Avis 20204061 Séance du 10/12/2020

Communication de l’intégralité des documents concernant l’admission de son fils, X, autiste Asperger, né X, dont elle est la représentante légale et titulaire de l’autorité parentale, depuis son arrivée dans l’établissement le 11 octobre 2018.
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 14 octobre 2020, à la suite du refus opposé par le directeur général des Apprentis d'Auteuil à sa demande de communication de l’intégralité des documents concernant l’admission de son fils, X, autiste Asperger, né X, dont elle est la représentante légale et titulaire de l’autorité parentale, depuis son arrivée dans l’établissement le 11 octobre 2018. La commission, qui prend note de la réponse du directeur de la maison d’accueil spécialisée de Franche Terre, rappelle qu'aux termes de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Sont considérés comme documents administratifs (…) quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission ». Selon l’article L311-1 du même code : « Sous réserve des dispositions des articles L311-5 et L311-6, les autorités mentionnées à l'article L300-2 sont tenues de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande (...) ». La commission indique que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., n° 264541 du 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission. La commission relève que Apprentis d’Auteuil est une fondation reconnue d’utilité publique, sous tutelle du ministère de l’intérieur, de l'archevêché de Paris et de la congrégation du Saint-Esprit, qui gère notamment des maisons d’enfants à caractère social, qui relèvent de la catégorie des établissements visés au 4° du I de l’article L312-1 du code de l'action sociale et des familles, « (…) mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d'investigation préalables aux mesures d'assistance éducative prévues au code de procédure civile et par l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ». Elle exerce ainsi dans ce cadre une mission d’intérêt général à caractère médico-social. La commission constate également qu’en application des articles L313-1-1, L313-3 et L313-10 du code de l'action sociale et des familles, établissements doivent être autorisés conjointement par l'autorité compétente de l'Etat et le président du conseil départemental, et être habilités par le représentant de l'Etat dans le département, après avis du président du conseil départemental, pour recevoir des mineurs confiés habituellement par l'autorité judiciaire, soit au titre de la législation relative à l'enfance délinquante, soit au titre de celle relative à l'assistance éducative. Enfin l’article L228-3 du code de l'action sociale et des familles prévoit que « le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance (...) les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : 1° Confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés ; 2° Confié au service de l'aide sociale à l'enfance dans les cas prévus au 3° de l'article L222-5 (...) ». La commission considère que, dans ces conditions, Apprentis d’Auteil, dans sa mission de gestion des maisons d’enfants à caractère social, doit être regardée comme chargée d’une mission de service public. Par suite, les documents qu'elle détient dans le cadre de cette mission constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le directeur général des Apprentis d'Auteuil a informé la commission que : 1. Les documents suivants sont inexistants : - les photos scolaires ; - les pouvoirs donnés au personnel ; - les comptes-rendus de réunions, visites, exclusions… - les contrats pluriannuel d’objectifs et de moyens ; - les contrats d’accueil individualisés ; - les résultats comptables y compris les bilans financiers annuels et personnel des enfants ; - les justificatifs du département, salariés, foyers, MECS, et l’ensemble des intervenants « qui leur permettent de violer tous les droits fondamentaux de ses enfants et elle-même y compris le droit inaliénable de communiquer avec un parent » ; - les échanges avec les écoles et notamment ceux des professionnels laissant entendre que la maman ne peut bénéficier d’aucun droit d’exercice de l’autorité parentale ; - les pouvoirs concernant l’autorisation de reprise scolaire après contamination COVID 19 ; - les accords qui permettent de laisser ses enfants seuls, sans surveillance. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet la demande d’avis sur ces points. 