passé l’appel au service de secours, l’appelant, la commission estime que l'enregistrement lui est communicable en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration dans la mesure où il ne peut comporter que des informations que l’appelant a lui-même fournies. Lorsque la communication est sollicitée par la personne intéressée autre que l’appelant, en application des dispositions de l'article L311-6 de ce code, lorsque le document contient des mentions qui portent « une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable » ou font apparaître « le comportement d'une personne dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice » ou dont la communication est de nature à porter atteinte au secret de la vie privée ou au secret médical, ces informations ne sont communicables qu'à la personne intéressée. Il vous appartient donc d’occulter notamment les mentions concernant l’auteur de l’appel (son nom, et numéro de téléphone), et toute mention qui révélerait le comportement de ce dernier, ou d'un tiers, et dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. Si l’appelant est un professionnel, la commission souligne que le nom d'un agent public ne relève pas de sa vie privée. La commission estime également que vous n’êtes pas tenu de communiquer le numéro de téléphone du professionnel du SDIS ayant passé l’appel. La commission vous précise, en outre, à toutes fins utiles que ne sont communicables qu'après occultations, si vous êtes techniquement en mesure d'y procéder, les enregistrements sonores qui laisseraient apparaître de la part d'un professionnel identifié ou identifiable, un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice ou dont la divulgation de l'identité vous laisse craindre des représailles ciblées sur cette personne. Enfin, la commission estime que les enregistrements sonores d’agents publics dans le cadre de leurs fonctions ne font pas, en eux-même, obstacle à la communication de ces enregistrements, sous les réserves précitées, sans qu’il soit besoin de recueillir leur consentement ou à défaut modifier leur voix.