Avis 20190697 Séance du 18/07/2019

Communication des documents suivants : 1) l'intégralité de la liste électorale du département ; 2) la liste de tous les agents du conseil départemental avec leur fonction, leur statut, leur salaire et leur fiche de paye ; 3) le dossier en assistance éducative, le projet pour l'enfant et les contrats d'accueil de ses enfants Louis et Romain ; 4) la liste des agents qui ont la délégation de signature du président Monsieur X, dans les services sociaux du département.
Monsieur X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 15 avril 2019, à la suite du refus opposé par le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor à sa demande de communication des documents suivants : 1) l'intégralité de la liste électorale du département ; 2) la liste de tous les agents du conseil départemental avec leur fonction, leur statut, leur salaire et leur fiche de paie ; 3) le dossier en assistance éducative, le projet pour l'enfant et les contrats d'accueil de ses enfants Louis et Romain ; 4) la liste des agents qui ont la délégation de signature du président Monsieur X, dans les services sociaux du département. S’agissant du document sollicité au point 1) de la demande, la commission rappelle en premier lieu, que la communication intégrale des listes électorales était, jusqu'au 1er janvier 2019, régie par les dispositions particulières des articles L28 et R16 du code électoral, qui prévoyaient que ces listes étaient communicables à tout candidat, parti ou groupement politique ainsi qu’à tout électeur, quel que soit le lieu où il est inscrit, à condition de s'engager à ne pas en faire un usage purement commercial. Depuis le 1er janvier 2019, ces dispositions, que la commission est compétente pour interpréter en vertu du 4° du A de l'article L342-2 du code des relations entre le public et l'administration, sont remplacées par celles du nouvel article L37, au même code, issues de l'article 7 de la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales. Cet article dispose que : « Tout électeur peut prendre communication et obtenir copie de la liste électorale de la commune à la mairie ou des listes électorales des communes du département à la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. / Tout candidat et tout parti ou groupement politique peuvent prendre communication et obtenir copie de l'ensemble des listes électorales des communes du département auprès de la préfecture, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage commercial. » La commission estime qu’un engagement pris par écrit suffit en principe, qu’il ait été pris dans un courriel ou dans un courrier sous format papier pour justifier de cet engagement. La commission relève néanmoins qu'il résulte de la décision n° 388979 du Conseil d’État du 2 décembre 2016, que l'administration saisie d'une telle demande dispose de la faculté de solliciter du demandeur la production d'éléments complémentaires susceptibles d'éclairer ses intentions et peut, si elle estime, nonobstant l'engagement pris par le demandeur, qu'il existe des raisons sérieuses de penser que l'usage des listes électorales risque de revêtir, en tout ou partie, un caractère commercial, opposer un refus de communication de la liste électorale. En l'espèce, la commission comprend que le demandeur souhaite obtenir la liste électorale de l’ensemble des communes du département. La commission rappelle qu'en application du sixième alinéa de l'article L311-2 du même code, il appartient au président du conseil départemental des Côtes-d'Armor de transmettre la demande accompagnée du présent avis à l'autorité administrative susceptible de le détenir, soit le préfet du département, et d'en aviser Monsieur X. Elle émet donc sous les réserves précitées, un avis favorable à la communication des documents sollicités au point 1) et prend note de l'intention manifestée de l'administration de communiquer la demande de Monsieur X aux services préfectoraux. S’agissant des documents sollicités au point 2), en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor a indiqué à la commission qu’il considérait que la demande était abusive. La commission rappelle qu'une demande ne peut être considérée comme abusive que lorsqu'elle vise de façon délibérée à perturber le fonctionnement d'une administration ou lorsque son traitement entraine pour l'administration une charge disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose. En l'espèce, elle estime que la liste des agents d'un conseil départemental, comportant la fonction des agents et leur statut, constitue un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu’elle est susceptible d’être obtenue par un traitement automatisé d’usage courant. Elle émet, par suite, dans cette mesure, un avis favorable au point 2) de la demande. En revanche, la communication du salaire d'un agent public, de même que les fiches de paie impliquent, en application des dispositions de l'article L311-6 de nombreuses occultations afin de préserver les mentions relevant de la vie privée des agents concernés (date de naissance, adresse personnelle, adresse électronique professionnelle, situation familiale, numéro de sécurité sociale, mentions relatives au prélèvement à la source de l"impôt sur le revenu…) ainsi que celles révélant une appréciation portée sur eux (éléments de rémunération qui sont fonction de la situation personnelle ou familiale ou de l'appréciation portée sur la façon de servir). Eu égard au nombre d'agents du conseil départemental, la commission estime que le traitement de ce point de la demande ferait peser sur l'administration une charge qui excède les sujétions que le législateur a entendu faire peser sur elle. La commission déclare par suite, dans cette mesure, la demande abusive en tant qu'elle porte sur le salaire et la fiche de paie des agents du conseil départemental des Côtes d'Armor et émet un avis défavorable. S’agissant des documents sollicités au point 3), La commission rappelle que le caractère communicable des pièces qui composent le dossier d’aide sociale à l’enfance dépend de l’état de la procédure et de l’objet en vue duquel elles ont été élaborées : 1. L’ensemble des pièces qui composent ce dossier avant que le juge des enfants soit saisi ou que le procureur de la République soit avisé, revêtent un caractère administratif. Il en va ainsi, en particulier, des documents relatifs au placement administratif du mineur. 