Avis 20132765 Séance du 05/12/2013

Copie, à sa famille, de l'entier dossier administratif et médical de Monsieur XXX XXX, dont le décès a été constaté le 16 janvier 2012 au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes (13), afin de connaître les causes de la mort.
Maître XXX XXX, conseil de la famille XXX, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 juillet 2013, à la suite du refus opposé par la garde des sceaux, ministre de la justice à sa demande de copie de l'entier dossier administratif et médical de Monsieur XXX XXX, dont le décès a été constaté le 16 janvier 2012 au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes (13), afin de connaître les causes de la mort. Maître XXX indique représenter en particulier la mère et la veuve du défunt. I. En ce qui concerne le dossier médical : La commission relève que le dernier alinéa de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L. 1111-7 du même code, prévoit que le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations médicales concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire opposée par la personne avant son décès. La commission précise que le Conseil d'État, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins, n° 270234, a interprété les dispositions de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser l'accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l'objectif qu'ils poursuivent. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué. En outre, la commission souligne que, par ces dispositions, le législateur a clairement entendu restreindre aux seules personnes qui peuvent se prévaloir de la qualité d'ayant droit, à l'exclusion de toute autre catégorie de tiers tels que la famille et les proches, la dérogation ainsi aménagée au secret médical du défunt. C'est donc uniquement dans les cas où ils justifient de la qualité d'ayant droit que les membres de la famille peuvent obtenir communication du dossier médical. La commission considère que les personnes bénéficiant de la qualité d’ayant droit du défunt au sens de ces dispositions sont les mêmes que celles qui présentent la qualité d’héritier ayant, par application des règles générales du code civil en matière de successions et de libéralités, une vocation universelle ou à titre universel à la succession du patient décédé. 1. Il s’agit, dès lors, en premier lieu, des successeurs légaux du défunt, déterminés conformément aux articles 731 et suivants du code civil, comme l'a rappelé l'arrêté du 3 janvier 2007 portant modification de l'arrêté du 5 mars 2004 portant homologation des recommandations de bonnes pratiques relatives à l'accès aux informations concernant la santé d'une personne. A cet égard, la commission rappelle que l'article 734 de ce code prévoit : « En l'absence de conjoint successible, les parents sont appelés à succéder ainsi qu'il suit : / 1° Les enfants et leurs descendants ; / 2° Les père et mère ; les frères et sœurs et les descendants de ces derniers ; / 3° Les ascendants autres que les père et mère ; / 4° Les collatéraux autres que les frères et sœurs et les descendants de ces derniers. / Chacune de ces quatre catégories constitue un ordre d'héritiers qui exclut les suivants ». L’article 744 précise qu’à l’intérieur de chaque ordre d’héritiers, l’héritier le plus proche en degré exclut les héritiers plus éloignés. Ces règles sont à combiner avec les règles relatives à la division de la succession en deux branches, paternelle et maternelle, et à la représentation, fixées aux articles 746 à 755. La commission rappelle également que l’article 732 du même code réserve la qualité de conjoint successible au conjoint survivant non divorcé. Selon l’article 756 : « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt ». Les articles 757 et 757-1 règlent le partage de la succession entre le conjoint survivant et les enfants du défunt ou les descendants de ceux-ci, ainsi qu’entre le conjoint survivant et les père et mère du défunt, lorsque celui-ci n’a pas laissé de descendance. L’article 757-2 dispose : « En l'absence d'enfants ou de descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la succession ». En application de ces règles, la commission estime que le conjoint survivant non divorcé a, au même titre que les enfants du défunt ou leurs descendants, ou, en l’absence de descendance du défunt, que les père et mère de ce dernier, la qualité d’ayant droit pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. La présence du conjoint successible prive en revanche de cette qualité les parents du défunt autres que ses enfants ou leurs descendants et que ses père et mère, en l’absence de dispositions testamentaires qui les aient institués héritiers. 