Conseil 20191913 Séance du 06/06/2019

Caractère communicable, aux ayants droits d'une personne décédée, du courrier adressé par l'inspection du travail à l'employeur relatif à l'enquête réalisée suite à l'accident du travail.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 6 juin 2019 votre demande de conseil relative au caractère communicable, aux ayants droits d'une personne décédée, du courrier adressé par l'inspection du travail à l'employeur relatif à l'enquête réalisée suite à l'accident du travail. La commission rappelle en premier lieu qu’en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, les documents détenus par l’administration dans le cadre de l’exercice de sa mission de service public, constituent des documents administratifs soumis au droit d’accès prévu par cette loi, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que ces documents auraient été élaborés par une personne privée. La commission relève à cet égard qu'en application des dispositions des articles R8112-1 et suivants du code du travail, l'inspecteur du travail contribue, notamment, à la prévention des risques professionnels, et fournit des rapports circonstanciés, mentionnant les accidents dont les salariés ont été victimes et leurs causes, sur l'application des dispositions dont il est chargé d'assurer le contrôle de l'exécution ; il dispose à cette fin d'un pouvoir d'accès aux documents de l'entreprise, fixé aux articles L8113-4 et suivants du code du travail. La commission considère que les documents produits ou reçus par l'inspection du travail dans le cadre de sa mission de contrôle du respect de l'application des dispositions du code du travail et des autres dispositions légales relatives au régime du travail constituent des documents administratifs soumis au droit d'accès prévu par le livre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions couvertes par le secret de la vie privée ainsi que des mentions portant des appréciations ou des jugements de valeur sur des tiers nommément désignés ou facilement identifiables, ou faisant apparaître leur comportement dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice, en application de l'article L311-6 de ce code. Elle précise que, revenant sur sa doctrine antérieure, elle estime désormais depuis son conseil n° 20131874 du 25 avril 2013 que le 3° de cet article vise, à la différence du deuxième tiret, les personnes morales aussi bien que les personnes physiques. En deuxième lieu, la commission relève qu'en application des dispositions de l'article L452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire. Il résulte de l'article L452-2 de ce code et de la jurisprudence constante de la Cour de cassation (notamment, Cass. soc., 28 mars 1984, pourvoi n° 81-16.419) que cette majoration d'indemnisation correspond à la majoration, dans les limites du montant du salaire annuel du défunt, de la rente indemnisant le préjudice de la victime et transmise, en cas de décès, du patrimoine du défunt à celui de ses ayants droits. L'article L452-4 du même code précise que la victime ou ses ayants droits exercent l'action reconnaissance de la faute inexcusable. La commission en déduit que les ayants droits de la victime d'un accident mortel sont titulaires du droit à l'indemnisation majorée du préjudice du défunt spécialement ouvert en cas de faute inexcusable de l'employeur. Elle précise que cette voie indemnitaire est par ailleurs la seule que peuvent exercer la victime ou ses ayants droits. Par suite, la commission considère que les ayants droits doivent être regardés comme des personnes intéressées, au sens de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. Le courrier de l’inspection du travail, susceptible de présenter un intérêt pour la caractérisation de la faute inexcusable de l'employeur devant le juge compétent, leur est donc communicable dans les conditions rappelées ci-dessus. En troisième et dernier lieu, s'agissant de la détermination des ayants droits au sens et pour l'application de ce régime, la commission relève que la section 2 du chapitre 4 du titre 3 du livre 4 du code de la sécurité sociale énumère précisément les personnes susceptibles de recevoir une rente en cas d'accident suivi de mort, du fait du préjudice de la victime. Pour l'exercice de l'action spécialement ouverte en cas de faute inexcusable de l'employeur, la commission estime donc que les ayants droits doivent être définis conformément aux règles qui y sont énoncées, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation dans la décision d'Assemblée plénière du 2 février 1990 (pourvoi n° 89-10.682).