Conseil 20071264 Séance du 05/04/2007

- caractère communicable et conditions de reproduction du fichier domiciliaire tenu dans les départements d'Alsace-Lorraine et plus précisément : - quel délai de libre communication adopter, 60 ou 100 ans ; - comment consilier la communication des données de plus de 60 ans, et la protection de la vie privée pour les données les plus récentes ; - problématique de la mise en ligne éventuelle de ces données permettant des interrogations croisées.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 5 avril 2007 les deux demandes de conseil dont elle a été saisie par la directrice des archives de France et par la directrice des archives départementales du Bas-Rhin et relatives au caractère communicable et aux conditions de communication des fichiers domiciliaires tenus par les communes dans les départements de Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. Les demandes portent en particulier sur le délai de communicabilité applicable à certaines fiches. Après examen des documents que les Archives départementales du Bas-Rhin lui ont fait parvenir, la commission constate qu’il s’agit de documents administratifs, assez divers dans leur présentation : certains constituant un relevé, par adresse, rue par rue, des occupants, d’autres se présentant comme des fiches relatives à chaque habitant. Toutes comportent, outre le nom et l’adresse des occupants, leur date de naissance, leur situation de famille et les mêmes indications pour les membres de leur famille. Certaines comportent d’autres rubriques telles que la profession, la religion ainsi, parfois, que des éléments d'ordre politique ou associatif, rapprochant ces fiches de fichiers de police. Ces mentions sont couvertes par le secret de la vie privée des personnes citées, secret protégé par les dispositions du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 qui font obstacle à leur communication à des tiers. La communication de ces documents, qui constituent des archives publiques au sens de l'article L.211-4 du code du patrimoine, est régie par les articles L.213-1 et suivants de ce code. L’article L.213-1 prévoit que les documents qui sont communicables à la date de leur versement aux archives le demeure et que ceux qui ne sont pas librement communicables à cette date le deviennent à l’expiration soit du délai de droit commun qui est de trente ans, soit de délais particuliers précisés à l’article L.213-2 et allant de 60 à 150 ans selon la nature de ces documents. En vertu du c) de l’article L.213-2, le délai au-delà duquel les documents d'archives publiques peuvent être librement consultés est porté à cent ans à compter de la date de l'acte ou de la clôture du dossier pour les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et, en vertu du e) du même article, à « soixante ans à compter de la date de l'acte pour les documents qui contiennent des informations mettant en cause la vie privée ». L’article L.213-3 permet cependant à l’administration des archives d’autoriser, par dérogation, la consultation de documents avant leur date de libre communicabilité. La commission estime que l’appréciation à porter est fonction de la qualité du demandeur et doit être portée document par document dans la mesure où ces documents sont détachables les uns des autres sans risque de les endommager. Ainsi, une personne dont le nom figure sur une fiche a, en vertu du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 un droit d’accès à la partie de cette fiche qui se rapporte à lui, quelle que soit la date de cette fiche mais pas aux autres mentions relatives à des tiers. Ces mentions, dans la mesure où elles sont peu nombreuses, doivent être occultées en application du III du même article. Un tiers ne pourra pas accéder au contenu d’une fiche avant sa date de libre communicabilité, à moins que l’administration des archives n’estime que sa situation justifie l’octroi d’une autorisation par dérogation. A ce titre, depuis l'extension de sa compétence aux archives publiques, la commission s'est efforcée d'élaborer une grille d'analyse cohérente en matière d’examen des demandes de dérogation. Elle s'assure d'abord que les documents demandés ne sont effectivement pas librement accessibles. Ensuite, elle s'efforce, au cas par cas, de mettre en balance les avantages et les inconvénients d'une communication anticipée, en tenant compte d'une part de l'objet de la demande et, d'autre part, de l'ampleur de l'atteinte aux intérêts protégés par la loi. L'examen des refus de dérogation conduit ainsi la commission à analyser le contenu du document (son ancienneté, la date à laquelle il deviendra librement communicable, la sensibilité des informations qu'il contient au regard des secrets justifiant les délais de communication) et à apprécier les motivations, la qualité du demandeur (intérêt scientifique s'attachant à ses travaux mais aussi intérêt administratif ou familial) et sa capacité à respecter la confidentialité des informations dont il souhaite prendre connaissance. En l’espèce, la commission considère que les fiches domiciliaires entrent dans le champ d’application du e) et deviennent librement communicables à l’expiration d’un délai de soixante ans à compter de la date de l’acte. Lorsque, le fichier comporte des mentions portées postérieurement à sa création, la date de la dernière mention portée sur le document détermine sa date de libre communicabilité. Avant cette date, seules les personnes citées par le document disposent, pour la partie qui les concerne, d’un droit à en obtenir communication, l’administration des archives pouvant cependant accorder à des tiers la possibilité à titre dérogatoire de les consulter. Une fois ce délai expiré, le document devient librement communicable, quelles que soient les mentions qui y figurent et alors même que les personnes citées seraient encore en vie. En outre, lorsque des pièces judiciaires sont annexées à ces fiches - comme c’est le cas par exemple pour le mandat d’arrêt annexé à l’extrait n° 3 du fichier domiciliaire de Strasbourg (603 MW 859) – la commission estime que ces pièces ne deviennent communicables qu’à l’expiration d’un délai de cent ans. S‘agissant des modalités d’accès, les dispositions de l’article 4 de la loi du 17 juillet 1978 prévoit que le droit d’accès aux documents administratifs librement communicables s’exerce, selon le souhait du demandeur et sous réserve que le mode d’accès choisi ne nuise pas à la préservation ou à la conservation du document et des possibilités techniques de l’administration, soit par consultation gratuite sur place, soit par délivrance d’une copie sur papier ou sur un support informatique identique à celui utilisé par l’administration. Des frais de reproduction pourront lui être facturés, sans que ceux-ci puissent excéder le coût réel supporté par l’administration (un arrêté du Premier ministre du 1er octobre 2001 fixe les montants maximum). Pour les documents demandés par dérogation, les dispositions de cet article 4 de la loi ne peuvent être invoquées en l’absence de droit d’accès. Aucune disposition du code du patrimoine, ni de ses décrets d’application, n’institue un droit à recevoir photocopie d’archives publiques (Conseil d’État, B., 1er février 1993). L’article 2 du décret n°79-1038 du 3 décembre 1979 précise que c’est à l’administration de décider des modalités de consultation lors d’une autorisation de communication par dérogation : « Elle précise en outre, le cas échéant, si la reproduction des documents peut être effectuée et en détermine les modalités ». Dans l’hypothèse où un tiers solliciterait, après l’expiration de ce délai, l’accès à plusieurs fiches dans des conditions pouvant laisser penser qu’il a l’intention de constituer à partir d’elles un fichier, il conviendrait de l’informer de l’obligation qui s’impose à lui de respecter les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.