Conseil 20210741 Séance du 11/02/2021

1) conformité du tableau listant les mentions apparaissant sur les bulletins de paie et les occultations à opérer au regard aux dispositions prévues à l’article L311-6 du Code des relations entre le public et l'administration avant la communication à un tiers ; 2) caractère communicable du montant de la prime Covid, de l'Intéressement, de l'Indemnisation des jours compte épargne temps, de la cotisation mutuelle ainsi que le coût charge employeur ; 3) nécessité d’effectuer les occultations nécessaires sur cinq cents bulletins de paie, concernant les agents de l’Université occupant des emplois fonctionnels ou de direction pour la période courant de 2018 à 2020, alors que la demande vise à connaître le montant de l’IFSE et que celui-ci devra être occulté avant la communication ; 4) possibilité de considérer cette demande comme abusive au regard de la charge de travail générée par les occultations .
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 11 février 2021 votre demande de conseil relative au caractère communicable des mentions des bulletins de paie des agents publics. La commission rappelle qu'elle considère que si la vie privée des fonctionnaires et agents publics doit bénéficier de la même protection que celle des autres citoyens, les fonctions et le statut de ces personnels justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en est ainsi, notamment, de la qualité d'agent public, de l'adresse administrative et, s'agissant de la rémunération, des composantes fixes de celle-ci : grade et échelon, indice de traitement, nouvelle bonification indiciaire (NBI), indemnités de sujétion. A l’inverse, elle estime que ces aménagements devant être limités à ce qui est strictement nécessaire à l’information légitime des citoyens, ne sont pas communicables sur ce fondement, la date de naissance, l’adresse privée, la situation de famille, les éléments individualisés de la rémunération liés soit à la situation familiale et personnelle de l’agent en cause (ex : supplément familial) soit à l’appréciation ou au jugement de valeur porté sur sa manière de servir (ex : primes de résultat). La synthèse que vous avez produite à l'appui de votre demande de conseil reflète les prises de position de la commission à l'égard des différentes mentions des bulletins de paie des agents publics. Cette synthèse pourrait être complétée par l'avis 20202160 du 24 septembre 2020, par lequel la commission a estimé que si la liste des personnes bénéficiaires de la prime exceptionnelle versée aux agents particulièrement mobilisés pour faire face à l'épidémie de covid-19 répondait à des considérations objectives, la modulation du montant de cette prime pouvait correspondre à des considérations liées à la personne des agents concernés et que le montant individuel ainsi attribué n’était dès lors pas communicable à des tiers en application des dispositions du 2° de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. S'agissant d'autres informations du bulletin de paye sur lesquelles elle n'a pas encore statué, la commission considère, en premier lieu, que la protection de la vie privée fait obstacle, en application des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, à la communication à des tiers du montant de la cotisation mutuelle et de l'indemnisation des jours placés sur un compte épargne temps, qui relèvent d’un choix personnel de l’agent et sont sans lien direct avec l'exercice de ses fonctions. En second lieu, elle estime que la prime d’intéressement à la performance collective des services, si elle constitue une part variable de la rémunération, n'est pas liée à la manière individuelle de servir des agents en cause dès lors qu'elle est attribuée à un service et à l'ensemble des agents qui le composent. Le montant de cette prime est donc communicable à toute personne qui en fait la demande en application des dispositions de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration sans qu'y fassent obstacle les dispositions du 2° de l'article L311-6 du même code. Enfin, la commission souligne qu'elle fait évoluer sa position, ancienne (conseils 20101148 du 29 mars 2010 et 20104024 du 14 octobre 2010), en ce qui concerne le temps de travail des agents publics et fonctionnaires et considère désormais qu'en tant qu'il se rapporte à l’exercice des fonctions publiques de l’agent, le temps de travail réglementaire, c’est-à-dire celui que l’agent doit théoriquement effectuer pour s’acquitter de ses obligations indépendamment des heures effectivement réalisées, de même que la quotité de travail, ne relèvent pas par eux-mêmes de la vie privée des agents concernés. Il en est de même du point de savoir si l’agent occupe un emploi à temps complet ou incomplet et la quotité correspondante, qui constituent des caractéristiques objectives du poste, et de la situation de temps partiel, alors même qu’elle procèderait d’un choix de la part de l’agent, dès lors que cette seule information ne révèle par elle-même aucune information mettant en cause la protection de la vie privée due à l’agent eu égard à la diversité des motifs autorisant cette situation. Seuls les horaires de travail des agents publics et le motif invoqué par l’agent à l’appui d'une demande de temps partiel demeurent ainsi protégés par la protection de sa vie privée. Il résulte de ce qui précède et de la doctrine de la commission (conseil 20164749 du 1er décembre 2016) que le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE) d'un agent n'est pas communicable à un tiers Vous vous interrogez, en dernier lieu, sur le caractère abusif de la demande qui fait peser sur l'administration une charge de travail très importante eu égard aux très nombreuses occultations à opérer et au volume des documents à traiter, de l'ordre de 500, alors que l'information précise sollicitée par le demandeur, le montant de l'IFSE, ne lui est pas communicable. La commission rappelle d'une part, que le droit à la communication des documents administratifs ne se confond pas avec un droit d’accès aux informations contenues dans ces documents et, d'autre part, que le droit d'accès aux documents administratifs est un droit objectif. L'intérêt d'une communication pour le demandeur ou ses motivations ne peuvent en conséquence légalement fonder un refus de communication. Toutefois, l'administration n'est pas tenue de répondre à une demande de communication qui présenterait un caractère abusif. Une demande peut-être regardée comme abusive lorsqu'elle a pour objet de perturber le bon fonctionnement de l’administration sollicitée ou lorsqu'elle aurait pour effet de faire peser sur elle une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose (CE, n° 420055, 422500, Ministre de la culture c/ Société pour la protection des paysages et l’esthétique de la France, 14 novembre 2018). Elle peut également être regardée comme abusive lorsque le traitement de la demande fait peser sur l’administration une charge excessive eu égard aux moyens dont elle dispose et à l’intérêt que présenterait, pour le demandeur, le fait de bénéficier, non de la seule connaissance des éléments communicables, mais de la communication des documents occultés eux-mêmes (CE, n° 426623, Association contre l'extension et les nuisances de l'aéroport de Lyon-St-Exupery du 27 mars 2020). En l'espèce, la commission estime qu'eu égard à l'objet de la demande, qui s'inscrit exclusivement dans le cadre d'une recherche du montant de l'IFSE perçue par les collègues du demandeur et au caractère non communicable à un tiers de l’information recherchée, le traitement des quelques cinq-cents fiches de paie afin d'en occulter les nombreuses autres mentions qui ne sont pas communicables à un tiers en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration ferait peser sur l'administration une charge excessive eu égard aux moyens dont elle dispose et à l'absence d'intérêt que présenterait, pour le demandeur, le fait de bénéficier des bulletins de paie sollicités occultés dans le cadre de sa recherche, cette communication n'étant pas susceptible de lui fournir l'information ayant motivé sa demande.