2. Il s’agit également, en second lieu, des légataires universels ou à titre universel du patient décédé, désignés par testament. En effet, l’existence d’héritiers légaux ne fait pas, par elle-même, obstacle à la désignation d’héritiers testamentaires, de même que l’institution de ces derniers n’exclut pas par principe les héritiers légaux de la succession. En outre, dès lors que les articles 913 et 913-1 du code civil confèrent à l’enfant du défunt ou, s’il est décédé avant celui-ci, à ses propres descendants, la qualité d’héritiers réservataires, l’enfant ou, en cas de prédécès de ce dernier, ses descendants, ont toujours la qualité d’ayant droit du patient décédé pour l’application de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique, quelles que soient les dispositions successorales prises par ailleurs par le défunt. Pour les successions ouvertes conformément à l’état actuel des règles du code civil, c’est le conjoint survivant non divorcé qui, à défaut de descendants du défunt, bénéficie de la qualité d’héritier réservataire, en vertu de l’article 914-1 du code civil. Par conséquent, le conjoint survivant non divorcé présente lui aussi toujours la qualité d’ayant droit, sauf s’il en a été privé par testament (Cass. Civ. 1re, 25 juin 2008, n° 07-13438 bull. 2008, I, n° 186), ce que la loi ne permet qu’en présence de descendants du défunt. 3. La commission estime qu’en revanche, les bénéficiaires d’une assurance sur la vie ou d’une d’assurance-décès qui ne seraient pas par ailleurs héritiers légaux ou testamentaires, universels ou à titre universel, du patient décédé ne présentent pas la qualité d’ayant droit au sens de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique. En effet, leur désignation par les contrats souscrits par le défunt leur donne seulement une créance sur l’établissement avec lequel celui-ci a contracté, sans leur ouvrir aucun droit à sa succession. Ces personnes ne sont donc pas au nombre de celles en faveur desquelles le législateur a levé le secret médical. La commission rappelle enfin que l’article 730 du code civil dispose que la qualité d’héritier s’établit par tous moyens. Par suite, elle estime que la qualité d’ayant droit peut elle-même s’établir par tous moyens pour l’application de l’article L. 1110-4 du code civil. S’agissant des enfants du patient décédé, qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, ont toujours cette qualité, la production d’une copie d’acte de naissance ou du livret de famille est suffisante. En ce qui concerne les autres ayants droit, il revient à l’autorité qui détient le dossier du patient d’apprécier la nécessité de pièces complémentaires. Dans les situations les plus complexes ou les plus incertaines, un acte de notoriété établi par notaire conformément aux articles 730-1 à 730-5 du code civil lui permettra de s’assurer de la qualité du demandeur. La commission constate que la demande de communication formulée par le conseil de la famille de Monsieur XXX répond à l’objectif de connaître les causes de la mort de ce dernier, et que le défunt n'a laissé ni descendance ni dispositions testamentaires. Elle en déduit que sa veuve et sa mère présentent la qualité d'ayant-droit au sens de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique. Elle considère, par conséquent, que les informations médicales contenues dans le dossier médical de Monsieur XXX, pour autant qu’elles permettent de connaître les causes du décès, sont communicables à leur conseil. La commission émet donc, dans cette mesure, un avis favorable. Elle rappelle que si l'administration pénitentiaire ne détient pas le dossier médical sollicité, il lui incombe, en application du quatrième alinéa de l'article 2 de la loi du 17 juillet 1978, de transmettre la demande, accompagnée du présent avis, à l'autorité susceptible de le détenir, en l'espèce le directeur de l'établissement public de santé chargé de mettre en œuvre au centre pénitentiaire d'Aix-Luynes les missions de diagnostic et de soins en milieu pénitentiaire, établissement que connaît nécessairement l'administration du ministère de la justice. II. En ce qui concerne le dossier administratif : La commission estime tout d'abord que la formulation de la demande est suffisamment précise pour permettre à l'administration d'identifier les documents demandés, contrairement à ce que soutient l'administration, qui énumère d'ailleurs elle-même les documents correspondant à cette demande. La commission rappelle ensuite que le dossier administratif d'un détenu n'est communicable qu'à ce dernier, en application du II de l'article 6 de la loi du 17 juillet 1978, et, dans le cas où il est décédé, n'est en principe communicable aux tiers qu'à l'expiration d'un délai de cinquante ans à compter du dernier document inclus dans ce dossier, en application du 3° du I de l'article L. 213-2 du code du patrimoine. Elle émet donc, en l'état, un avis défavorable à la communication du dossier demandé. La commission précise toutefois qu'en application de l'article L. 213-3 du même code, l'autorisation de consulter ce dossier peut être accordée par la garde des sceaux, ministre de la justice, aux personnes qui en font la demande, en particulier à la mère et à la veuve de l'intéressé, si l'intérêt qui s'attache à la consultation de ces documents par ces dernières ne conduit pas à porter une atteinte excessive aux intérêts que la loi a entendu protéger.