Conseil 20203092 Séance du 08/10/2020

Quel est le régime de communication applicable aux captations vidéos réalisées, dans le contexte de la crise sanitaire, à l'occasion des réunions de travail organisées à distance depuis le domicile de nombreux agents publics et d'élus afin d'assurer la continuité de l'exercice de leurs missions ? Plus précisément, le fait de capter l'image des participants dans un cadre privé conduit-il à porter atteinte au secret de la vie privée des personnes et, par conséquent, à rendre les enregistrements de ces réunions non librement communicables avant l'expiration d'un délai de 50 ans prévu au 3° du I) de l'article L213-2 du code du patrimoine ?
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 8 octobre 2020 votre demande de conseil relative au régime de communication applicable aux captations vidéos réalisées, dans le contexte de la crise sanitaire, à l'occasion des réunions de travail organisées à distance depuis le domicile de nombreux agents publics et d'élus afin d'assurer la continuité de l'exercice de leurs missions. La commission rappelle, en premier lieu, que selon les dispositions de l’article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, « sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » Sur ce fondement, elle a considéré que les enregistrements audio et vidéos, produits ou reçus par l’administration dans le cadre de ses missions de service public constituaient des documents administratifs soumis au droit d’accès régi par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. (avis 20130134 du 24 janvier 2013 ; 20144244 du 3 novembre 2014 et 20193754 26 septembre 2019). En second lieu, la commission estime qu’il y a lieu de procéder à une double distinction, selon que l’enregistrement vidéo concerne des élus ou des agents publics, d’une part, et selon que l’instance filmée est ou non publique, d’autre part. En ce qui concerne les élus, la commission estime que, s’exprimant en cette qualité, la protection de leur vie privée ne saurait faire obstacle à la communication des enregistrements dans lesquels ils apparaissent lorsqu’est filmée une instance publique, (tel que le conseil municipal), à laquelle ils participent (avis 20130134 du 24 janvier 2013). En ce qui concerne les agents publics, la commission rappelle qu’ils ont le droit au respect de leur vie privée, et doivent bénéficier, de manière générale, de la même protection que celle des autres citoyens. Si la qualité d’agent public et les fonctions exercées justifient que certaines informations les concernant puissent être communiquées sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration, notamment, la qualité d'agent public, les arrêtés de nomination et les composantes fixes de la rémunération, la commission estime que ces agents bénéficient, comme toute autre personne, au respect de leur droit sur l'utilisation de leur image, composante de la personnalité qui n’est pas détachable de la protection de la vie privée. Elle en déduit que les enregistrements vidéos d’une instance ou d’un évènement, public ou non, dans lesquels apparaissent les agents publics ne peuvent être, en application des dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, communiqués à un tiers sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration, si ces agents n’ont pas été au informés, d’une part, de l’enregistrement de la réunion à laquelle ils participaient, d’autre part, que cet enregistrement était susceptible d’être communiqué à un tiers afin de répondre à une demande de communication de document administratif et enfin, le cas échéant, pour les enregistrements portant sur des communications à distance par interface vidéo, des moyens techniques permettant de ne pas apparaître à l’image. Si ces conditions sont réunies, la commission estime, en effet, que les agents qui apparaissent à l’image doivent être regardés comme ayant consenti à l’utilisation de leur image dans le cadre d’une demande de communication d’un document administratif. A défaut de consentement des agents concernés, il appartient à l’administration de flouter des enregistrements leur image préalablement à la communication de l’enregistrement. La commission estime qu’un raisonnement analogue doit être tenu pour les captations des interventions des élus, le cas échéant via une interface vidéo, dans des instances qui ne sont pas publiques, telles que les réunions des commissions municipales, départementales ou régionales ou leur participation à des organismes extérieurs à la collectivité. En troisième lieu, la commission estime que dès lors que les conditions qui viennent d’être rappelées relatives au consentement sont respectées, la captation d’une image d’un agent public ou d’un élu intervenant depuis son domicile ne porte pas, en elle-même, atteinte au respect de sa vie privée en tant que l’image est susceptible de capter une partie de leur domicile personnel alors au surplus qu’il est techniquement possible de couper sa caméra et que certaines solutions logicielles prévoient la possibilité d’une incrustation de fonds impersonnels. Toutefois, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration font obstacle à la communication à des tiers des séquences dans lesquelles interviennent, à l’image ou non, des personnes autres que l’agent intéressé, tels que les membres de sa famille.