2. Lorsque le juge des enfants a été saisi ou que le procureur de la République a été avisé en application des articles L226-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 375-5 du code civil, les documents élaborés dans le cadre de la procédure ainsi ouverte, y compris le courrier de saisine ou d’information et la décision du juge des enfants ou du procureur de la République, constituent des documents judiciaires exclus du champ d’application du livre III du code des relations entre le public et l’administration. La commission n’est pas compétente pour se prononcer sur leur caractère communicable. 3. En cas de placement judiciaire du mineur, les documents établis par le juge, qu’il s’agisse de ses décisions (renouvellement du placement, modifications des mesures d’assistance éducative…) ou de courriers qu’il adresse aux services d’aide sociale à l’enfance, ainsi que ceux qui ont été élaborés à l’attention de ce dernier par l’administration, dans le cadre du mandat judiciaire qui lui a été confié, revêtent un caractère judiciaire. Il en va ainsi, en particulier, des rapports périodiques sur la situation et l’évolution du mineur obligatoirement adressés au juge des enfants en vertu de l’article 1199-1 du code de procédure civile et du dernier alinéa de l’article 375 du code civil. Il n’appartient qu’au juge de procéder à la communication de tels documents s’il l’estime opportun. En revanche, s’agissant des autres dossiers et rapports, qui n’ont pas été établis pour les besoins ou dans le cadre d’une procédure judiciaire et conservent un caractère administratif même dans le cas où ils auraient été néanmoins transmis à l’autorité judiciaire, ils sont en principe communicables à la personne directement concernée, ou, lorsqu’il s’agit d’un mineur, à ses représentants légaux, sous réserve, en application des articles L311-5, L311-6 et L311-7 du code des relations entre le public et l’administration, de la disjonction des pièces ou de l’occultation des mentions dont la communication porterait atteinte au déroulement des procédures engagées devant les juridictions ou d'opérations préliminaires à de telles procédures, sauf autorisation donnée par l'autorité compétente, à la protection de la vie privée d’autres personnes ou au secret médical, ou portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, ou faisant apparaître le comportement d’une personne, autre qu’une personne chargée d’une mission de service public, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. La commission estime que l’identification de l’auteur d’un signalement fait apparaître de la part de celui-ci, lorsqu’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative, agissant dans l’exercice de sa compétence, un comportement dont la divulgation pourrait porter préjudice à son auteur. La communication d’un signalement à l’un des parents de l’enfant n’est donc permise par le code des relations entre le public et l’administration que dans le cas où aucune des mentions qu’il comporte n’est susceptible de permettre d’en identifier l’auteur, s’il ne s’agit pas d’un agent d’une autorité administrative agissant dans le cadre de sa mission de service public, et ne met pas en cause la vie privée ou le comportement d’un tiers, y compris l’autre parent. En outre, les documents qui concernent directement, à un titre ou un autre, un enfant mineur ne sont pas communicables à une autre personne, même si celle-ci en assure la représentation légale, lorsque s’y oppose l’intérêt supérieur de l’enfant, protégé par l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant (cf avis CADA n° 20152463 du 10 septembre 2015). C’est au vu des circonstances propres à chaque situation qu’il convient d’apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant. Il s’oppose le plus souvent à la communication à ses parents des documents faisant apparaître qu’il les met gravement en cause, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Enfin, la commission rappelle que le secret professionnel doit être regardé comme un secret protégé par la loi au sens du h) de l’article L311-5 du code des relations entre le public et l’administration, justifiant un refus de communication. En l’espèce, s'agissant du point 3), en réponse à la demande qui lui a été adressée, le président du conseil départemental des Côtes-d'Armor a informé la commission d'une part que le projet pour l'enfant était en cours d'élaboration, d'autre part qu'il avait, sous les réserves précitées, communiqué à Monsieur X les documents administratifs existants, notamment les contrats d'accueil des enfants. La commission ne peut dès lors qu'émettre un avis défavorable sur le projet pour l'enfant, sur le fondement du premier alinéa de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l'administration, ce document étant inachevé, et déclarer pour le surplus la demande d'avis sans objet, les documents ayant été communiqués. S’agissant du document sollicité au point 4), la commission estime que ce document administratif est communicable à toute personne qui en fait la demande, en application de l'article L311-1 du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle toutefois, qu'en application de l'article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, le droit à communication des documents administratifs cesse de s'exercer à l'égard des documents qui font l'objet d'une diffusion publique, c'est à dire des documents qui sont aisément accessibles à un large public, que cet accès soit gratuit ou subordonné au paiement d'un tarif raisonnable. En l'espèce, l'administration a informé la commission que les arrêtés portant délégation de signature avaient fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs du département et étaient accessibles sur le site https://cotesdarmor.fr. La commission déclare par suite la demande irrecevable en son point 4). Enfin, la commission constate que le demandeur a formulé, pour la même séance, pas moins de sept demandes de communication portant sur des volumes importants de documents. Elle l'invite en conséquence à faire preuve de discernement et de modération dans l'usage qu'il fait du droit d'accès prévu par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration et lui rappelle que l'administration n'est pas tenue de répondre aux demandes abusives.