Avis 20202063 Séance du 24/09/2020

Communication, sans occultation, des documents suivants : 1) l’entier dossier patient de PMI de son fils mineur X né le X ; 2) le rapport établi par les services de PMI de Bourg-en-Bresse et de Montrevel-en-Bresse la concernant, ainsi que celui concernant son fils, ceci dans le cadre de l’information préoccupante demandée par le Procureur de la République le 31 décembre 2019.
Madame X a saisi la Commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 6 juillet 2020, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental de l'Ain à sa demande de communication, sans occultation, des documents suivants : 1) l’entier dossier patient de PMI de son fils mineur X né le X ; 2) le rapport établi par les services de PMI de Bourg-en-Bresse et de Montrevel-en-Bresse la concernant, ainsi que celui concernant son fils, ceci dans le cadre de l’information préoccupante demandée par le procureur de la République le 31 décembre 2019. La commission relève que les services d’aide sociale à l’enfance sont chargés de trois grandes catégories de missions (article L221-1 du code de l'action sociale et des familles (CASF), en partie en lien avec le service de la protection maternelle et infantile (PMI) et le service départemental d’action sociale (article L226-1 du CASF) : - Ils ont un rôle de sensibilisation et d’information des personnes pouvant être concernées par des mineurs en danger ou en risque de l’être. Le président du conseil départemental est chargé de la centralisation de toutes les informations préoccupantes relatives à la situation d’un mineur au sein d’une cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes (CRIP). L’information transmise doit permettre l’évaluation de la situation du mineur, la mise en œuvre d’éventuelles actions de protection dont lui et sa famille pourraient bénéficier, voire le signalement à l’autorité judiciaire ; - Ils développent des missions préventives auprès des mineurs et de leurs familles, soit individuelles, soit collectives (prévention spécialisée) ; - Ils pourvoient aux besoins des mineurs qui leur sont confiés, sur décision administrative ou judiciaire ou en tant que pupilles de l’État. À des fins de prévention individuelle et de protection, différentes prestations d’aide sociale à l’enfance sont précisément définies aux articles L222-1 à L222-7 du CASF. Elle rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil départemental et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations, etc.), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental de l'Ain a informé la commission que lors d’un rendez-vous du 5 juin 2020, il a été remis à Madame X le dossier de PMI de son fils ainsi que des notes libres partiellement occultées, à l’exception de deux courriers faisant apparaître le comportement de tiers dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice et portant atteinte à leur vie privée. Il a ajouté qu’une nouvelle communication de documents est intervenue le 22 juin 2020 comprenant le dossier de suivi de grossesse de Madame X, la déclaration de grossesse reçue de la caisse d'allocations familiales, ainsi que le courrier de proposition de visite à domicile adressé par une sage-femme du service de PMI du département. Compte tenu de ces éléments, la commission ne peut que déclarer irrecevable la demande s’agissant des documents communiqués avant sa saisine, le refus de communication n’étant pas établi sur ce point. Toutefois, eu égard à ses termes, la demande de Madame X doit être également regardée comme tendant à la communication de ces documents, sans les occultations qui ont été pratiquées sur le fondement des dispositions précitées de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. En l’espèce, la commission, qui a pu prendre connaissance du dossier transmis à Madame X dans son intégralité, constate qu’il comporte de nombreuses mentions couvertes par le secret de la vie privée, qui portent un jugement de valeur sur un tiers ou font apparaître le comportement d'un tiers dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice. Elle estime, d’une part, que les occultations pratiquées l’ont été à bon droit, et d’autre part, que les occultations à pratiquer sur les deux courriers non communiqués priveraient de tout intérêt cette communication, de sorte que le département était fondé à en refuser la communication. La commission ne peut, dès lors, qu’émettre un avis défavorable à la communication intégrale des documents qui lui ont été transmis occultés. En ce qui concerne enfin le rapport visé au point 2), le président du conseil départemental de l’Ain a indiqué que ce document, qui présente aujourd’hui un caractère achevé, avait été élaboré à la demande de l’autorité judiciaire. Compte tenu de ce qui précède, la commission ne peut que se déclarer incompétente pour se prononcer sur ce point.