Avis 20185611 Séance du 06/06/2019

Communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche personnelle, du procès-verbal n° 371 établi le 10 juin 1961 par la brigade de Baudens (Algérie) concernant les circonstances du décès de sa grand-mère, Madame X.
Madame X a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 22 novembre 2018, à la suite du refus opposé par la ministre des armées à sa demande de communication, par dérogation aux délais fixés par l'article L213-2 du code du patrimoine, dans le cadre d'une recherche personnelle, du procès-verbal n° 371 établi le 10 juin 1961 par la brigade de Baudens (Algérie) concernant les circonstances du décès de sa grand-mère, Madame X. La commission, qui a pris connaissance de la réponse que lui a adressée la ministre des armées, rappelle, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L311-14 du code des relations entre le public et l’administration, « toute décision de refus d'accès aux documents administratifs est notifiée au demandeur sous la forme d'une décision écrite motivée comportant l'indication des voies et délais de recours » et qu'aux termes de l'article R343-1 du même code, l'intéressé dispose d'un délai de deux mois à compter de la notification du refus ou de l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception de la demande par l'administration compétente pour saisir la Commission d'accès aux documents administratifs. Elle souligne également d'une part, que le non-respect du délai de deux mois de saisine de la commission a pour conséquence l'irrégularité de la procédure et donc l’irrecevabilité ensuite d’un éventuel recours contentieux (CE, sect., 25 juillet 1986, de X, n° 34278, p. 215) et d'autre part, que ce délai se décompte comme en matière contentieuse, soit deux mois à compter de la date de notification effective de la décision de refus si elle comporte la mention de la possibilité de saisir la commission et du délai de saisine, soit trois mois à compter de l'accusé de réception de la demande de communication par l'administration, sous réserve que cet accusé de réception comporte les mêmes indications. Enfin, la commission précise qu'il appartient à l’administration qui souhaite opposer une tardiveté de la saisine de la commission de l’établir. En l'espèce, la preuve de la tardiveté alléguée n'étant pas apportée par la seule évocation du délai écoulé entre la date du courrier de refus et celle de la saisine de la commission, la demande d'avis est recevable. En second lieu, la commission rappelle qu'aux termes du c) du 4° du I l’article L213-2 du code du patrimoine, les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions, notamment les pièces d'un dossier d'instruction pénale, sont communicables à toute personne qui le demande à l'expiration d'un délai de soixante-quinze ans à compter de la date du document ou du document le plus récent inclus dans le dossier, ou de vingt-cinq ans à compter de la date du décès de l'intéressé si ce dernier délai est plus bref. Ces délais sont identiques à ceux qui sont prévus s'agissant des documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire, régis par le b) du même 4°. La commission estime que, pour l'application de ces dispositions, il y a lieu de s'inspirer de la notion de partie à l'instance au sens des règles de la procédure pénale lorsqu'il s'agit de déterminer la qualité d'intéressé au dossier d'une affaire portée devant une juridiction pénale. Ainsi que l'a rappelé le ministre de la culture et de la communication par la circulaire du 23 juillet 2010 relative, en matières d'affaires judiciaires, à la notion d'intéressé dans les affaires portées devant les juridictions (NOR : MCC1019852C), il en résulte que présentent la qualité d'intéressé, à l'égard d'un dossier d'instruction pénale, la personne mise en examen, prévenue ou accusée, la victime de l'infraction, la partie civile et la personne bénéficiant du statut de témoin assisté. La commission estime d'ailleurs que la victime de l'infraction doit être regardée comme intéressée même dans le cas où elle est décédée avant l'ouverture de la procédure. La commission considère qu'une approche de même nature reposant sur la notion de partie à l'instance juridictionnelle doit être adoptée pour les documents relatifs aux affaires portées devant les autres juridictions, en matière civile ou administrative. S'agissant des documents relatifs non à une affaire portée devant une juridiction pénale mais à une enquête réalisée par un service de police judiciaire, dans le cadre de laquelle le recours à la notion de partie ne peut s'effectuer dans des conditions comparables, la commission estime, comme elle l'a déjà fait par un avis n° 20131970 du 14 mai 2013, que doivent être regardées comme intéressées au sens de ces dispositions les personnes mises en cause dans les documents, en particulier le ou les auteurs et la ou les victimes de l’infraction, ainsi que les personnes sur lesquelles est portée une appréciation ou un jugement de valeur ou dont le comportement est révélé par le document, dans des conditions susceptibles de leur porter préjudice. Dans l'une et l'autre catégories de cas, l'accès aux documents dont la communication porterait atteinte à la vie privée d'une personne autre que les personnes intéressées ainsi définies, ou, s'agissant d'affaires portées devant une juridiction, qui comporteraient une appréciation ou un jugement de valeur sur une telle personne ou qui feraient apparaître de sa part un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, est régi par le délai de cinquante ans prévu au 3° du même I de l'article L213-2 du code du patrimoine. Ainsi interprétées, les dispositions du 4° du I de l'article L213-2 du code du patrimoine conduisent à considérer que le décès de la victime ne suffit pas à lui seul à entraîner l’applicabilité du délai de vingt-cinq ans. Ce dernier n'est en effet applicable qu'à la condition que l'ensemble des personnes intéressées ainsi définies soient effectivement décédées. En l'espèce, la commission comprend des informations qui lui ont été communiquées par la ministre des armées que le procès-verbal sollicité comprend des mentions et pièces se rapportant aux auteurs de l'assassinat de la grand-mère de Madame X. En l'absence d'information sur l'éventuel décès de ces personnes, le délai de protection de soixante-quinze ans prévu par le code du patrimoine trouve donc à s'appliquer, rendant le dossier communicable en juin 2036. Si la ministre des armées a rendu un avis défavorable à la procédure d’accès anticipé par dérogation aux délais légaux de communicabilité des archives publiques prévue par les dispositions de l’article L213-3 du code du patrimoine, entraînant un refus de l’administration des archives qui se trouve en situation de compétence liée en cas de refus, la commission considère toutefois que dans l'hypothèse où il serait matériellement possible de permettre à Madame X de consulter le procès-verbal sollicité ainsi que les pièces du dossier qui le composent dans ses seules mentions relatives à sa grand-mère, à l'exclusion donc de toute mention ou pièce relative aux auteurs, l'intérêt qui s'attacherait à cette consultation ne conduirait pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger. La commission émet en conséquence, sous cette réserve et dans la seule mesure indiquée, un avis favorable à la demande d'avis.