Conseil 20190401 Séance du 21/03/2019

Caractère communicable des documents suivants : 1) les pièces d'un marché public passé par une société d'économie mixte en tant que bailleur social et ayant édifié une résidence séniors sur un terrain acheté par la commune ; 2) les mêmes pièces d'un marché public passé sous mandat.
La commission d'accès aux documents administratifs a examiné dans sa séance du 21 mars 2019 votre demande de conseil relative au caractère communicable des documents suivants : 1) les pièces d'un marché public passé par une société d'économie mixte en tant que bailleur social et ayant édifié une résidence séniors sur un terrain acheté par la commune ; 2) les mêmes pièces d'un marché public passé sous mandat. La commission rappelle en premier lieu qu'aux termes de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration : « Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'État, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission (...) ». Elle précise également, s'agissant des sociétés d'économie mixte ou des sociétés publiques locales, que le Conseil d'État, dans sa décision CE, Sect., 22 février 2007, Association du personnel relevant des établissements pour inadaptés, n° 264541, a jugé qu'indépendamment des cas dans lesquels le législateur a lui-même entendu reconnaître ou, à l'inverse, exclure l'existence d'un service public, une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Toutefois, même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission. La commission en déduit que, lorsqu'une société d'économie mixte (SEM) ou une société publique locale (SPL) est chargée d'une mission de service public, les documents qu'elle élabore ou détient ne constituent des documents administratifs au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration que si leur objet les rattache directement à l'exécution de la mission de service public qui lui a été confiée. En l'espèce, elle relève que la SEMCODA est un bailleur social, dont le Conseil Départemental de l'Ain est le principal actionnaire public, et que le marché sollicité a pour objet la construction par cette société d'une résidence séniors et d'une maison médicale sur un terrain propriété d'une commune. Elle estime en conséquence que ce marché s'inscrit dans la mission de service public de cette société et constitue en conséquence un document administratif au sens de l'article L300-2 du code des relations entre le public et l'administration, alors même que ce document n'avait pas à être transmis au représentant de l'État dans le département au titre du contrôle de légalité au regard des dispositions de l'article L1524-1 du code général des collectivités territoriales (point 1 de la demande). A fortiori, dans la seconde hypothèse où une Société d'Economie Mixte conclurait un marché pour le compte d'une personne publique en vertu d'un mandat que celle-ci lui aurait confié, ce marché serait également regardé comme administratif au sens du livre III du code des relations entre le public et l'administration et soumis au droit d'accès prévu par l'article L311-1 de ce code (point 2). La commission rappelle en deuxième lieu, qu'une fois signés, les marchés publics et les documents qui s’y rapportent sont des documents administratifs soumis au droit d'accès institué par le livre III du code des relations entre le public et l’administration. En conséquence, la communication à un candidat écarté des motifs ayant conduit la commission d'appel d'offres à ne pas lui attribuer le marché ne permet pas de refuser la communication de ces documents. Ce droit de communication, dont bénéficient tant les entreprises non retenues que toute autre personne qui en fait la demande, doit toutefois s'exercer dans le respect du secret des affaires, protégé par les dispositions de l’article L311-6 de ce code. Il résulte de la décision du Conseil d’État du 30 mars 2016, Centre hospitalier de Perpignan (n° 375529), que, lorsqu’elles sont saisies d’une demande de communication de documents relatifs à un marché public, les autorités mentionnées à l’article L300-2 du même code doivent examiner si les renseignements contenus dans ces documents peuvent, en affectant la concurrence entre les opérateurs économiques, porter atteinte au secret des affaires et faire ainsi obstacle à cette communication. Le Conseil d’État a en outre précisé qu’au regard des règles de la commande publique, doivent être regardées comme communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi, l’ensemble des pièces d’un marché public et que, dans cette mesure, l’acte d’engagement, le prix global de l’offre et les prestations proposées par l’entreprise attributaire, notamment, sont en principe communicables. En revanche, les éléments qui reflètent la stratégie commerciale d’une entreprise opérant dans un secteur d’activité et dont la divulgation est susceptible de porter atteinte au secret des affaires ne sont, en principe, pas communicables. Il en va ainsi du bordereau des prix unitaires. L'examen de l’offre d’une entreprise attributaire au regard du respect du secret des affaires conduit ainsi la commission à considérer que l’offre de prix détaillée contenue dans le bordereau des prix unitaires, la décomposition du prix global et forfaitaire ou le détail quantitatif estimatif, ne sont pas communicables aux tiers, sans qu’il soit besoin de s’interroger sur le mode de passation, notamment répétitif, du marché ou du contrat, sa nature, sa durée ou son mode d’exécution. L’examen de l’offre des entreprises non retenues au regard des mêmes principes conduit de même la commission à considérer que leur offre de prix globale est, en principe, communicable mais qu’en revanche, le détail technique et financier de cette offre ne l’est pas. En outre, pour l’entreprise attributaire comme pour l’entreprise non retenue, les dispositions de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration doivent entraîner l’occultation des éléments suivants : - les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties ainsi qu'aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics ; - dans les documents préparatoires à la passation du marché (procès-verbaux, rapports d'analyse des offres) les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres. La commission précise enfin que les notes et classements des entreprises non retenues ne sont communicables qu'à celles-ci, chacune en ce qui la concerne, en application de l’article L311-6 du code des relations entre le public et l’administration. En revanche, les notes, classements et éventuelles appréciations de l'entreprise lauréate du marché sont librement communicables. Au regard de ces développements, la commission estime que le rapport d'analyse des offres sollicité est communicable à toute personne en faisant la demande, sous réserve de l'occultation des mentions protégées par le secret des affaires. En revanche, le bordereau de prix unitaires est protégé par ce secret et n'est par suite pas communicable. Enfin, la commission rappelle que lorsqu'une administration n'est pas en possession des documents sollicités, il lui appartient, en application du sixième alinéa de l’article L311-2 du code des relations entre le public et l’administration, de transmettre la demande de communication, accompagnée du présent avis, à l’autorité administrative susceptible de les détenir.