Conseil 20183257 Séance du 25/10/2018

Caractère communicable d'un rapport d'enquête administrative relatif à un différend opposant deux agents, n'entraînant pas de sanction disciplinaire ; des occultations doivent-elles être faites, si oui lesquelles ; le rapport ainsi occulté doit-il être communiqué aux deux parties par souci d'égalité, si l'un des deux intentait, comme il dit le prévoir, une action en justice.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 25 octobre 2018, votre demande de conseil relative au caractère communicable, aux deux agents intéressés, des conclusions d'un rapport d'enquête administrative relatif à un différend qui les oppose et n'a pas donné lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires. Elle note que vous vous interrogez, en particulier, sur la portée du principe d'égalité des armes. La commission relève, à titre liminaire, qu'en l'absence d'engagement d'une poursuite disciplinaire donnant lieu à communication de documents sur le fondement de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, votre demande s'inscrit dans le cadre du droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. La commission rappelle que les documents composant le dossier d’un agent public sont des documents administratifs en principe communicables à l’intéressé, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu’ils ne présentent plus de caractère préparatoire à une décision en cours d’élaboration, et sous réserve de l’occultation ou de la disjonction des mentions dont la communication porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par les articles L311-5 et L311-6 du même code. En application de ces dispositions, doivent notamment être disjoints ou occultés, avant communication, les éléments qui portent une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable, qui font apparaître d'une personne physique ou morale un comportement dont la divulgation pourrait lui porter préjudice, ou dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée. Dans l'hypothèse où l'importance des occultations dénaturerait le sens d'un document ou priverait sa communication de tout intérêt, cette communication pourrait être refusée par l'autorité administrative auprès de laquelle le document a été sollicité en vertu de l'article L311-7 du même code. Par suite, les documents issus d'une enquête administrative engagée à l'encontre d'un agent sont communicables à ce dernier, qui a la qualité d'intéressé au sens et pour l'application de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration, sous réserve de l'occultation préalable des mentions faisant apparaître directement l'identité des personnes interrogées ou permettant de les identifier facilement eu égard aux propos tenus. Pour sa part, la personne dont la plainte a donné lieu à l'engagement d'une enquête administrative, qui doit être regardée comme un tiers, ne peut obtenir communication, sur le fondement de l'article L300-2 du même code, des documents élaborés à l' occasion de cette enquête, que sous réserve de l'occultation préalable, en application des 2° et 3° de l'article L311-6 de ce code, des mentions divulguant le comportement des agents interrogés d'une manière susceptible de leur porter préjudice, ainsi que de celles qui font apparaître des appréciations et jugements de valeur, notamment sur l'agent qui a fait l'objet de l'enquête. Ainsi, il résulte des dispositions des articles L311-6 et 311-7 du code des relations entre le public et l'administration que les personnes à l'encontre desquelles une enquête administrative a été engagée et celles dont la plainte a donné lieu à l'engagement de cette enquête n'ont pas nécessairement accès aux mêmes informations : si, dans l'un comme dans l'autre cas, le 3° de l'article L311-6 du code des relations entre le public et l'administration impose d'occulter les mentions révélant le comportement de tiers de nature à leur porter préjudice, seul l'agent public mis en cause peut avoir connaissance des appréciations et jugements de valeur qui sont portés sur lui par son autorité hiérarchique et par les tiers dont l'identité n'est pas révélée. Le principe de l'égalité des armes ne trouve à s'appliquer, ainsi qu'il résulte des stipulations mêmes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que dans le cadre de procédures déterminant des « droits et obligations de caractère civil » ou « le bien-fondé » d'une accusation en matière pénale au sens de cet article, au nombre desquels ne figure pas le régime du droit d'accès aux documents administratifs défini par le livre III du code des relations entre le public et l'administration. Ce principe ne saurait donc faire obstacle à une différence de traitement en matière d'accès aux documents administratifs, entre l'agent dont le comportement faire l'objet d'une enquête administrative et la personne qui se plaint de ce comportement, cette différence résultant d'une différence de situation. Après avoir pris connaissance du document sollicité, la commission considère que les conclusions du rapport d'enquête constituées par le courrier en date du 22 juin 2018 de la directrice départementale adjointe de la cohésion et de la protection des populations au directeur, dès lors que ce rapport se borne à présenter les faits de façon objective et à formuler des recommandations afin de traiter ce différend, est communicable à Monsieur X, après occultation de l'identité des personnes interrogées. Ne lui sont en revanche pas communicables les comptes rendus des auditions des personnes interrogées, autres que celles de Monsieur X lui-même. En l'absence de demande de Monsieur X d'accéder au dossier le concernant, la commission considère que le même document peut lui être transmis avec les mêmes occultations, sous réserve que soit également supprimé le compte rendu de l'audition de Monsieur X.