2. Le fils de Madame X s’est opposé à la communication des informations médicales le concernant. La commission rappelle qu’en application de l'article L1111-7 du code de la santé publique, le droit d'accès aux informations concernant la santé d'une personne mineure est en principe exercé par les titulaires de l'autorité parentale. A la demande du mineur, cet accès a lieu par l'intermédiaire d'un médecin. Toutefois, en application des dispositions combinées des articles L1111-7 et L1111-5 du même code, l'accès au dossier médical du patient mineur peut être refusé aux titulaires de l'autorité parentale lorsque les soins ont été dispensés sans leur consentement afin de sauvegarder sa santé, dans le cas où le patient mineur s'est expressément opposé à la consultation des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé, ou lorsque les soins ont été délivrés à un mineur bénéficiant à titre personnel de la couverture maladie universelle. Dans un tel cas, le médecin qui a pratiqué le traitement ou l'intervention à l'insu des titulaires de l'autorité parentale " fait mention écrite de cette opposition ", conformément aux dispositions de l'article R. 1111-6 du code. Il lui appartient en outre, de " s'efforcer d'obtenir le consentement de la personne mineure à la communication de ces informations au titulaire de l'autorité parentale ". Dans tous les cas, il appartient au médecin d'établir l'opposition de l'enfant, notamment par la production de la mention prévue à l'article R. 1111-6 du code de la santé publique. La commission déduit de ces dispositions que le mineur ne peut former opposition à la communication de son dossier médical aux titulaires de l'autorité parentale que dans le cas où les soins qu'il a reçus ont été dispensés sans leur consentement ou à leur insu. Un simple désaccord entre les titulaires de l'autorité parentale ou entre le mineur et l'un des titulaires de l'autorité parentale ne saurait justifier, par lui-même, un refus de communication sur le fondement de ces dispositions. Par suite, un établissement de santé n'est pas fondé à prendre contact avec un mineur pour obtenir son consentement à la communication du dossier médical si le traitement ou l'intervention en cause n'avait pas été réalisé à l'insu des parents. La commission souligne également que la décision de communiquer le dossier en cause doit être prise en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que l’exigent les stipulations de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). Elle estime, à cet égard, que les dispositions de l’article L1111-7 du code de la santé publique, auxquelles renvoient l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, ne sauraient être interprétées comme prescrivant la communication aux titulaires de l’autorité parentale des pièces du dossier médical de l’enfant, dans l'hypothèse où cette communication serait susceptible de constituer une menace pour la santé ou la sécurité de l'enfant (dont relève également son bien-être). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu’il les met gravement en cause. La commission, qui ne dispose pas d'informations supplémentaires, considère dès lors que les titulaires de l'autorité parentale doivent être présumés agir pour le bien-être de leur enfant. Au regard des pièces du dossier, qui ne font pas apparaître d'éléments de nature à écarter cette présomption, la commission émet donc un avis favorable à la communication des informations médicales concernant son fils à Madame X. La commission précise toutefois que si vous ou le conseil départemental du Val-de-Marne qui assure le suivi de l’enfant dans le cadre de la mesure de placement éducatif estimiez qu’il existe un risque que la communication de ces informations médicales soit de nature à lui nuire, en remettant en cause son évolution dans le cadre de la mesure de placement et ses projets, vous pouvez opposer un refus sur le fondement des stipulations de l’article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant, qu'il vous appartiendra de justifier, le cas échéant, devant le tribunal administratif compétent. La commission émet donc, sous les réserves qui précèdent, un avis favorable sur ce point. 3. Certains documents ont déjà été transmis à l’intéressée, par le biais de ses conseils, par courriers des 19 octobre 2018 et 25 mai 2020 : - accès Pronote ; - les comptes rendus concernant toutes les violences subies et soins prodigués et notamment fracture du thorax pour X et fracture de la base des os du nez pour X ; - les comptes rendus concernant les soins réalisés ; - les plaintes et comptes rendu complets et tout document concernant ces violences. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet la demande d’avis sur ces points. 4. Certains documents relevaient de l’organisation interne de la maison d’enfants à caractère social. La commission ne peut que se déclarer incompétente sur ce point, qui concerne des documents à caractère privé. En dernier lieu, la commission estime que les autres documents qui seraient en possession d’Apprentis d’Auteuil, relatifs à la prise en charge du fils de Madame X, sont communicables à cette dernière, sous réserve, le cas échéant, de l’occultation préalable des mentions protégés par l’un des secrets visés à l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Elle émet un avis favorable sur ce point, et prend note de l’intention d’Apprentis d’Auteuil de procéder prochainement à cette communication. La commission indique enfin qu’en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, il appartient à Apprentis d’Auteuil, si elle n’est pas en possession de certains documents, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de les détenir, en l’espèce le conseil départemental du Val-de-Marne, et d’en aviser Madame X.