Avis 20212711 Séance du 27/05/2021

Communication, au format électronique, de la correspondance de Madame X avec Monsieur X, portant sur l’évaluation de l’efficacité de l’ ivermectine.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 26 avril 2021, à la suite du refus opposé par le président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale à sa demande de communication, au format électronique, de la correspondance de Madame X avec Monsieur X, portant sur l’évaluation de l’efficacité de l’ivermectine. La commission, qui a pris connaissance des observations du président-directeur général de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, rappelle que l'INSERM est un établissement public national à caractère scientifique et technologique placé sous la tutelle conjointe du ministre chargé de la recherche et du ministre chargé de la santé dont la mission, définie par le décret n° 83-975 du 10 novembre 1983, consiste notamment à développer, à son initiative ou à la demande des pouvoirs publics, tous travaux de recherche dans le champ des sciences de la vie et de la santé. La commission rappelle que les documents que l’INSERM produit ou reçoit dans le cadre de la mission de service public dont il est chargé constituent des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. Les documents échangés par les agents au sein du service, pour les besoins ou avec les moyens de ce service, sont ainsi présumés administratifs. La commission relève que l'INSERM est doté de personnels propres de recherche, agents titulaires de l’Etat régis par un statut particulier définit par le décret n° 84-1206 du 28 décembre 1984, parmi lesquels les directeurs de recherche, qui ont notamment vocation, en application de l'article 25 dudit décret, à concevoir, animer ou coordonner des activités de recherche ou de valorisation. Elle souligne, à cet égard, que le principe d’indépendance des chercheurs et des enseignants chercheurs dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche a été consacré par le Conseil Constitutionnel comme principe fondamental reconnu par les lois de la République (décision n° 83-165 DC du 20 janvier 1984, confirmée par décision 93-3225 DC du 28 juillet 1993). Ainsi que l’a relevé le Conseil Constitutionnel dans cette dernière décision : « Les enseignants-chercheurs, les enseignants et les chercheurs jouissent d'une pleine indépendance et d'une entière liberté d'expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, sous les réserves que leur imposent, (…), les principes de tolérance et d'objectivité. » La commission relève que ces principes d’indépendance et de liberté, qui s’attachent aux missions propres d’enseignement et de recherche, s'ajoutent aux droits et obligations décrits par le statut général qui s'attachent à ces agents en tant que fonctionnaires de l'État. Ils constituent la manifestation essentielle de la spécificité de leur relation à l’autorité hiérarchique, inhérente à l’activité d’enseignement et de recherche. Cette indépendance et cette entière liberté d’expression dans l'exercice de leurs fonctions d'enseignement et de leurs activités de recherche, ont été reconnues par le législateur. Ainsi, le code de la recherche définit, à son article L411-1, la mission d’intérêt national à laquelle concourent les personnels de recherche. Pour l’accomplissement de cette mission, ces personnels sont soumis à des statuts particuliers, dérogatoires au droit commun, devant garantir l'autonomie de leur démarche scientifique. L’article L411-3 du même code prévoit notamment que ces statuts doivent « favoriser la libre circulation des idées » et « permettre aux chercheurs, tout en poursuivant leurs travaux au sein des établissements publics de recherche, de collaborer, pour une période déterminée, renouvelable, avec des laboratoires publics ou privés, afin d'y développer des applications spécifiques ». En l'espèce, la commission relève que la correspondance sollicitée, en supposant qu'elle existe, ce que le président-directeur général de l'INSERM ne lui a pas confirmé, a été échangée en amont d'un article scientifique pré-publié sous la direction exclusive d'un universitaire britannique mandaté par l'organisation mondiale de la santé, à laquelle l'INSERM n'a pas été associée, ce que confirme les noms des auteurs et co-auteurs mentionnés dans cet article. La commission déduit de ces éléments qu’en supposant que Madame X, directrice de recherche de l’INSERM, ait effectivement pris part à la réflexion intellectuelle préalable ayant conduit à la rédaction de cet article, elle l’a fait sous sa seule autorité scientifique. Dans les circonstances de l’espèce, compte tenu d’une part, du caractère préparatoire de la correspondance sollicitée, échangée en amont d’un article scientifique à la rédaction duquel l’INSERM n’a pas participé, et d’autre part, de la garantie d’indépendance et de la liberté d’expression dont jouissent les personnels de recherche dans l’exercice de leurs fonctions de recherche, seules à même de garantir l’autonomie de leur démarche scientifique, la commission estime que la correspondance sollicitée ne peut être regardée comme ayant été produite ou reçue par l’INSERM dans le cadre de ses missions de service public et, par suite, ne revêt pas un caractère administratif. La commission se déclare, par suite, incompétente. Au surplus et en tout état de cause, la commission relève, à la lecture de la réponse du président-directeur général de l’INSERM que compte tenu des risques de représailles auxquels Madame X, qui a été prise à partie sur les réseaux sociaux, peut être personnellement exposée en raison de son implication dans la recherche sur la maladie Covid 19 depuis le début de l’année 2020, et des responsabilités qu’elle exerce, la divulgation de ce document serait susceptible de porter atteinte à la sécurité des personnes, au sens du d) du 2° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration.