Avis 20201610 Séance du 10/09/2020

Communication des comptes rendus et documents papiers, ou sur support informatique, photos et vidéos relatifs au suivi de l’incendie et du naufrage du navire Grande America.
Madame X, pour le compte de X, a saisi la commission d'accès aux documents administratifs, par courrier enregistré à son secrétariat le 5 mai 2020, à la suite du refus opposé par le préfet maritime de l'Atlantique à sa demande de communication des comptes rendus et documents papiers, ou sur support informatique, photos et vidéos relatifs au suivi de l’incendie et du naufrage du navire Grande America. La commission rappelle que, le 13 mars 2019, l’armateur du Grande America a été mis en demeure par les autorités françaises, en application de l’article L218-72 du code de l’environnement, de prendre toutes mesures pour faire cesser le danger grave et imminent pour la navigation, le littoral français et les intérêts connexes, à la suite de laquelle l’armateur italien du Grande America et ses assureurs ont mandaté une société spécialisée pour organiser une inspection de l’épave reposant par 4 600 mètres de fond. Les plongées par robots en mars et avril 2019 ont permis de réaliser un état de l’épave, des photos et vidéos, mais également de colmater les orifices par lesquels des sorties d’hydrocarbure étaient observées. Un rapport complet des opérations, rédigé par la société spécialisée Global Salvage Consultancy (GSC), a été fourni à la préfecture maritime à l’issue de ces travaux afin de permettre aux autorités de l’Etat de vérifier que les travaux effectués répondaient aux exigences de la mise en demeure, en disposant d’un état des lieux précis de la situation et des opérations réalisées. En réponse à la demande qui lui a été adressée, le préfet maritime de l'Atlantique a informé la commission que deux types de document étaient susceptibles de répondre à l’objet de la demande : le rapport complet des opérations établi par la société GSC et les résultats de la surveillance de l’environnement au droit de l’épave par des aéronefs de l’Etat. La commission estime que le rapport complet des opérations établi par la société GSC, reçu par l’administration dans le cadre de ses missions de service public, est un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration communicable sur le fondement du livre III de ce code, selon les modalités et les réserves qu'il prévoit. La commission estime également, qu'eu égard à son objet, il contient des informations relatives à l’environnement au sens de l'article L124-2 du code de l'environnement, communicables sur le fondement de ce code, voire des informations relatives à des émissions de substance dans l’environnement. La commission rappelle que, selon les articles L124-1 et L124-3 du code de l'environnement, le droit de toute personne d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues, reçues ou établies par l'administration s'exerce dans les conditions définies par le titre III du code des relations entre le public et l'administration, sous réserve des dispositions du chapitre IV du titre II du livre I du code de l'environnement. A cet égard, les articles L124-4 et L124-5 précisent les cas dans lesquels l'autorité administrative peut rejeter une demande d'information relative à l'environnement et à des émissions de substances dans l'environnement, au nombre desquelles ne figure pas le caractère préparatoire du document ou des informations. Il appartient en particulier à l'autorité administrative d'apprécier l'intérêt d'une communication et elle n'est fondée à rejeter une demande d'information relative à l'environnement que si elle porte atteinte : 1° Aux intérêts mentionnés aux articles L311-5 à L311-8 du code des relations entre le public et l'administration, à l'exception de ceux visés au e et au h du 2° de l'article L311-5 ; 2° A la protection de l'environnement auquel elle se rapporte ; (...). La commission précise que si la demande porte en partie sur des informations relatives à des émissions de substances dans l'environnement, entendues comme celles qui concernent ou qui sont relatives à de telles émissions, et non les informations présentant un quelconque lien, direct ou indirect, avec ces émissions, seules peuvent, en application des dispositions de l'article L124-5 du code de l'environnement, faire obstacle à la communication de ces informations les atteintes à la conduite de la politique extérieure de la France, à la sécurité publique ou à la défense nationale, au déroulement des procédures juridictionnelles ou à la recherche d’infractions pouvant donner lieu à des sanctions pénales ou à des droits de propriété intellectuelle. Il ressort des pièces du dossier que l'armateur souhaite que les documents qu'il a remis au préfet maritime, à l'exception de ceux pour lesquels il avait donné son accord à une diffusion à des tiers, demeurent confidentiels. L'armateur du Grande America fait, notamment, valoir que la société GCS, cabinet spécialisé dans ce type d’interventions, a dirigé les opérations de récupération des containers flottants, d’inspection de l’épave et de colmatage des fuites et que cette intervention constitue une première mondiale ayant impliqué, eu