Avis 20205440 Séance du 21/01/2021

Communication, à la suite du décès de Monsieur X, le mari de sa cliente, lors de sa détention provisoire à la maison d'arrêt de X, des documents suivants : 1) la copie des signalements effectués par Madame X, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation en charge du suivi de Monsieur X, auprès de : a) la juge d'instruction Madame X, en date des 10 février et 9 juin 2020 ; b) l'administration pénitentiaire, en date des 6 et 16 décembre 2019, 7 et 31 janvier et 8 juin 2020 ; 2) l'intégralité du dossier pénitentiaire de Monsieur X, y compris les mesures de surveillance vis-à-vis du défunt (fréquence des rondes, surveillance de prise de médicaments, actes effectués dans le cadre de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) suicide, notamment les avis de ladite commission).
Maître X, conseil de Madame X, a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 27 novembre 2020, à la suite du refus opposé par le garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication, à la suite du décès de Monsieur X, le mari de sa cliente, lors de sa détention provisoire à la maison d'arrêt de X, des documents suivants : 1) la copie des signalements effectués par Madame X, conseillère pénitentiaire d'insertion et de probation en charge du suivi de Monsieur X, auprès de : a) la juge d'instruction Madame X, en date des 10 février et 9 juin 2020 ; b) l'administration pénitentiaire, en date des 6 et 16 décembre 2019, 7 et 31 janvier et 8 juin 2020 ; 2) l'intégralité du dossier pénitentiaire de Monsieur X, y compris les mesures de surveillance vis-à-vis du défunt (fréquence des rondes, surveillance de prise de médicaments, actes effectués dans le cadre de la commission pluridisciplinaire unique (CPU) suicide, notamment les avis de ladite commission). La commission, qui a pris connaissance de la réponse du garde des sceaux, ministre de la justice, rappelle que les documents produits ou reçus dans le cadre et pour les besoins d’une procédure juridictionnelle, qu'elle soit de nature civile, pénale ou commerciale, ne présentent pas un caractère administratif et n'entrent donc pas dans le champ d'application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. Il en va ainsi, notamment des jugements, ordonnances, décisions ou arrêts rendus par les juridictions de l'ordre judiciaire ou administratif. C'est aussi le cas, plus largement, pour les dossiers de demande d'aide judiciaire (CE, 5 juin 1991, X), des décisions du parquet, des dossiers d'instruction, des procès-verbaux d'audition, des rapports d'expertise ou des mémoires et observations des parties - c'est à dire de l'ensemble des pièces de procédure proprement dites - mais aussi des documents de travail internes à une juridiction, destinés à leurs membres et concourant à l'instruction des affaires ou à la formation des jugements (CE, 9 mars 1983, SOS Défense et CE, 28 avril 1993, Mme X). Elle précise également qu'à l'exception des pièces présentant un caractère judiciaire et pour lesquelles elle est incompétente, les autres documents du dossier pénitentiaire, tels que les pièces qui ont trait à la vie du détenu dans l'établissement, ou même la fiche pénale qui comporte la référence et les effets des décisions juridictionnelles relatives à l'incarcération, à la condamnation et à l'exécution de la peine (CE 20 avril 2005 Garde des Sceaux c. / X), revêtent un caractère administratif et sont donc communicables à l'intéressé, ou à son conseil, sur le fondement de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions mettant en cause la sécurité publique ou la sécurité des personnes, ou qui font apparaître le comportement de tierces personnes dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice. La commission estime ainsi que le dossier individuel de Monsieur X, constitué pendant sa détention, et qui comprend sa fiche pénale, est communicable à l'intéressé, sous les réserves qui précèdent, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La commission considère au regard de ces principes, que les documents sollicités revêtent un caractère administratif à l'exception du point 1) a). En l’espèce, il apparaît qu'à la suite du décès de Monsieur X, une enquête juridictionnelle en recherche de cause de mort a été ouverte par le Procureur de la République. La commission rappelle que la transmission à l'autorité judiciaire d'un document administratif n'a pas pour effet de lui conférer un caractère juridictionnel. Il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493). La commission, qui estime que la veuve du détenu décédé souhaite, par la communication des documents sollicités, faire valoir ses droits en démontrant que l'administration pénitentiaire a commis une faute dans les conditions de détention provisoire dont il a été l'objet et doit à ce titre être regardée comme personne intéressée, estime que les documents administratifs sollicités lui sont communicables sur le fondement de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve que cette communication ne porte pas atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de l'autorité judiciaire.