Conseil 20183549 Séance du 25/10/2018

Caractère obligatoire ou non pour les hôpitaux, lorsque l'ayant droit d'un patient décédé souhaite faire valoir ses droits sur le fondement de l'article L1110-4 du CSP, de répondre à des questionnaires exhaustifs imposés par des compagnies d’assurances, qui doivent être complétés par un médecin hospitalier en lieu et place de la délivrance d’un simple certificat médical transmis par le médecin à l’ayant droit du patient, et non au médecin conseil de la compagnie d’assurance, pratique conforme aux dispositions du code de la santé publique dès lors que ce certificat ne comporte pas d’informations couvertes par le secret médical.
La commission d’accès aux documents administratifs a examiné, dans sa séance du 25 octobre 2018, votre demande de conseil relative à l'existence d'une obligation tirée de l'article L1110-4 du code de la santé publique à la charge des médecins de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) lorsqu'ils sont sollicités par le bénéficiaire d'une police d'assurance, de répondre à des questionnaires exhaustifs comportant des informations de nature médicale. La commission rappelle, d'une part, que le V de l'article L1110-4 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article L1111-7 du même code, dispose que : « Le secret médical ne fait pas obstacle à ce que les informations concernant une personne décédée soient délivrées à ses ayants droit, son concubin ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité, dans la mesure où elles leur sont nécessaires pour leur permettre de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir leurs droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. » La commission précise que le Conseil d'État, dans une décision du 26 septembre 2005, Conseil national de l'ordre des médecins, n° 270234, a interprété les dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique comme ayant entendu autoriser l'accès des ayants droit aux seules informations nécessaires à l'objectif qu'ils poursuivent. L'application de ces dispositions à chaque dossier d'espèce relève de l'équipe médicale qui a suivi le patient décédé, compétente pour apprécier si un document composant le dossier se rattache à l'objectif invoqué. La commission rappelle, d'autre part, que le Conseil d'État a posé le principe selon lequel le droit à communication posé par l'article L311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne s'applique qu'à des documents existants et que, par conséquent, l'administration n'est tenue, en règle générale, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la communication d'un dossier qui n'existe pas en tant que tel, ni de faire des recherches en vue de collecter l'ensemble des documents éventuellement détenus, ni d'établir un document en vue de procurer les renseignements ou l'information souhaités (CE, 22 mai 1995, Association de défense des animaux victimes d'ignominie ou de désaffection n° 152393). La commission relève toutefois que le régime particulier prévu par l'article L1110-4 du code de la santé publique porte, à la différence du régime général d'accès aux documents administratifs, sur des « informations » et non uniquement sur des documents. Si la commission relève que l'article L1111-7 du code de la santé publique prévoit que sont seules communicables les informations concernant la santé d'un patient « qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé », il ressort des travaux qui ont précédé l'adoption de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé que le législateur n'a ainsi entendu exclure du droit d'accès que les échanges oraux ainsi que les « simples annotations ou mentions informelles traduisant par exemple des interrogations ou des hypothèses de travail ». La commission en déduit que dès lors que l'information est effectivement consignée par écrit dans un document achevé, cette information doit être regardée comme étant communicable, fût-ce en la reproduisant sur un support ad hoc, tel qu'un certificat médical. La commission relève, par ailleurs, que l'article R4127-76 du code de la santé publique (que reproduit l'article 76 du code de déontologie des médecins) dispose que : « L'exercice de la médecine comporte normalement l'établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu'il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. » La commission considère qu'il résulte de ce qui précède, qu'afin de permettre aux ayants droit de connaître les causes du décès de leur proche mais également de faire valoir leurs droits, l'article L1110-4 du code de la santé publique doit être interprété comme impliquant l'obligation pour les médecins, saisis d’une demande en ce sens, de remplir le questionnaire de santé qui leur est adressé par les compagnies d'assurance de ces ayants droit. La commission souligne toutefois qu'il appartient aux médecins d'apprécier la pertinence des éléments à renseigner dans ces questionnaires, afin de ne communiquer que les seules informations nécessaires à la réalisation de l’objectif poursuivi par ces ayants droit, à savoir la connaissance des causes de la mort et la protection de leurs droits, conformément aux dispositions de l'article L1110-4 du code de la santé publique.