Conseil 20194003 Séance du 02/04/2020

Caractère communicable à la mère du dossier d'informations préoccupantes concernant ses enfants, sachant que ce dossier comporte de nombreuses pièces relatives au père dont elle est séparée.
La commission d’accès aux documents administratifs a examiné lors de sa séance du 2 avril 2020 votre demande de conseil relative au caractère communicable à la mère du dossier d'informations préoccupantes concernant ses enfants, sachant que ce dossier comporte de nombreuses pièces relatives au père dont elle est séparée. La commission rappelle qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont considérés comme documents administratifs, « quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions. » La commission en a déduit que les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance avant l'ouverture éventuelle d'une procédure judiciaire ou juridictionnelle, et sans être établis en vue de celle-ci, qu'ils aient ou non été ensuite transmis à l'autorité judiciaire, constituent des documents administratifs, communicables dans les conditions et sous les réserves prévues par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Il en va ainsi des correspondances entre les services intéressés, des rapports et notes établis pour les besoins de l’administration, des pièces retraçant les échanges entre le président du conseil général et les parents du mineur ou les accueillants familiaux (avis n° 20152463 du 10 septembre 2015). Revenant sur ses avis antérieurs, elle précise que revêtent également un caractère administratif, les rapports d'évaluation sociale établis par les services de l'aide sociale à l'enfance en dehors de toute sollicitation de l'autorité judiciaire, y compris lorsque les services préconisent, en application des dispositions de l'article L226-4 du CASF, la transmission du dossier au procureur de la République en vue de la saisine du juge des enfants. La commission estime, en effet, que ces rapports ont été élaborés par l'administration dans le cadre de ses missions de service public définies par le code de l'action sociale et des familles et qu'ils n'ont pas été élaborés, à la différence du courrier de transmission lui-même, en vue de la saisine de l'autorité judiciaire, cette transmission résultant d'une obligation légale prévue par l'article L226-4 du CASF lorsque certaines circonstances sont réunies, lesquelles sont révélées par la mission administrative d'évaluation confiée au service de l'aide sociale à l'enfance. La commission en déduit que lorsque ces documents administratifs ont été transmis au procureur de la République, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande de communication de ce document de rechercher, à la date à laquelle elle se prononce, les suites données à cette transmission ou susceptibles de l'être, afin de déterminer, à moins que l'autorité judiciaire compétente ait donné son accord, si la communication du document sollicité est de nature à porter atteinte au déroulement de procédures juridictionnelles ou d'opérations préliminaires à de telles procédures en empiétant sur les prérogatives de cette autorité (CE, 21 octobre 2016, CHSCT de l'établissement d'Amiens Nord de la société Goodyear Dunlop Tyres France, n° 380504, mentionné aux Tables du Recueil ; 30 décembre 2015, Société Les Laboratoires Servier, n° 372230, Rec. p. 493). Revêtent, en revanche, un caractère judiciaire, les documents élaborés par les services de l'aide sociale à l'enfance à la demande de l'autorité judiciaire, procureur de la République ou juge des enfants, qu'une procédure judiciaire ait ou non été ouverte, par exemple dans le cadre d'un soit transmis ou du suivi d'une mesure de protection judiciaire. La commission demeure donc incompétente pour en connaître et il appartient au demandeur de s'adresser directement à l'autorité judiciaire. En application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, les documents comportant des informations couvertes par le secret de la vie privée, qui porteraient un jugement de valeur sur un tiers, personne physique nommément désignée ou facilement identifiable, ou feraient apparaître le comportement d'un tiers, autre qu'une personne chargée d'une mission de service public, dès lors que sa révélation serait susceptible de lui porter préjudice (plaintes, dénonciations…), ne peuvent être communiqués qu'à la personne intéressée et, lorsque celle-ci est mineure, à ses parents ou à la personne qui exerce l'autorité parentale. La commission estime que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n°20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu’il les met gravement en cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, s'agissant à tout le moins de la mère de l'enfant. En l’espèce, la commission, qui a pu prendre connaissance des documents sollicités, observe que le dossier comprend de nombreuses mentions révélant de la part du père des enfants, ou des enfants eux-mêmes, un comportement dont la divulgation pourrait leur porter préjudice. Elle estime que ces mentions doivent être occultées préalablement à leur communication à la mère des enfants. Elle estime ainsi que le document intitulé " information préoccupante " est ainsi communicable à la mère des enfants après occultation préalable : - page 1, de la troisième phrase du paragraphe D (« Synthèse des éléments préoccupants ») ; - page 3, des passages compris entre « situations validées par le père » et «  pour l'un ou l'autre parent ». - page 3, de la totalité du paragraphe concernant Alphée (entre « En effet, elle avait pleuré  » et « pour être entendue »). - page 3, de la réaction de M. Carrier à l'information qui lui a été restituée (entre « Il n'a pas souhaité » et « rien à ajouter »). La commission estime que les courriers et courriels rédigés par le père des enfants, ainsi que les pièces jointes qu'ils contiennent ne sont pas communicables à la mère en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors que ces documents, dans leur intégralité, révèlent de la part de l'intéressé un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. Enfin, elle estime que le courriel adressé par le vice procureur du tribunal judiciaire à l'auteur de l'information préoccupante, qui traduit la décision de ne pas ouvrir de procédure judiciaire concernant la situation familiale décrite mais comporte des préconisations à destination de la mère de l'enfant, ne constitue pas un document administratif mais un document judiciaire. La commission n'est donc pas compétente pour se prononcer sur son caractère communicable, dont l'appréciation relève de la seule autorité judiciaire.