Avis 20193716 Séance du 02/04/2020

Communication des documents suivants relatifs à son client détenu au centre pénitentiaire (CP) d'Orléans - Saran : 1) la copie de l'entier dossier de son client de transfèrement vers le CP d'Orléans - Saran ; 2) la copie de l'entier dossier d'inscription de son client au répertoire des détenus particulièrement signalés ; 3) le compte rendu d'ouverture d'un courrier protégé que lui a adressé son client le 20 juillet 2019 ; 4) la décision du 5 août 2019 par laquelle la directrice du CP a placé son client sous gestion menottée.
Maître X, conseil de Monsieur X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 12 septembre 2019, à la suite du refus opposé par la garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de communication des documents suivants relatifs à son client détenu au centre pénitentiaire (CP) d'Orléans - Saran : 1) la copie de l'entier dossier de son client de transfèrement vers le CP d'Orléans - Saran ; 2) la copie de l'entier dossier d'inscription de son client au répertoire des détenus particulièrement signalés ; 3) le compte rendu d'ouverture d'un courrier protégé que lui a adressé son client le 20 juillet 2019 ; 4) la décision du 5 août 2019 par laquelle la directrice du CP a placé son client sous gestion menottée. La commission rappelle, en ce qui concerne le point 1), qu’en application des articles D290 et suivants du code de procédure pénale, les détenus sont susceptibles de faire l’objet d’un transfèrement soit sur la réquisition de l’autorité judiciaire, soit à la demande du garde des sceaux ou du directeur régional de l’administration pénitentiaire. La commission estime, ainsi qu'elle l'a fait dans son précédent avis n° 20051002 du 17 mars 2005, que le dossier constitué à l’occasion du transfèrement d’un détenu, lorsque ce transfèrement est requis par l’autorité judiciaire, ne revêt pas un caractère administratif. En revanche, le dossier établi à l’occasion d’un transfèrement requis par les autorités compétentes autres que judiciaires est de nature administrative. En l'espèce, il ressort des pièces de sa saisine que la décision de transférer Monsieur X dans un nouveau centre de détention résulte d'une décision de l'autorité administrative. Par suite, la commission estime que le dossier sollicité constitue un document administratif communicable à l’intéressé, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions mettant en cause la sécurité publique ou la sécurité des personnes, ou qui font apparaître le comportement de tierces personnes dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice en application de l'article L311-5 et de l'article L311-6 du même code. En réponse à la demande qui lui a été adressée, la garde des sceaux, ministre de la justice, a informé la commission que la décision de transfèrement de Monsieur X lui a été communiquée le 16 juillet 2019 et qu'il avait refusé de la signer. La commission relève toutefois que la demande porte sur l'entier dossier de transfèrement et ne se limite pas à cette seule décision. Elle estime, en conséquence, que ce point de la demande ne peut être regardé comme satisfait et émet un avis favorable au point 1) de la demande, sous les réserves précitées. S'agissant du point 2), la garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué à la commission qu'elle considérait que le dossier d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés n'était pas communicable à l'intéressé en application des dispositions du d) de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, cette communication étant susceptible de porter atteinte à la sécurité publique et à la sécurité des personnes. La commission rappelle que le caractère communicable d'un document, à l'exception de ceux mentionnés au 1° de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration, ou d'un dossier s'apprécie au regard des pièces et des mentions qu'il contient et de la possibilité, sans en dénaturer le sens ou la portée, d'occulter ou de disjoindre les documents ou mentions qui ne sont pas communicables en application du 2° de l'article L311-5 et de l'article L311-6 du même code. Elle relève également que la circulaire du 15 octobre 2012 relative à l'instruction ministérielle relative au répertoire des détenus particulièrement signalés, prise pour l'application de l'article D276-1 du code de procédure pénale prévoit que la décision d'inscription ou de maintien d'un détenu sur le registre des détenus particulièrement signalés fait l'objet d'une procédure contradictoire au cours de laquelle le détenu ou son conseil reçoit la communication d'un dossier comprenant une synthèse établie par le chef d’établissement justifiant en fait et en droit la mesure envisagée, la fiche pénale du détenu, ses antécédents disciplinaires, le cas échéant, toutes les pièces fondant la décision envisagée et lorsque le ministre de la justice n’entend pas suivre la proposition de radiation de la commission, de son avis motivé de maintien. Cette communication ne comprend pas les éléments pouvant porter atteinte à la sécurité des établissements pénitentiaires ou des personnes (article R57-6-9 du code de procédure pénale) notamment dans un objectif de protection des sources, et de respect du secret de l’enquête et de l’instruction (article 11 du code de procédure pénale). La commission s'étonne en conséquence qu'un dossier, qu'elle considère susceptible de répondre à la demande, soit communiqué au détenu dans le cadre de la procédure organisée par la garde des sceaux, ministre de la justice, mais ne soit pas susceptible de l'être sur le fondement du code des relations entre le public et l'administration. La commission estime, dès lors, que, sans préjudice des dispositions de la circulaire du 15 octobre 2012 qui, de nature réglementaire ne constitue pas une procédure particulière de communication de nature à faire obstacle au droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, les documents administratifs composant le dossier d'inscription d'un détenu au répertoire des détenus particulièrement signalés sont, en principe, communicables à l'intéressé ou à son conseil, après, le cas échéant, occultation ou disjonction des seules mentions : - dont la communication est susceptible, in concreto, de porter atteinte à la sécurité publique ou à la sécurité des personnes, au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente, à la recherche et à la prévention, par les services compétents, d'infractions de toute nature ou aux aux autres secrets protégés par la loi, tel que le secret de l'instruction, en application des d), f), g) et h) de l'article L311-5 du code des relations entre le public et l'administration ; - qui ne sont pas communicables à un tiers, en application de l'article L311-6 du même code, en ce que cette communication porterait atteinte à la protection de la vie privée ou au secret médical, porterait une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ou ferait apparaître un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice. Elle rappelle également que si l'ampleur des occultations d'un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L311-5 et L311-6 rend cette opération délicate, notamment lorsque le document n'est pas divisible, et qu'elle conduit à en dénaturer le sens ou à priver d'intérêt la communication, l'administration est alors fondée à la refuser (CE, n° 117750, 4 janvier 1995). Ainsi, un document comportant un très grand nombre de mentions couvertes par un secret et dont l'occultation s'avérerait particulièrement difficile pour l'administration devrait être regardé comme non communicable. Par suite, la commission, revenant sur son avis n° 20023371 du 22 août 2002, émet un avis favorable à la communication au détenu concerné de son dossier d'inscription au répertoire des détenus particulièrement signalés, sous les réserves qui viennent d'être rappelées. En ce qui concerne le point 3) de la demande, en réponse de la demande qui lui a été adressée, la garde des sceaux, ministre de la justice, a informé la commission qu'aucun compte rendu n’a été rédigé par la direction interrégionale des services pénitentiaires de Paris et que le document sollicité n'existe pas. La commission ne peut, dès lors, que déclarer sans objet la demande d'avis sur ce point. S'agissant du dernier point, en l'absence de réponse de la garde des sceaux, ministre de la justice sur ce point, la commission estime que ce document administratif, s'il existe, est communicable à l'intéressé ou à son conseil, en application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration. La commission émet, par suite, un avis favorable sur ce point, sous cette réserve.