égard à la profondeur de l'épave, des compétences et techniques développées par GSC qui ne peuvent être révélées à des tiers sans lui porter préjudice en leur révélant des informations confidentielles sur la méthodologie et le matériel employés, dont certains ont été développés pour cette opération. La commission, qui n'a pas pris connaissance des documents en cause, en déduit, en l'état des informations dont elle dispose, que la société GCS et les prestataires qu’elle a choisis ont mis en œuvre des méthodes et techniques novatrices pour accomplir la mission qui leur avait été confiée relevant du secret des procédés protégé par le secret des affaires. La commission rappelle que le droit à la communication des documents administratifs et des informations environnementales s’exerce dans le respect du secret des affaires protégé en application du 1° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et du 1° de l'article L124-4 du code de l'environnement, seules les informations relatives à des émissions de substances dans l’environnement étant communicables alors même que cette communication porterait atteinte au secret des affaires en application des dispositions de l’article L124-5 du même code. Elle précise qu'en matière de communication d'informations environnementales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier l'intérêt d'une communication en procédant à une balance entre l'intérêt public servi par la divulgation et l'intérêt servi par le refus de divulguer. Sur ce point, le préfet maritime de l'Atlantique indique que les documents qui lui ont été remis, provenant de personnes privées et comportant des informations confidentielles sont indispensables au bon traitement des événements de mer par les préfectures maritimes et que leur communication au public aurait pour conséquence de générer une forte réticence de la part des armateurs et des sociétés spécialisées dans le traitement des navires en difficulté et épaves - dont les compétences et équipements techniques sont extrêmement rares – à fournir une information aussi complète et transparente que dans le cas du Grande America alors que l’État n’est pas en capacité de se substituer à ces sociétés pour effectuer des opérations telles que celles réalisées sur l’épave du Grande America. La commission comprend que la communication sollicitée pourrait donc s'avérer contre-productive en étant susceptible de préjudicier à l'avenir à la bonne information des autorités publiques en charge de la protection de l'environnement et partant, à la protection de l'environnement. La commission estime au regard de ce qui précède que le préfet maritime de l'Atlantique, qui a rendu publiques un nombre certain d’informations environnementales dont certaines extraites du rapport de la société GCS, qui permettent de connaître les réponses apportées à la mise en demeure, ainsi qu’une image en trois dimensions de l’épave, une photographie de l’épave et des photographies d’une fuite d’hydrocarbure sur l’épave et de son colmatage, était fondé à refuser la communication du rapport complet des opérations établi par la société spécialisée GSC dont le contenu est protégé par le secret des procédés en application des dispositions de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration et L124-4 du code de l'environnement, à l'exception des mentions relatives aux émissions de substance dans l'environnement qu'il contient (nature des polluants, volume des fuites, diffusion) à moins que celles-ci n'aient déjà été transmises à l’association demanderesse à l'occasion des précédents échanges avec l'administration ou rendues publiques par le préfet. Elle émet en conséquence, dans cette mesure, un avis défavorable à la communication du rapport complet des opérations rédigé par la société GSC et un avis favorable à la communication des mentions relatives à des émissions de substance dans l’environnement n’ayant pas fait l’objet d’une diffusion publique. S'agissant des résultats de la surveillance de l'environnement au droit de l'épave, la commission relève qu'une surveillance régulière du secteur de naufrage du Grande America par des aéronefs de l’État a été mise en place afin d’observer les présences en surface des hydrocarbures de soute rejetés par l’épave, quotidiennes puis périodiques et que dans ce cadre, lorsque des observations de pollution sont rapportées par les moyens aériens spécialisés de l’État, celles-ci sont formalisées dans des formulaires standards de notification (pollution report - POLREP), dont le principe et le modèle ont été définis par une recommandation des parties contractantes à l’accord de Bonn sur la coopération en matière de lutte contre la pollution de la Mer du Nord par les hydrocarbures et autres substances nocives. La commission estime que ces formulaires renseignés constituent, lorsqu'ils sont détenus par l'administration, des documents administratifs communicables sur le fondement des dispositions du code des relations entre le public et l'administration et du code de l'environnement, sans qu'y fassent obstacle les difficultés d’exploitation auxquelles ils peuvent donner lieu. La commission émet en conséquence un avis favorable à leur communication.