Conseil 20211019 Séance du 15/04/2021

Caractère communicable d’un ensemble de documents détenus par l’Agence régionale de santé Ile‐de‐France (ARS) relatifs à la Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) Virginie et dont la communication leur est demandée par un avocat représentant les familles de patients accueillis dans l'établissement : 1) les déclarations d’évènements graves ou signalements reçus par les services de l’ARS ; 2) les rapports d’étape établis, les 12 août et 15 novembre 2019, et le 15 janvier 2020, par les administrateurs successifs provisoires.
La commission a examiné lors de sa séance du 15 avril 2021 votre demande de conseil relative au caractère communicable d’un ensemble de documents détenus par l’Agence régionale de santé Ile‐de‐France (ARS) relatifs à la Maison d’Accueil Spécialisée (MAS) Virginie et dont la communication leur est demandée par un avocat représentant les familles de patients accueillis dans l'établissement : 1) les déclarations d’évènements graves ou signalements reçus par les services de l’ARS ; 2) les rapports d’étape établis, les 12 août et 15 novembre 2019, et le 15 janvier 2020, par les administrateurs successifs provisoires. La commission rappelle à titre liminaire qu’elle considère, ainsi qu'elle l'a déjà fait dans son avis n° 20183002 du 25 octobre 2018 concernant un autre établissement, que la maison d’accueil spécialisée de Virginie, qui est gérée par une association et relève de la catégorie des établissements visés au 7° du I de l'article L312-1 et à l'article D312-0-2 du code de l'action sociale et des familles, doit être regardée un organisme privé chargé d’une mission de service public. Dès lors, les documents qu'elle élabore ou détient constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, si leur objet les rattache directement à l'exécution de la mission de service public qui lui a été confiée. En ce qui concerne les fiches de signalement mentionnées au point 1) : La commission rappelle, à titre liminaire, qu'en application des dispositions de l'article L311-6 de ce même code, ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents dont la communication porterait atteinte à la vie privée, portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. Elle précise que si elle considère que les dispositions du 3° de l'article L311-6 sont invocables tant par les personnes morales que par les personnes physiques (avis CADA n° 20131530 du 4 juillet 2013), elles ne sauraient l'être par une personne publique agissant dans le cadre de l'exercice de ses missions de service public pour s'opposer à la communication d'un document relatif aux conditions dans lesquelles elle exerce les missions de service public qui lui ont été confiées. La commission estime, sur ce fondement, que les documents tels que les fiches de signalement retraçant les incidents survenus dans les établissements de santé ou les établissements sociaux et médico-sociaux, dès lors que leur auteur est identifiable, ne sont pas communicables qu'au patient concerné ou au professionnel de santé ayant signalé l'incident, à l'exclusion des tiers. Elle ajoute que ces fiches sont également susceptibles de contenir des informations médicales au sens des articles L1110-4 et L1111-7 du code de la santé publique. Si elles mentionnent le nom du patient ou permettent d'identifier celui-ci, de telles informations ne sont communicables qu’aux médecins chargés du patient, à l’intéressé ou à la personne qu’il a dûment mandatée. Elle indique, par ailleurs, qu’en vertu de l'article L311-5 du même code, ne sont pas communicables les documents dont la communication porterait atteinte aux secrets protégés par la loi, au nombre desquels le secret professionnel prévu par l’article L1110-4 du code de la santé publique. La commission rappelle, ensuite, que l'obligation de signalement des structures sociales et médico-sociales est régie par les dispositions du code de l'action sociale et des familles. En application de l'article L331-8-1 de ce code , les établissements et services médico-sociaux sont en effet tenus d'informer l'autorité compétente, (conseil départemental, préfet de département ou agence régionale de santé), de « tout dysfonctionnement grave dans leur gestion ou leur organisation susceptible d'affecter la prise en charge des usagers, leur accompagnement ou le respect de leurs droits et de tout évènement ayant pour effet de menacer ou de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être physique ou moral des personnes prises en charge ou accompagnées ». La commission ajoute qu'en application de l'article R331-8 du code de l'action sociale et des familles, « cette transmission est effectuée selon un formulaire pris par un arrêté des ministres de la justice et de l'intérieur et des ministres chargés du logement, des personnes âgées, des personnes handicapées, de la protection de l'enfance et de la santé. Cet arrêté précise la nature des dysfonctionnements et événements dont les autorités administratives doivent être informées ainsi que le contenu de l'information et notamment la nature du dysfonctionnement ou de l'événement, les circonstances de sa survenue, ses conséquences, ainsi que les mesures immédiates prises et les dispositions envisagées pour y mettre fin et en éviter la reproduction. L'information transmise ne contient aucune donnée nominative et garantit par son contenu l'anonymat des personnes accueillies et du personnel. Toute information complémentaire se rattachant au dysfonctionnement ou à l'événement déclaré fait l'objet d'une transmission à l'autorité administrative dans les mêmes conditions ». Comme elle l'a fait s'agissant des fiches OSIRIS, la commission insiste sur l'importance particulière qui s'attache à l'anonymisation préalable des mentions relatives aux personnes concernées par ces déclarations de dysfonctionnement et évènements graves, qui sont transmises à l'agence régionale de santé par l'intermédiaire d'une plateforme informatique, le système informatique de veille et sécurité sanitaire, SI-VSS. Elle souligne que l'anonymisation exige de supprimer toute information permettant d’identifier directement ou indirectement soit le patient (nom, prénom, date de naissance, numéro de sécurité sociale, numéro dit NIR ou NIP attribué par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) ainsi que l’auteur du signalement ou le personnel auxiliaire associé (notamment nom, prénom, fonctions, numéro de téléphone, courriel, matricule). En outre, la commission considère que la mention simultanée de l’unité ou service compétent ainsi que de la date précise de l’évènement, plutôt, par exemple, que de la seule année de son intervention, doit être évitée, ces informations étant susceptibles d’être rapprochées avec le tableau de service ou les informations relatives aux entrées et aux présences de patients et, ainsi, d’identifier l’auteur du signalement ou le patient. Il vous incombe en conséquence, préalablement à la communication des déclarations de dysfonctionnement et évènements graves anonymisées de veiller à l'absence de mention simultanée de ces éléments. La commission précise, à toutes fins utiles, que des techniques d'anonymisation de bases de données, aux fins d'extraction par requête, sont couramment utilisées en application de l'arrêté du 22 mars 2017 relatif au référentiel de sécurité applicable au Système national des données de santé, créé par l'article 193 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, et de son guide d'accompagnement, et que, de manière générale, de telles techniques sont recensées dans l'avis 05/2014 sur les techniques d'anonymisation adopté le 10 avril 2014 par le groupe de travail dit de l'article 29 sur la protection des données personnelles. En l’espèce, vous vous interrogez plus particulièrement sur les informations des fiches de signalement contenues dans la partie « description du signal », dès lors que ces données, si elles ne peuvent pas être rattachées directement à une personne physique accueillie, permettent d’identifier aisément, le cas échéant par recoupement ou avec des informations supplémentaires, certains résidents en fonction de leur pathologie, de leur âge, de leurs comportements liés à leur état de santé ainsi que du lieu de prise en charge. Après avoir pris connaissance de la partie qui décrit précisément le motif du signalement dans les documents que vous avez transmis, la commission estime, comme vous le suggérez, que le recoupement des informations mentionnées sur ces documents est susceptible de permettre l’identification de certains résidents, en particulier s'agissant des signalements n° 311520 et 273711. Elle relève, en outre, que l’occultation des passages visant à écarter toute identification reviendrait à priver d’intérêt la communication pour la seule partie du descriptif du signalement. La commission est dès lors d’avis de ne pas communiquer la partie afférente à la description du signalement lorsque le patient serait facilement identifiable, ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de ces deux signalements. S’agissant des rapports d’étape de l’administrateur provisoire sollicités au point 2) : La commission vous rappelle que les rapports établis par les administrateurs provisoires sont des documents administratifs communicables sur le fondement de l’article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration, à condition qu’ils ne présentent plus le caractère d'un document préparatoire à une décision administrative qui ne serait pas encore intervenue. Dès lors que ces documents ne revêtent plus un caractère préparatoire, ils sont donc communicables à toute personne qui en fait la demande, sous réserve seulement de l'occultation préalable, conformément à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, des passages ou mentions dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou encore faisant apparaître le comportement d'une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. La commission estime, sous ces réserves, que les rapports d'étape sollicités sont communicables au demandeur.